Il faut que je vous présente Edgar.

Après une carrière d’agent de change et quarante années à présider le syndicat professionnel des changeurs libanais, Edgar s’est retrouvé à la retraite. Il dit que " le repos " l’a " fatigué ", installé sur sa grande terrasse en bourrant sa pipe. Il y veille sur ses bougainvilliers blancs, son citronnier, un grand cactus, quelques rosiers et bien d’autres espèces, ses cages à oiseaux aussi.

Edgar porte chemise blanche et bretelles à fleurs. Il raconte comment, à l’âge où d’autres ont envie de se poser, il a relancé la fabrication de carreaux de ciment, créée par son arrière-grand-père André, aux alentours de 1880.

À l’époque, elle était installée dans le centre de Beyrouth, sur la place du Grand Théâtre.

Une de ses cousines possédait une boîte avec quelques moules à carreaux cassés. " J’ai commencé à les travailler ", un travail d’une précision folle puisqu’il faut les régler au dixième du millimètre près. Aujourd’hui, la société Blattchaya emploie treize ouvriers, tous formés par la maison à ce savoir ancestral. Fabriqués un par un à la main à partir de produits exclusivement naturels, " nos carreaux sont faits pour durer des siècles ". Du sable pour le ciment et des couleurs à base d’oxyde de fer, de chrome, de cuivre… Aucun produit chimique n’entre dans leur composition, c’est le secret. " Si je les jette, la terre ne les refuse pas ", résume Edgar.

Dans le bureau d’un de ses fils qui a repris l’affaire, son portrait peint par sa petite-fille. Sur le mur de son bureau à lui, une photo d’un autre de ses trois fils, Maxime, plantant le drapeau libanais au sommet de l’Everest, le 15 mai 2006. Il y a aussi la maquette du bateau sur lequel Maxime a traversé les mers à la rame. Depuis Perth, en Australie, jusqu’à l’île Maurice. Cinquante-trois jours en mer. Une épopée folle. " Maxime pense qu’on a en chacun de nous un Everest à grimper ", ajoute sa cousine Shirine, ma fée libanaise, la filleule d’Edgar.

Nous avons terminé le tour de l’atelier, il s’installe dans son fauteuil, bourre à nouveau sa pipe. À ses pieds, son petit chien. Il l’a appelé Blatt. Ça veut dire carreau.

Prochain article le mardi 4 janvier

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