Dans la nuit de jeudi à vendredi, des inconnus ont mis le feu à la " librairie " et " foyer " de Mohammad el-Moghrabi. Un septuagénaire qui avait élu domicile il y a deux ans sous le pont dit Fiat.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, peu après minuit, Mohammad Ismaïl el-Moghrabi, un septuagénaire ayant élu domicile il y a deux ans sous le pont dit Fiat, avenue Pierre Gemayel, a tout perdu. Des inconnus ont mis le feu à la collection de livres qu’il rangeait soigneusement sur des plaques de bois et qui constituaient sa fierté. Cet espace, qui était son " chez-soi " a été dévoré par les flammes, " pendant qu’il dormait ", selon un ami de Mohammad el-Moghrabi. Vendredi matin, il a déposé une plainte au poste de gendarmerie. Selon le témoignage d’un passant qui a été témoin de l’incident, et qui a alerté les pompiers et porté secours à M. Moghrabi, des inconnus l’auraient attaqué, dévalisé avant de se livrer à un autodafé de ses livres. " Je l’ai trouvé en pleurs. Il s’est évanoui. Il répétait: ‘Ils ont détruit la culture et la civilisation’ " , raconte ce bon Samaritain.

Alerté, le blogueur Political Pen a lancé sur sa page Instagram une campagne de collecte de fonds pour lui venir en aide. L’objectif est de collecter la somme de 10.000 euros qui lui sera versée sur un an. En fin de journée, plus de 6.500 euros avaient déjà été recueillis. “Nous avons lancé la campagne GoFundMe pour l’aider à reconstruire une meilleure librairie, à reconstituer sa collection de livres qui lui était chère, mais aussi pour lui trouver un endroit pour dormir et rester en sécurité”, explique le blogueur à Ici Beyrouth.

Des appels à des dons de livres ont également été lancés par d’autres associations, au nombre desquelles Hawa Tishreen, mais selon Joseph Meouchi, un ami de Mohammad el-Moghrabi, ce septuagénaire pourrait ne pas accepter l’aide proposée. " Il a beaucoup de dignité et n’aime pas qu’on lui vienne en aide ", dit-il. D’après un autre ami, " il est un homme honnête, intègre et très éduqué ". " Cet incendie semble être prémédité ", avance-t-il, alors qu’une equête serait en cours.

Une histoire insolite
L’histoire de ce petit homme aux allures de Robinson est insolite. Il raconte qu’il est ingénieur du secteur public, diplômé de l’Université du Caire, en Égypte, et de celle de Ben Ghazi en Libye.  " Je suis originaire du village de Aïn Assad, dans la région de Arab el-Wazzan à Kfarchouba, au Liban-Sud " , confie à Ici Beyrouth cet homme frêle, le teint basané, la barbe longue sel et poivre et les yeux couleur de la mer, brillants sous une toque qui le protège du froid.  " Au pied de la vallée, se situe le couvent Deir Assad. C’était une grotte que Jésus aurait visitée,  " enchaîne-t-il.

Il y a quelques années, il est tombé  " entre les mains de courtiers sans scrupules qui voulaient l’expulser de sa maison et s’approprier le terrain sur lequel elle était bâtie et qui lui appartenait " . Il n’en donne pas l’adresse.  " Ils ont réussi à me coller une accusation de faux monnayage, fulmine Mohammad el-Moghrabi, avec son accent égyptien, ce qui m’a conduit à la prison de Roumieh. J’y suis resté pendant un an et trois mois, une période au cours de laquelle je n’ai comparu devant aucun tribunal.  "

Il raconte que lors d’une visite effectuée à la prison, l’ancienne ministre de l’Intérieur, Raya Hassan, avait décidé de le libérer après avoir consulté son dossier. À sa sortie, il affirme avoir déposé une plainte contre ses malfaiteurs qui sont aujourd’hui derrière les barreaux.
 " En sortant de prison, je trouve ma maison en ruines, se désole Mohammad el-Moghrabi. On avait aussi tout volé. Je suis sorti et j’ai marché de l’avenue Mirna Chalouhi jusqu’à Dora avant d’arriver ici. J’ai ramassé un carton sur lequel j’ai dormi. C’était il y a deux ans. Je ne cessais de penser à quoi faire.  "
 " J’ai eu ainsi l’idée de reproduire une librairie à l’image de celle que j’avais fait dans la cellule numéro 6 à la prison de Roumieh, poursuit-il. Je me suis procuré quelques ouvrages et des amis m’en ont remis d’autres. J’ai des livres dans toutes les langues et de tous les genres. Des amis m’apportent des caissons de bouquins que je trie et organise selon les sections.  "

Passionné par sa petite librairie, Mohammad el-Moghrabi s’étale sur sa philosophie de la lecture. Pour lui, il est inconcevable de payer pour un livre.  " Je ne vends pas les ouvrages, affirme-t-il. Ils sont tous gratuits. Payer pour un livre requiert un effort. Une personne aisée peut en prendre et laisser de l’argent. Les personnes démunies peuvent aussi se servir " .

Mohammad el-Moghrabi n’a pas de la famille au Liban. Il ne peut pas se déplacer non plus puisque  " mes papiers officiels et ma pièce d’identité sont toujours à la Sûreté générale " .  " Si on me les remet, je pourrais partir où je veux, assure-t-il. Je pourrais avoir une maison. Mais c’est à la justice de résoudre cette question.  "

Récemment, le ministre de la Culture, Mohammad Mortada, lui a rendu visite et lui a offert un ouvrage qu’il lui a dédicacé.
Une visite initiatrice d’un nouveau projet pour Mohammed el-Moghrabi:  " Je vais agrandir la librairie au profit du ministère de la Culture.  "

 

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