Un second iranien a été exécuté en public lundi, pour avoir participé aux manifestations qui secouent l’Iran depuis presque trois mois. Plus d’une dizaine d’autres contestataires pourraient perdre la vie prochainement. Ces exécutions ont suscité une vague d’indignation à travers le monde.
Les Etats-Unis ont dénoncé lundi la seconde exécution en Iran d’un manifestant arrêté lors des protestations qui secouent le pays depuis trois mois, estimant que ces peines capitales montraient que le régime de la République islamique craignait sa population.
Warning, difficult to watch. This is the moment that the Islamic Republic hanged #MajidrezaRahnavard in public. Basij chant Allahu Akbar, God is great.
The person who sent the video says; Ordinary people refused to attend his public execution event.
Where are you EU?#MahsaAmini pic.twitter.com/IN8gXzLzgt— Masih Alinejad 🏳️ (@AlinejadMasih) December 12, 2022
" Ces peines sévères, et maintenant la première exécution en public, sont conçues pour intimider le peuple d’Iran. Elles sont conçues pour réduire l’opposition au silence et montrent simplement à quel point les dirigeants iraniens ont en vérité peur de leur propre peuple ", a affirmé à des journalistes le porte-parole du département d’Etat Ned Price.
Majidreza Rahnavard, âgé de 23 ans, avait été condamné à mort pour avoir tué à l’arme blanche deux membres des forces de sécurité et blessé quatre personnes, selon Mizan online, l’agence de l’Autorité judiciaire. Il a été pendu en public à Machhad, dans le nord-est de l’Iran.
Pendu en public ce matin et enterré par les forces de sécurité à Machhad, les gens réunis autour de sa tombe scandent "#MajidrezaRahnavard le martyr de la patrie " pic.twitter.com/QnfoyvcnP5
— lettres de Teheran (@LettresTeheran) December 12, 2022
Il s’agit de la seconde exécution liée à la contestation déclenchée par la mort de la jeune Kurde iranienne Mahsa Amini le 16 septembre, mais la première en public, après la pendaison le 8 décembre de Mohsen Shekari, 23 ans lui aussi, reconnu coupable d’avoir attaqué et blessé un paramilitaire.
La France a affirmé que ces exécutions ne pouvaient " tenir lieu de réponse aux manifestations " en cours en Iran et la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a dénoncé " une tentative flagrante d’intimider " les manifestants.
BLOC n° 66, rangée n°3, cimetière Behesht Reza de Machhad. Voilà où les autorités ont enterré à la va-vite ce lundi matin le corps du manifestant #MajidrezaRahnavard après l’avoir pendu en public sans avoir prévenu au préalable sa famille, 13 jours après sa condamnation à mort. pic.twitter.com/DnWENUouU2
— Armin Arefi (@arminarefi) December 12, 2022
De son côté, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a jugé " particulièrement cruelles " les circonstances entourant l’exécution de M. Rahnavard et appelé à ce que les autorités iraniennes cessent l’application de la peine capitale, a indiqué son porte-parole lors d’un point de presse.
Ces exécutions ont suscité une vague d’indignation à travers le monde.
Mizan online a publié des images de l’exécution, visiblement prises avant l’aube, montrant un homme aux mains liées derrière le dos suspendu à une corde attachée à une grue.
#URGENT: Protester #MajidrezaRahnavard was publicly hanged for charges of moharebeh (enmity against god) in Mashhad this morning, per the judiciary’s Mizan news agency. He was arrested 23 days ago and is the second protester to be executed in five days.#StopExecutionInIran pic.twitter.com/ZoAIeUlJjj
— Iran Human Rights (IHR NGO) (@IHRights) December 12, 2022
L’Union européenne a annoncé lundi de nouvelles sanctions, visant un haut dignitaire religieux chiite, quinze responsables militaires et quatre responsables de la radio télévision d’Etat iranienne, désormais placés sur la liste noire des personnes interdites d’entrée dans l’UE.
" Les autorités iraniennes poursuivent la répression des manifestations et exécutent des manifestants. Nous visons ceux qui sont impliqués dans cette répression ", a expliqué le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
Le bureau du Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme s’est dit " horrifié " par cette nouvelle exécution.
" ALLO ? Veuillez vous rendre dans le quartier 66 du cimetière Behesht Reza de Machhad. Votre fils a été exécuté ce matin et y a été enterré. " Voici l’appel qu’a reçu ce lundi matin la famille de #MajidrezaRahnavard, 2e manifestant pendu en #Iran en 4 jours. #JusticeExpéditive pic.twitter.com/Lr1sfI1HOz
— Armin Arefi (@arminarefi) December 12, 2022
" L’exécution publique d’un jeune manifestant, 23 jours après son arrestation, est un nouveau crime grave commis par les dirigeants de la République islamique et une escalade significative du niveau de violence contre les manifestants ", a déclaré à l’AFP Mahmood Amiry-Moghaddam, le directeur du groupe de défense des droits humains Iran Human Rights (IHR), basé à Oslo.
" Majidreza Rahnavard a été condamné à mort sur la base d’aveux obtenus sous la contrainte, à l’issue d’une procédure grossièrement inéquitable et d’un procès-spectacle ", a-t-il dénoncé.
La crise actuelle est inédite par sa durée, sa dispersion à travers les provinces, la participation de différents groupes ethniques et classes sociales et les appels directs à la fin du régime.
Au moins 458 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations, selon un bilan établi par IHR, et au moins 14.000 ont été arrêtées d’après l’ONU.
Des témoignages ayant circulé avant son exécution ont décrit Majidreza Rahnavard comme un jeune homme passionné de sport et amateur de lutte, qui avait remporté des compétitions.
Le média en ligne 1500tasvir affirme que sa famille n’a été informée de l’exécution qu’après la pendaison, publiant des photos d’une dernière rencontre entre Majidreza Rahnavard et sa mère et précisant que cette dernière ignorait que son fils était sur le point d’être exécuté.
Ils ont appelé la famille de #MajidrezaRahnavard à 7h00 ce matin pour leur dire, allez au bloc n°66 de Behesht-e Reza (cimetière de la ville de Mashhad), nous avons exécuté et enterré votre fils. Voici la nature de ce régime… #Iran #MahsaAmini
— Farid Vahid (@FaridVahiid) December 12, 2022
La justice iranienne dit avoir condamné à mort 11 personnes en lien avec les récentes manifestations. Des défenseurs des droits humains assurent qu’une dizaine d’autres risquent la peine de mort.
" Pas de procédure régulière. Des procès fictifs. C’est comme ça qu’ils veulent arrêter les manifestations à l’échelle nationale ", souligne Omid Memarian, analyste de l’Iran au Democracy for the Arab World Now (DAWN).
Dans cet appel téléphonique hier soir de la prison, Mahan Sadrat dit à sa copine :
" Ne t’inquiète pas mon amour. Ce sera fini dans deux semaines et je sortirai de prison. "
Mahan a 23 ans, condamné à la peine de mort, son exécution est imminente. #Iran pic.twitter.com/EaFPgTRGfc— Farid Vahid (@FaridVahiid) December 10, 2022
Ripostant à de précédentes sanctions occidentales, l’Iran a annoncé lundi avoir sanctionné l’agence du renseignement intérieur britannique MI5, des responsables militaires britanniques ainsi que des personnalités politiques allemandes.
Blessée à la tête par les forces de répression alors qu’elle manifestait hier dans la ville d’Ahvaz dans sud-ouest de l’#Iran. Disparue depuis, la famille de Mahboubeh Moussavi est sans nouvelle de leur fille. #MahsaAmini pic.twitter.com/GZiPkU3jI4
— Farid Vahid (@FaridVahiid) December 12, 2022
Avant l’annonce de la seconde exécution, le réalisateur iranien oscarisé Asghar Farhadi a exhorté sur Instagram les autorités à mettre fin aux exécutions: " Tuer et exécuter des jeunes sans défense et des opprimés ne vous apportera que plus de colère et plus de haine ".
Avec AFP