" Chers passagers venus d’Ukraine, bienvenue à Berlin! ". L’annonce sonore se perd dans le brouhaha des voyageurs qui descendent du train Varsovie-Berlin entré en gare avec plus d’une heure de retard. La plupart arrivent d’Ukraine alors que l’afflux de réfugiés dans la capitale allemande ne cesse de grossir une semaine tout juste après le début de l’invasion russe.

 

A Berlin, ils étaient déjà 1.700 à s’être enregistrés mercredi, mais leur nombre devrait être bien plus élevé : beaucoup étant hébergés par des proches, ils n’entament aucune démarche administrative. Avec ses 1.300 places, le centre d’hébergement d’urgence dans le nord de la ville était saturé et les nouveaux arrivants devraient être accueillis dans des containers-habitations occupés jusqu’ici par des Afghans, selon la chaîne ARD. " La dimension est inconcevable, c’est probablement le plus grand mouvement de réfugiés en Europe de l’Après-Guerre, avec une dynamique rapide tout à fait particulière ", a estimé la responsable des Affaires sociales de la Ville-Etat, Katja Kippling, citée par la radio rbb.La maire de Berlin, Franziska Giffey, s’attend à ce que la capitale allemande, distante de moins de 100 km de la Pologne, prenne en charge jusqu’à 20.000 réfugiés et peut-être même plus encore.A la gare centrale, l’immense majorité des arrivants sont des femmes et des enfants. Ils ont tout abandonné derrière eux, à commencer par leurs maris, leurs pères ou leurs frères appelés à combattre pour repousser l’invasion des troupes russes. Parmi eux, Nathalia Lypka, professeure d’allemand dans la ville ukrainienne de Zaporijia, qui voyage avec sa fille de 21 ans. " Nous nous sommes retrouvées à Lviv (…) ma fille était à Kiev, c’était terrible, elle a eu peur et a dû se réfugier dans le métro " pour se protéger des bombardements, raconte cette femme installée sur l’un des bancs mis en place par des bénévoles pour accueillir et guider les réfugiés. " Mon mari et mon fils sont restés (en Ukraine) (…) Mon mari qui a déjà servi dans l’armée a dû y retourner ", poursuit-elle. Les deux femmes s’apprêtent à monter dans un autre train, pour Stuttgart cette fois-ci. Des amis les attendent. " Nous remercions l’Europe pour son soutien! ", lâche-t-elle avant de poursuivre son odyssée. La Deutsche Bahn, qui propose aux Ukrainiens de voyager gratuitement sur ses trains, a doublé jeudi le nombre de liaisons entre Francfort-sur-l’Oder, la ville frontalière avec la Pologne, et Berlin.

Si le nombre de réfugiés n’est en rien comparable à l’afflux de 2015 quand l’Allemagne avait ouvert ses portes à des centaines de milliers de Syriens et d’Irakiens, les mêmes scènes se répètent. À commencer par la mobilisation importante de Berlinois venus proposer leur aide. Des bénévoles, habillés de gilets jaunes, distribuent des bananes, des petits pains et des bouteilles d’eau. Certains ont collé un simple adhésif sur leur blouson, indiquant qu’ils parlent russe ou ukrainien. D’autres fournissent des renseignements devant le centre de voyages. Plus loin, d’autres bénévoles plient des couvertures et des vêtements avant d’être brièvement interrompus par une Berlinoise venue faire don de protections hygiéniques et de masques médicaux. Un peu plus loin encore, une équipe de la Croix Rouge s’est déployée pour apporter les premiers soins aux réfugiés. " Nous regardons s’ils ont besoin de soins urgents, nous pouvons fournir les premiers soins ici. Sinon nous pouvons demander leur transport à l’hôpital ", explique Nicolas Schönemann, responsable de l’équipe de 5 secouristes. " Beaucoup de gens arrivent ici épuisés, ils ont des maux de tête ou des douleurs dans les membres ", décrit-il.

Parmi ces réfugiés figure un nombre non négligeable d’Africains. Avant l’offensive russe, l’Ukraine accueillait 16.000 étudiants africains, selon l’ambassadrice d’Ukraine en Afrique du Sud, Liubov Abravitova. Parmi eux, le Camerounais Aurélien Kaze, un étudiant en économie qui a fui la deuxième ville d’Ukraine, Kharkiv, pilonnée par les troupes russes. " On a entendu les bombardements, il y avait de la panique partout dans la cité universitaire ", raconte-t-il avant de monter à bord d’un train pour Bruxelles où l’attendent des membres de sa famille. Le jeune homme de 25 ans s’estime néanmoins chanceux, car il a réussi à franchir la frontière polono-ukrainienne sans encombre alors que se multiplient les accusations de comportements racistes et d’entraves à l’encontre de ressortissants africains aux frontières ukrainiennes. Pour moi, " c’était un peu plus facile par rapport à mes frères africains ", explique-t-il. " On a contrôlé mes papiers " et il a pu passer.

La Deutsche Bahn a quant à elle décidé de se montrer " conciliante dans certains cas " avec ces voyageurs fuyant l’Ukraine, mais qui ne disposent pas de papiers ukrainiens et qui peuvent aussi voyager gratuitement, selon une porte-parole à l’AFP.

AFP