Écoutez l’article

En Arabie saoudite, la diplomatie occidentale discute, en marge du Forum économique mondial (FEM), d’un cessez-le feu à Gaza, alors qu’en Israël, le débat se poursuit au sujet d’une invasion de Rafah, au sud de l’enclave palestinienne. Le temps presse et on ne sait toujours pas quelle option va l’emporter: une invasion terrestre de Rafah, où se réfugient plus d’un million de Palestiniens déplacés des territoires plus au nord, ou bien une victoire de la diplomatie.

Israël, qui insiste depuis des mois sur cette opération censée lui permettre, selon son Premier ministre, Benjamin Netanyahou, de neutraliser le Hamas, se trouve sous une pression internationale accrue pour ne pas la mener, mais ne cède pas. Les efforts diplomatiques ne font cependant que s’intensifier pour éviter l’option militaire.

Selon le ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, qui se trouve à Riyad, la toute dernière proposition de cessez-le-feu à Gaza présentée au Hamas prévoit une cessation des hostilités pendant 40 jours. "Une offre très généreuse de cessez-le-feu de 40 jours, de libération de milliers de prisonniers palestiniens en échange de la libération de ces otages" a été faite au mouvement islamiste palestinien, a déclaré M. Cameron durant une réunion du FEM.

Cette formule avait été élaborée par l’Égypte et amendée par Israël. Selon diverses sources citées par des médias panarabes et israéliens, le Hamas devrait donner sa réponse dans les prochaines 24 heures. Une délégation de ce groupe était attendue à cette fin lundi, au Caire, qui a tout intérêt à ce que les négociations aboutissent, vu que Rafah se situe à sa frontière qu’il garde fermée, depuis le 7 octobre 2023, avec Gaza.

Il y a deux semaines, le Hamas avait réclamé un cessez-le-feu permanent dans l’enclave, ce que Tel Aviv avait refusé.

Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, qui se trouve également à Riyad pour le FEM, a émis l’espoir de voir le Hamas accepter la proposition égyptienne. Son homologue égyptien, Sameh Choukry, a souligné de son côté que son pays était optimiste quant à un déblocage, mais qu’il attendait la réponse d’Israël et du Hamas.

Le gouvernement israélien reste cependant divisé sur la question: le ministre des Finances de la droite, Bezalel Smotrich, s’est dit opposé, dimanche, à tout accord qui freinerait une opération militaire à Rafah. Il avait qualifié  "d’humiliant", l’accord proposé par l’Égypte, alors que la veille, son collègue des Affaires étrangères, Benny Kantz, avait affirmé que le gouvernement n’aurait plus de légitimité si des ministres empêchaient un plan permettant la libération des otages.

Benny Gantz avait appelé à "un plan responsable de retour des otages, soutenu par la totalité de l’appareil de défense, qui n’implique pas la fin de la guerre".

Les pressions sur Israël

La dynamique diplomatique menée pour un règlement reste associée de fortes pressions sur Israël, notamment de son principal bailleur de fonds, les États-Unis, pendant que le Qatar menaçait de se retirer des négociations.

Cette pression s’est intensifiée depuis dimanche. Certains officiels israéliens pensent que la Cour pénale internationale s’apprête à délivrer des mandats d’arrêt à l’encontre de hauts responsables du pays, y compris Benjamin Netanyahou, pour des accusations liées au conflit à Gaza. Une attaque contre Rafah risque fort d’accélérer la procédure, ce que Tel Aviv, soumis également à des pressions internes, souhaite éviter.

Dimanche, juste après le départ d’Antony Blinken pour l’Arabie saoudite, le président américain, Joe Biden, a appelé Netanyahou pour discuter des pourparlers sur un cessez-le feu et réaffirmer son opposition à une invasion de Rafah. Cet entretien téléphonique vient trois semaines après que M. Biden a averti Benjamin Netanyahou que le soutien militaire américain était tributaire d’une baisse des pertes civiles ainsi que d’un accroissement de l’aide humanitaire à Gaza.

Aux pressions internationales, il faut ajouter celles qui sont exercées, au niveau local, par les Israéliens sur leur gouvernement, qu’il s’agisse des parents des otages encore détenus par le Hamas ou des habitants des régions nord qui ont dû fuir à cause des échanges de tirs ininterrompus entre Israël et le Hezbollah.

"Un accord, maintenant!" ont scandé les milliers de personnes qui s’étaient rassemblées samedi soir à Tel Aviv pour exiger la libération des otages. Elles ont également appelé le gouvernement Netanyahou à démissionner.

Le même appel à la conclusion d’un accord avec le Hamas a été lancé, lundi, par les familles de deux otages.

Ce mouvement fait suite à la publication par le Hamas, la semaine dernière, de deux vidéos montrant trois otages.

L’offensive

Sur le terrain, Tel Aviv poursuit les préparatifs d’une opération militaire. L’armée israélienne a commencé à rappeler les soldats réservistes et à rassembler des dizaines de tanks et des véhicules blindés près de la ville. Certains médias ont rapporté que des raids israéliens contre Rafah ont été lancés depuis samedi, faisant des dizaines de morts.

Toujours de sources médiatiques, on rapporte que l’armée israélienne a achevé les préparatifs de l’évacuation de civils de Rafah, après avoir notamment établi une "ville" de tentes à Khan Younis, plus au nord.

Un autre indicatif d’une attaque en préparation est l’annonce, dimanche, par l’armée israélienne que son chef d’état-major, Herzi Halevi, a approuvé les plans pour la poursuite des opérations dans le sud de la bande de Gaza.

Pour Israël, le calcul reste cependant compliqué: si l’armée ne rentre pas dans Rafah, cela pourrait être interprété comme une défaite, surtout que l’impression générale est que le leadership du Hamas est encore opérationnel. Mais si l’État hébreu opérait une invasion terrestre, cela pourrait conduire le Hamas à suspendre tout accord et à accroître la pression exercée sur le gouvernement de Netanyahou sur le double plan interne et international.