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Le régime des conflits continus relève d’un héritage longuement éprouvé par le communisme de guerre (1918-1921) et repris par la révolution iranienne qui a fini par copier le modèle et l’instrumentaliser tous azimuts. Il ne s’agit pas d’un mode de fonctionnement passager ou de transition, mais d’une stratégie de survie adoptée par un régime qui a perdu ses lettres de créance depuis les premières années de la révolution islamique et qui n’a d’autre moyen de survie que la répression, la mystification idéologique et les guerres de déstabilisation au-delà des frontières. Le tempo adopté s’amenuise de jour en jour avec la perte de légitimité qui avance à cadence accélérée. La stratégie du maillage qu’il a adroitement mise au point lui sert de levier, à chaque fois qu’il se sent coincé dans sa latitude manœuvrière ou que les plaques tectoniques se déplacent et remettent en question son équilibre.

L’hypothétique autonomie des proxies de sabotage relève de l’anecdote, surtout lorsqu’elle est truffée de supercheries idéologiques, de maximalisme politique truqué et de récits épiques montés de toutes pièces. Les tribus yéménites démunies des Houthis, les mouvements terroristes et de criminalité organisée recyclés dans la vie politique comme les Hezbollah libanais et irakien, le régime mafieux et génocidaire des alaouites de Syrie, les mouvances cooptées du terrorisme sunnite, ainsi que les syndicats du crime recrutés à la pièce, ne sont que de vulgaires véhicules dont se sert le terrorisme d’État qui qualifie concrètement le mode de fonctionnement du régime iranien.

Il est grand temps de se rendre à l’évidence d’un État voyou qui s’est délibérément mis au ban de la communauté internationale dont il conteste la légitimité. Il est inutile d’avoir recours aux normes du droit international, du comportement normalisé d’un État soucieux d’accommodements juridiques ou de civilité, comme le laisse croire son adhésion nominale à l’ordre mondial d’après-guerre. Cela nous renvoie à la logique des rapports de force et à la capacité de dissuasion.

Les manœuvres ostentatoires en matière d’échange diplomatique, de négociations par prétérition, de mensonge délibéré et de défi sans vergogne nous renvoient résolument à une panoplie de politiques coercitives faite de préemption, de sanctions et d’affrontement modulé au gré des enjeux et des circonstances. La question qui se pose, de prime abord, est celle de savoir à qui il faudrait s’adresser afin de freiner les dégradations sécuritaires en cours en mer Rouge, au Liban-Sud, en Syrie et en milieux palestiniens, sachant que tous les acteurs en lice sont pilotés par le pasdaran iranien, y compris le Hezbollah libanais qui fait partie du directoire du régime islamique en Iran. Toutes ces formations ne sont que des relais et des prête-noms dont l’Iran se sert pour mener à bien son jeu. La stratégie iranienne sur le plan régional a non seulement phagocyté des mouvements, mais elle a détruit toute velléité de souveraineté territoriale. Les États ne sont plus que des ersatz et des faux-semblants institutionnels éviscérés de toute prégnance juridique ou éthique et de toute effectivité.

Sinon, sur quoi porterait une négociation avec le régime iranien? Une question préjudicielle à laquelle se rattache toute hypothétique démarche diplomatique. La récapitulation des négociations antérieures se solde par des ambiguïtés, des questions sans réponse, des manœuvres dilatoires et de diversion, des actes d’agression symétriques, des politiques de répression domestiques et un essaimage de terreur sauvage allant dans tous les sens. Le fait de dire que les attaques maritimes en mer Rouge et les fronts du Liban-Sud ne vont s’arrêter que moyennant la fin des hostilités à Gaza signifie que le dernier mot reviendrait à l’Iran.

Autrement dit, il faudrait entériner le pouvoir d’arbitrage du régime iranien, reconnaître son emprise et sceller sa suzeraineté sur le plan régional. Ce constat est doublé d’un autre constat, celui du rôle de l’Iran dans l’expansion des friches moyen-orientales, la remise en cause des équilibres stratégiques et l’érosion accélérée des instances d’arbitrage et de gouvernance internationale. L’Iran de manière directe ou oblique essaie de se positionner dans les interstices des mutations géopolitiques et stratégiques en cours.

À cela s’ajoute la perte du centre de gravité dont pâtissent les pays sunnites, leurs crises de légitimité endémiques, leur ballotement entre des oligarchies gouvernantes, des États prédateurs, des totalitarismes islamiques belliqueux et terroristes, les stratégies de subversion iraniennes, et la presistance d’un état de chaos dont se servent les politiques de puissance (iranienne, turque, saoudienne, qatari, mouvances terroristes). Il faudrait compléter la fresque en ajoutant la tentative ultime de sabotage des négociations américano-saoudiennes, qui a succédé au 7 octobre 2023 et à la guerre de Gaza. Le régime iranien cherche à installer les conflits dans la durée, impulser les guerres civiles et préempter les politiques de normalisation et de réformes en cours.

La politique de dissuasion sélective et minutieusement calibrée finira-t-elle par céder à la politique tenace et sans répit menée par l’Iran, ou par induire une guerre frontale? La diplomatie de la navette se réduit-elle à la création de zones de tampon aléatoires, à des déclarations d’intention creuses ou mensongères, et à des reports de conflits? La question qui se pose, au bout du compte, est la suivante: jusqu’à quand?

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