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La visite du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, à Washington, prévue le 24 de ce mois pour une durée de trois jours, est considérée comme l’une des plus importantes de l’histoire des relations israélo-américaines. Elle survient à un moment charnière au sein de relations déjà bien ancrées, malgré l’intention des démocrates mécontents de Netanyahou de boycotter cette visite et d’organiser des manifestations adverses. Cette visite tire son importance de son timing précis, à la veille des élections présidentielles américaines, où chaque partie peut jouer des cartes potentiellement gagnantes dans le contexte de la guerre à Gaza.

Selon un diplomate, cette visite est cruciale pour le "destin" de la campagne présidentielle de Joe Biden et "déterminante" pour l’avenir politique de Netanyahou ainsi que pour l’issue de la guerre à Gaza. En amont de la visite et dans un élan de bonne foi, Netanyahou a informé Biden de sa décision de dépêcher une délégation à Doha pour discuter de la proposition de cessez-le-feu à Gaza avec des représentants du Hamas et des États-Unis, dans le cadre de négociations indirectes. Cette initiative fait suite à la flexibilité et à l’ouverture du Hamas concernant un cessez-le-feu. Une délégation du Hamas a également rencontré Hassan Nasrallah pour l’informer des derniers développements à ce sujet. De plus, la Jamaa islamiya a annoncé qu’elle cesserait le feu dès qu’il sera proclamé à Gaza.

Dans le même temps, la Maison Blanche a dépêché à Paris l’émissaire du président Joe Biden, Amos Hochstein, pour rencontrer les responsables français et discuter des efforts conjoints pour restaurer le calme dans la région. "Les deux pays souhaitent résoudre le conflit actuel par des moyens diplomatiques à travers le respect de la Ligne bleue au Liban-Sud, de sorte à permettre aux civils israéliens et libanais de retourner chez eux avec des garanties de sécurité à long terme".

M. Hochstein a collaboré avec l’émissaire français au Liban, Jean-Yves Le Drian, et la conseillère du président français en charge de la cellule Liban à l’Elysée, Anne-Claire Legendre, pour combiner les propositions française et américaine concernant le Liban. L’objectif étant de parvenir à une solution basée sur la déclaration du sommet franco-américain tenu à Paris le 9 juin, qui souligne "la nécessité de maintenir la stabilité et de réduire les tensions le long de la Ligne bleue. Les parties sont également appelées à faire preuve de retenue, à respecter la résolution 1701, à élire sans plus tarder un président après une vacance de 18 mois, à former un gouvernement et à mettre en œuvre des réformes pour assurer la stabilité et poser les bases de la reprise économique".

Ces développements coïncident avec l’attente par l’administration Biden de la réaction d’Israël et de l’issue des discussions en coulisses sur un accord visant à mettre fin aux hostilités à Gaza, ce qui pourrait avoir un impact positif sur le Liban.

Partant, selon des sources bien informées, il ne serait pas exclu que Netanyahou puisse imposer des conditions, en exploitant la pression électorale à laquelle Biden est confronté pour renforcer sa position à l’intérieur. Il chercherait ainsi à obtenir le soutien américain et à garantir la fourniture des armes nécessaires à Israël, mettant fin à la période de froid et de tension dans les relations bilatérales au lendemain du 7 octobre.

Dans ce contexte, l’administration Biden cherche à persuader Israël et le Hamas d’accepter une proposition de cessez-le-feu à Gaza avant le 8 août, date à laquelle les candidats des partis démocrate et républicain seront officiellement confirmés pour la course présidentielle, marquant ainsi le début de la dernière phase des élections. Selon des sources américaines, Biden a besoin de remporter un succès au Moyen-Orient pour renforcer sa position électorale et augmenter ses chances face à son rival républicain, Donald Trump. Ce dernier a, en effet, marqué des points significatifs lors du débat en tête-à-tête sur CNN qui a affaibli Biden et alimenté les appels, notamment au sein de son parti, à remplacer le président sortant par un candidat plus apte à affronter Trump.

Un responsable arabe a souligné que la proposition de cessez-le-feu de Biden à Gaza obligerait les parties concernées à élaborer une feuille de route pour "le jour d’après" et à convenir d’un mécanisme pour consolider les étapes du cessez-le-feu. Cela entraînerait également une accalmie au Sud, comme l’a déclaré Naïm Qassem: "Si un cessez-le-feu est établi à Gaza, nous cesserons également le feu immédiatement ".

Dans ce contexte, un président pourrait être élu selon la formule du troisième candidat, ce qui provoquerait des mouvements significatifs dans la région et le pays. Le Quintette prendra des actions en prévision des résultats des négociations: Le Drian se rendra en Arabie saoudite et l’envoyé qatari, Abou Fahd, retournera au Liban. Parallèlement, le bloc de la Modération se mobilisera et les Forces libanaises remettront aux ambassadeurs du Quintette un document politique. Ce document propose "de tenir une séance pour élire un président, à condition que les députés ne quittent pas la séance avant l’élection. Si aucun candidat n’obtient 86 voix au premier tour, la séance serait suspendue pendant deux heures ou plus, et des sessions de dialogue et de consultation se tiendraient dans les couloirs du Parlement jusqu’à parvenir à un accord".

Ce scénario serait envisageable si Israël et le Hamas acceptaient le cessez-le-feu proposé par Biden. Le Hezbollah a précédemment rejeté l’offre de Hochstein de cesser les opérations militaires et d’établir une zone tampon au Sud, à 10 km de la frontière, exempte de combattants et d’armes illégales, avant le 8 août, en vue de transformer ultérieurement cette trêve en un cessez-le-feu permanent.

Des sources diplomatiques occidentales n’excluent pas qu’une frappe militaire éclair puisse cibler des sites, centres et dépôts d’armes du Hezbollah si la guerre à Gaza se poursuit et si le front sud reste enflammé, contraignant ainsi le Hezb à cesser ses opérations militaires. Pour rappel, plusieurs capitales occidentales ont déjà mis en garde leurs citoyens contre la visite du Liban et conseillé à leurs ressortissants de quitter le pays.

Selon des cercles diplomatiques, tout cela devrait se produire avant septembre, car la région est sur le point de connaître des développements avant les élections américaines. Par ailleurs, il est nécessaire de reprendre les réunions de Naqoura entre le Liban, Israël et la Finul, avec la participation américaine, pour discuter de la résolution du différend frontalier terrestre entre le Liban et Israël concernant les six points de litige, y compris le point B1, et empêcher la transformation de la Ligne bleue en une ligne frontalière, selon des propos rapportés de Hochstein.

L’ambassadeur David Hale, quant à lui, déclare que "le principal décideur de ce qui se passe sur le front au Liban n’est pas à Beyrouth, mais à Téhéran". Il ajoute dans une interview télévisée: "Je pense que l’Iran, en tant que décideur, ne veut pas mettre le Hezbollah en danger".

Des milieux politiques de l’opposition affirment que les scénarios susmentionnés sont susceptibles de changer en fonction de la position iranienne après les élections présidentielles, d’autant que des milieux diplomatiques arabes, à commencer par la Syrie, commencent à percevoir un recul de l’influence iranienne dans la région. Cette évolution a sans doute poussé l’Iran à accélérer l’accord avec Biden sur le dossier nucléaire et à faire des concessions pour l’aider dans sa bataille contre Trump, pour éviter l’arrivée de ce dernier par crainte des mesures qui le cibleraient.

La question reste de savoir si l’Iran s’en tiendra à ses conditions ou s’il recourra à la surenchère en menaçant d’élargir les fronts sans pour autant mettre ses menaces à exécution. Cela uniquement dans le but de préserver la carte du Hezbollah, espérant ainsi obtenir des gains dans le temps imparti pour maintenir son influence dans la région.