" Jeunesse, audace, insolence, c’est intemporel " : voilà comment Thomas Jolly, metteur en scène de la version 2022 de Starmania, parle de cet opéra rock visionnaire en présence d’un des créateurs, Luc Plamondon, au regard malicieux derrière ses lunettes noires.

" En 1979, au moment des premières représentations, c’était une dystopie, mais la réalité a rejoint cette fiction ", déroule Thomas Jolly, un des metteurs en scène français les plus inventifs de la dernière décennie. Le quadragénaire passera bientôt de l’étoile sur l’affiche de Starmania aux anneaux, étant chargé de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris en 2024. D’ici là, c’est un autre marathon qu’il lance avec le retour des tubes Les uns contre les autres, Quand on arrive en ville, Le blues du businessman ou Le monde est stone. Qui résonnent à La Seine Musicale aux portes de Paris, puis en tournée en France, Belgique et Suisse l’an prochain.

Il y a plus de quarante ans, des inconnus (comme le casting actuel) nommés Daniel Balavoine ou Fabienne Thibault donnaient vie à ces hymnes qui ont traversé le temps, crées par Luc Plamondon, parolier québécois, et Michel Berger (disparu en 1992), architecte de la variété française. La question de la pertinence d’une nouvelle version de Starmania en 2022 ne se pose pas. " Starmania parlait de choses qui n’existaient pas alors, mais sont arrivées, comme l’info en continu, des émissions pour devenir star, des attentats comme ceux du 11 septembre 2001 et des stratégies politiciennes avec un côté people, comme Donald et Melania Trump ", développe Thomas Jolly.

Sans parler des personnages non binaires, alors que cette expression n’était même pas apparue il y a plus de 40 ans. " Les questions de genre et de sexualité, par exemple, qui sont présentes depuis l’origine de Starmania, avec les personnages de Ziggy ou de Sadia, ont infusé aujourd’hui la société toute entière ", relève d’ailleurs dans le dossier de presse Raphaël Hamburger, fils de Michel Berger et France Gall (disparue en 2018), impliqué dans le projet.

" C’est la première fois que je travaille avec l’auteur d’une œuvre, je n’ai pas eu cette chance avec Shakespeare ou Sénèque (sourires), alors on va lui demander comment il avait vu tout ça ", lâche Thomas Jolly en se tournant vers Plamondon, tout en rock’n’roll attitude à 80 ans, lunettes et vêtements noirs. " Des fois, je m’assois au fond de la salle et je me dis : “Ah, j’ai écrit ça aussi” ", rigole le parolier. Il concèdera juste, poussé par Jolly, que des voyages à Londres et San Francisco, quand ces villes n’étaient que bouillonnement culturel dans les années 1960/70, ont aiguisé sa vision.

Ses personnages de Starmania trouvent un écho très contemporain. Comme Zéro Janvier, l’homme le plus riche du monde, avide de pouvoir, tenté par l’extrémisme, qui veut fermer les frontières. Ou Gourou Marabout, intégriste de l’écologie. Mais, modeste, Plamondon dévie la conversation vers des anecdotes. " Dans une soirée où il y avait plein de monde dans une villa à Antibes, Michel Berger me dit : “Qu’est-ce que c’est ça ?”, en me prenant une de mes feuilles. Il n’y avait que quatre vers pour Les uns contre les autres. Il trouve une musique en une demi-heure, et revient : “Trouve les autres paroles, finis ! (rires)”.

Berger proposera la chanson à Diane Dufresne, qui lui laissera un mot à son hôtel : “Diane Dufresne ne chante pas de slow”. Fabienne Thibault se l’appropriera. Dans Starmania, elle joue Marie-Jeanne (surnom d’une drogue douce). “Fabienne fumait des joints, même avec les pompiers de la salle”, rebondit Plamondon par association d’idées. Il se fait plus sérieux – et émouvant – quand il narre les avant-premières de la version 2022. “Des gens sont venus me voir en me disant que j’enchantais leurs vies, mais, moi, dans ma carrière, j’ai l’impression que je n’ai fait que des rimes”.

AFP