Beyrouth : Je ne vais pas écrire une lettre au Père Noël, je vais écrire une lettre à Dieu. Parfois comme ça, dans l’urgence, je saute les étapes. Je vais direct à l’essentiel. Ya Dieu, au Liban tu es vraiment une vedette. Pas une conversation, pas une journée sans que l’on ne prononce ton nom. Une fois, deux fois, dix fois. Pour dire merci, bonjour, je vais bien, que veux-tu que j’y fasse, ça ira mieux, ou tout simplement ya Allah, ton évocation fait partie des tics et tocs de notre petit pays qui vit un grand malheur. Donc dans ton calendrier très chargé, tu sembles nous avoir un peu zappés. Et là je ne suis plus d’accord. Plus du tout en phase avec ton emploi de temps. Chez nous le temps s’est vite dépêché de repartir en arrière à la vitesse d’une fusée. Nous sommes presque à l’âge de pierre. Pas ton Pierre non, les pierres, celles qu’on frottait pour avoir du feu. De la lumière. Un peu de lumière. Quelque part, même au bout du tunnel, on prend. Notre peuple qui a quand même été tout le temps dans l’urgence d’inventer, de bâtir, de résister, d’innover, de partager, de briller ici et là-bas, se retrouve dans le noir total. Avec quand même toutes ces religions réunies sous le même toit, tu aurais peut-être dû être un peu plus attentif. On prie beaucoup au Liban ya Dieu et je pensais dans ma naïveté que cela suffirait pour faire obstacle à ceux qui ont fait un pacte avec le diable. Mais apparemment pas. Et pourtant c’est une vraie course contre la montre tu sais entre eux qui nous affament chaque jour un peu plus et les mains tendues aux plus démunis. Course contre la montre entre eux qui nous poussent à partir et cet extraordinaire lien à notre terre. Course contre la montre entre eux qui ne veulent que de la violence, des guerres et des misères et ce formidable élan de vie qui refuse de plier. Qui va gagner ? On a vraiment besoin d’un arbitre mon Dieu et tu devrais nous classer dossier super urgentissime sur ton bureau là-haut. Un arbitre et un sifflet mon Dieu pour mettre fin à leurs abjects agissements et aux souffrances de tes fils ici-bas. Je sais qu’avec le Covid, les famines et les effondrements du monde tu as beaucoup de choses à gérer. Mais nous cela fait quand même beaucoup. Beaucoup d’injustices, de tristesses, de désespoirs, de mauvais coups du sort. Durant tellement d’années qu’on a arrêté de compter. On a fermé les yeux sur un Liban où les touristes venaient en masse découvrir nos vestiges, nos 300 jours de soleil, notre économie libérale, notre succulente cuisine et notre way of life. On les a ouverts sur le pire film d’horreur et de science-fiction qu’aucun esprit tordu n’aurait pu mettre en scène. En noir et pas en blanc. Et là pour cette nouvelle année, on a juste besoin de tranquillité ya Dieu. Un peu de tranquillité. Ah et puis eux. Prends-les loin. Fais-en ce que tu veux mais loin de nous. Et après on rebâtira. Tout. Les pierres, les fondements, les consciences, les âmes et les cœurs. Hamdellah. Yalla ya Allah on n’en peut plus, wahyet Allah.