186 mètres, 600 marins, plusieurs systèmes de missiles anti-navires, antiaériens et surface-sol, le " Moskva " (Moscou), ci-devant " Slava " (Gloire) à l’époque soviétique, était le vaisseau amiral de la Marine russe en mer Noire. Sa perte représente en même temps un succès militaire pour l’Ukraine et une humiliation pour la Russie qui, déjà, montre ses faibles capacités militaires après 50 jours de combats en Ukraine.

En effet, l’armée russe n’a réalisé aucune percée majeure, elle n’a occupé entièrement aucune grande ville ukrainienne, elle a perdu un bon nombre de ses soldats et, surtout, une douzaine de généraux. Ses blindés et autres chars se sont avérés très vulnérables aux armes modernes fournies par les Occidentaux à Kiev. L’organisation défectueuse de ses mouvements a provoqué des problèmes de logistique et d’approvisionnement de ses troupes en carburant, munitions et même en nourriture. Peu s’en fallait pour que Vladimir Poutine devienne la risée des dirigeants occidentaux. De leur dépit envers un dirigeant déconnecté du monde contemporain, accaparé par un esprit revanchard d’un ancien membre de la nomenklatura qui n’a toujours pas digéré la chute de l’URSS.

C’est là que réside le vrai danger. L’humiliation sur le champ de bataille pourrait conduire Poutine à exercer un acharnement implacable sur le théâtre du Donbass, où les combats devront fort probablement déterminer l’issue de son aventure. Surtout que le chef du Kremlin espère désespérément une victoire inespérée afin de sauver la face. Il lui faut un fait d’armes pour affronter la grande fête de la victoire sur les nazis, le 9 mai prochain, lors de la " Grande Guerre patriotique ", dénomination russo-soviétique de la Seconde Guerre mondiale. Une dénomination inventée par Staline lui-même pour faire oublier à son peuple et au monde que l’URSS a tardé à participer à la guerre à cause de son honteux pacte avec Hitler, que le " petit père des peuples " admirait tant.

Cette peur de l’humilié vaincu rôdait déjà dans tous les esprits, avant que le chef de la CIA William Burns ne la consacre jeudi en affirmant que les Etats-Unis redoute un recours à l’arme nucléaire, toute tactique qu’elle soit, par " Poutine et les dirigeants russes qui sombrent dans le désespoir ".

Burns, qui a eu des mots très durs envers le président russe, a assuré que, plus que jamais, " Poutine démontre qu’une puissance en déclin peut être aussi déstabilisante qu’une puissance ascendante ".

G.F.H.

 

Le système de missile balistique intercontinental (ICBM) mobile russe Yars RS-24, lors d’un défilé du 9 mai. (AFP)

 

La CIA prévient du risque nucléaire posé par un Poutine confronté à des revers

Les revers militaires en Ukraine pourraient inciter le président russe Vladimir Poutine à recourir à une arme nucléaire tactique ou de faible puissance dans ce pays, a estimé jeudi le chef de la CIA, William Burns.

" Vu qu’il est possible que le président Poutine et les dirigeants russes sombrent dans le désespoir, compte tenu des revers qu’ils ont subis jusqu’ici d’un point de vue militaire, aucun de nous ne peut prendre à la légère la menace que représente le recours potentiel à des armes nucléaires tactiques ou des armes nucléaires de faible puissance ", a déclaré M. Burns lors d’un discours à Atlanta.

Le Kremlin a évoqué la mise en alerte de ses forces nucléaires " mais nous n’avons pas vraiment constaté de signes concrets comme des déploiements ou des mesures militaires qui pourraient aggraver nos inquiétudes ", a ajouté le patron de la principale agence de renseignement américaine, qui s’exprimait devant les étudiants de l’université Georgia Tech.

" Il est évident que nous sommes très inquiets. Je sais que le président (Joe) Biden est profondément préoccupé par le risque d’une Troisième Guerre mondiale et fait tout pour éviter de parvenir au point où un conflit nucléaire devient possible ", a-t-il ajouté.

 

Des lanceurs du système de défense aérienne russe S-400 Triumf lors d’une exposition de matériels de défense à Moscou. (AFP)

 

La Russie dispose de nombreuses armes nucléaires tactiques, d’une puissance inférieure à la bombe d’Hiroshima, conformément à sa doctrine " escalade-désescalade " qui consisterait à faire usage en premier d’une arme nucléaire de faible puissance pour reprendre l’avantage en cas de conflit conventionnel avec les Occidentaux.Mais cette hypothèse implique que " l’Otan intervienne militairement sur le terrain en Ukraine au cours de ce conflit, et ce n’est pas une chose, comme le président l’a clairement fait savoir, qui est prévue ", a-t-il souligné.Rappelant avoir été ambassadeur des Etats-Unis à Moscou, M. Burns n’a pas eu de mots assez durs pour un Vladimir Poutine " revanchard ", " têtu ", qui a sombré au cours des ans dans un " mélange explosif de griefs, d’ambition et d’insécurité ".

" Chaque jour, Poutine démontre qu’une puissance en déclin peut être aussi déstabilisante qu’une puissance ascendante ", a-t-il ajouté.

Zelensky: " Les navires russes ne peuvent qu’aller au fond "

Le croiseur Moskva, vaisseau amiral russe en mer Noire, a coulé jeudi après voir été touché par un missile ukrainien selon Kiev, suite à un incendie accidentel selon Moscou, faisant craindre une escalade du conflit au moment où la Russie accuse les forces ukrainiennes de bombarder des villages sur son territoire.

" Lors du remorquage du croiseur Moskva vers le port de destination, le navire a perdu sa stabilité en raison de dommages à la coque subis lors de l’incendie suite à la détonation de munitions. Dans des conditions de mer agitée, le navire a coulé ", a déclaré le ministère russe de la Défense, cité par les agences russes.

Il avait indiqué plus tôt dans la journée que l’incendie à bord était " circonscrit ", et que le croiseur " gardait sa flottabilité ", tout en affirmant enquêter sur les causes du sinistre. Aucun bilan de pertes éventuelles n’a été fourni.

Quelles que soient les circonstances du naufrage, il s’agit pour la Russie de l’un de ses plus gros revers et d’une humiliation majeure.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a enfoncé le clou dans son message vidéo rituel du soir en faisant référence aux Ukrainiens comme " ceux qui ont montré que les navires russes ne peuvent qu’aller au fond ".

 

" Un coup dur " pour la flotte russe, selon le Pentagone

La perte du Moskva est " un coup dur " pour la flotte russe dans la région, a déclaré jeudi le porte-parole du Pentagone, John Kirby. " Cela aura des conséquences sur leurs capacités " de combat, car le navire était un " élément-clé de leurs efforts pour établir une domination navale en mer Noire ", a ajouté le porte-parole américain sur la chaîne CNN.

Kirby s’est abstenu de confirmer l’origine de l’incendie à bord du Moskva.    " Nous ne sommes pas en mesure de confirmer officiellement, de façon indépendante, ce qui a conduit au naufrage du navire ", a-t-il déclaré. " Mais nous ne sommes pas non plus en position de réfuter la version ukrainienne ".

" Il est possible qu’ils l’aient touché avec un missile Neptune ou peut-être plus ", a-t-il ajouté, soulignant que le Neptune a " un rayon d’action suffisant pour atteindre le Moskva ".

 

Missiles de croisière anti-navire ukrainiens

Dans la nuit de mercredi à jeudi, le ministère russe de la Défense avait reconnu que ce navire lance-missiles de 186 m de long avait été " gravement endommagé " par un incendie qui a provoqué l’explosion de munitions et que son équipage de plus de 500 hommes avait dû être évacué.

Le gouverneur ukrainien de la région d’Odessa, Maxime Martchenko, a affirmé de son côté que les forces armées ukrainiennes avaient frappé le Moskva avec des missiles de croisière Neptune de fabrication ukrainienne, lui infligeant d' "importants dégâts ".

La mise hors service de ce bâtiment emblématique intervient après la destruction fin mars d’un navire de guerre dans le port de Berdiansk, sur la mer d’Azov, et celle d’un dépôt de carburant à Belgorod, en Russie, que les Russes ont attribuée à une attaque héliportée ukrainienne effectuée à 40 km en territoire ennemi.

Le conseiller de la présidence ukrainienne Oleksiy Arestovytch a ironisé sur le fait que le Moskva était le fameux " Navire militaire russe " qui, intimant de se rendre au début de la guerre à une poignée de militaires ukrainiens en poste sur une petite île de la mer Noire, s’était vu répondre par radio : " Navire militaire russe, va te faire foutre ! ". Les militaires ont été abattus par les marins russes sur l’île des Serpents.

L’enregistrement de cet échange avait fait le tour du monde et servi de leitmotiv à la résistance ukrainienne, apparaissant même sur des pancartes au cours de manifestations de soutien à l’étranger et désormais sur un timbre de la poste ukrainienne.

Le parlement ukrainien qualifie l’offensive russe de " génocide "

Traduisant dans les mots le niveau d’hostilité extrême atteint dans ce conflit, autant que la gravité des atrocités imputées aux forces russes, le Parlement ukrainien a voté jeudi une résolution qualifiant l’offensive russe de " génocide ".

" Les agissements de la Russie visent à anéantir de façon systématique et cohérente le peuple ukrainien, à le priver du droit à l’autodétermination et à un développement indépendant ", explique le texte voté par la majorité absolue.

Accusations russes

En retour, la Russie a accusé l’Ukraine d’avoir bombardé des villages russes frontaliers. Le Comité d’enquête russe a notamment affirmé que deux hélicoptères ukrainiens " équipés d’armes lourdes " étaient entrés en Russie et avaient procédé à " au moins six frappes sur des immeubles d’habitation dans le village de Klimovo ", dans la région de Briansk.

Sept personnes, dont un bébé, ont été blessées " à des degrés divers ", selon ces accusations russes, dont le bien-fondé est impossible à vérifier de manière indépendante.

Le Conseil national de sécurité et de défense ukrainien a rejeté ces affirmations, accusant au contraire les services secrets russes de mener des " attaques terroristes " dans la région frontalière pour alimenter " l’hystérie anti-ukrainienne ".

 

 

La météo pourrait favoriser les Ukrainiens dans le Donbass

Un haut responsable du Pentagone a indiqué jeudi que la météo pluvieuse dans le Donbass pourrait favoriser l’armée ukrainienne face aux forces russes.

Avec les pluies qui devraient se poursuivre dans les prochains jours, associées au réchauffement des températures, " il est plus difficile pour eux de manœuvrer hors des routes goudronnées ", a indiqué ce haut responsable ayant requis l’anonymat.

Le Donbass est plus favorable aux mouvements de blindés parce que c’est une grande plaine, mais l’armée russe " a pour habitude de s’approvisionner en utilisant les routes et les voies ferrées existantes ", a-t-il ajouté. " Et parce que le sol est plus mou, il leur sera plus difficile de faire quoi que ce soit en dehors des routes goudronnées ".

Pour le moment, les forces russes sont encore au stade de la préparation de leur nouvelle offensive et " il nous est difficile de dire quand sera le jour J ", a indiqué le haut responsable du ministère américain de la Défense. " Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est ce que nous appelons la mise en forme des opérations ".

" Nous avons constaté que des hélicoptères ont été positionnés au nord du Donbass, en territoire russe, au cours des dernières 24 heures ", a-t-il précisé.

" Ce que nous pensons, c’est qu’ils veulent atteindre des objectifs tangibles dans le Donbass dans les prochaines semaines ", a-t-il conclu. " Mais jusqu’où ils vont aller, ce que ça veut dire, si ce sera la fin, tout ça nous ne le savons pas ".

Le président français Emmanuel Macron a estimé récemment que son homologue russe Vladimir Poutine allait concentrer ses attaques en Ukraine sur les zones séparatistes du Donbass pour chercher une " victoire " pour le 9 mai, commémoration de la victoire soviétique sur l’Allemagne nazie en 1945 et célébration la plus importante en Russie.

Kharkiv

Les bombardements continuent également dans la partie orientale de l’Ukraine, où ils ont provoqué la mort de sept personnes ces dernières 24 heures à Kharkiv, une ville du nord-est aussi assiégée depuis le début de l’invasion russe.

Selon le gouverneur de la région, plus de 500 civils dont 24 enfants ont été tués dans la région de Kharkiv depuis le début de l’invasion russe.

 

Nouvelle évacuation réussie à partir de Marioupol

C’est à Marioupol, une ville initialement peuplée d’un demi-million d’habitants, assiégée et pilonnée depuis plus d’un mois par l’armée russe, que pourrait être enregistré dans l’immédiat le plus lourd bilan humain de cette guerre.

Le gouverneur de la région a parlé de 20.000 à 22.000 morts, les témoignages font état d’une situation catastrophique et de corps jonchant les rues, mais la bataille n’est pas finie.

Le maire de Marioupol, Vadim Boïtchenko, a ainsi démenti jeudi la prise par les forces russes de sa zone portuaire, annoncée la veille par le ministère russe de la Défense.

" Les Russes déploient de nouvelles forces, mais nous tenons notre ligne et Marioupol reste une ville ukrainienne, ce qui rend la Russie furieuse ", a-t-il lancé.Sur place, des journalistes de l’AFP embarqués avec les forces russes ont vu mercredi les ruines calcinées de cette cité que les autorités ukrainiennes disent " détruite à 90% ".L’Ukraine a annoncé jeudi une reprise des évacuations de civils via neuf couloirs humanitaires, notamment à partir de Marioupol.La conquête de cette ville permettrait aux Russes de consolider leurs gains territoriaux en reliant la région du Donbass, en partie contrôlée par des séparatistes prorusses depuis 2014, à la Crimée annexée la même année.

 

Macron et Zelensky reprennent le dialogue
Son homologue français Emmanuel Macron, publiquement interpellé par Volodymyr Zelensky sur son refus de reprendre à son compte le mot " génocide " utilisé par Joe Biden pour justifier son aide militaire, souligne de son côté que " les Etats qui considèrent que c’est un génocide se doivent par les conventions internationales d’intervenir ". "Est-ce que c’est ce que les gens souhaitent ? Je ne crois pas ", a commenté M. Macron.Les présidents Macron et Zelensky se sont de nouveau entretenus dans la soirée, a rapporté la présidence ukrainienne, selon laquelle le chef d’Etat ukrainien a " remercié " son homologue français pour les livraisons d’armes intervenues.Paris a annoncé jeudi que l’ambassade de France en Ukraine, qui avait été transférée à Lviv début mars après le début de l’offensive russe, allait retourner à Kiev.

Biden en Ukraine ?

Joe Biden a dit jeudi qu’il réfléchissait à l’envoi de hauts responsables des Etats-Unis en Ukraine, où plusieurs dirigeants européens se sont récemment rendus en signe de solidarité avec Kiev face à l’invasion russe.

Biden a ensuite dit, dans un échange du tac au tac avec la presse, qu’il serait lui-même prêt à aller en Ukraine. " Ouais ", a-t-il lâché à un journaliste qui lui posait la question.

Lundi, sa porte-parole, Jen Psaki, avait affirmé qu’une telle visite n’était pas en préparation en ce moment.

Le président américain a par le passé affirmé qu’il souhaitait se rendre dans le pays, mais que cela serait difficile pour des raisons de sécurité.

 

 

Avec AFP

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