Face à une répression croissante et à des risques accrus pour la sécurité des journalistes au Venezuela, une nouvelle forme de reportage a vu le jour. Des avatars d’intelligence artificielle, surnommés "Bestie" et "Buddy", informent le monde des réalités sur place, protégeant ainsi les reporters de la brutalité du régime de Nicolás Maduro.

Le lauréat colombien du prix Nobel, Gabriel García Márquez, a un jour qualifié le journalisme de "meilleur métier du monde". Mais dans le Venezuela d’aujourd’hui, ce métier est devenu périlleux sous la dictature naissante du président Nicolás Maduro.

Depuis les élections contestées du mois dernier, les journalistes locaux ont adopté une tactique innovante: l’utilisation d’avatars d’intelligence artificielle pour rapporter les nouvelles jugées inacceptables par le régime. Ces avatars, "Bestie" et "Buddy", diffusent chaque jour des bulletins d’information qui révèlent la répression postélectorale sans mettre en danger les reporters.

Carlos Eduardo Huertas, directeur de la plateforme journalistique colombienne Connectas, explique que l’utilisation de l’IA n’est pas un simple gadget, mais une réponse nécessaire à la persécution croissante des journalistes au Venezuela.

"Le climat autoritaire sous le régime de M. Maduro rend difficile de travailler devant la caméra sans craindre pour sa sécurité", déclare M. Huertas. "La création de journalistes virtuels permet de protéger l’identité des reporters sur le terrain"

Il explique que cette initiative est une réponse à la persécution croissante des journalistes vénézuéliens.

"Il n’est plus très raisonnable d’être filmé", affirme-t-il, soulignant la nécessité de protéger l’identité des reporters.

L’initiative, baptisée "Operación Retuit", rassemble une vingtaine de médias et une centaine de journalistes qui, grâce à cette technologie, continuent de dénoncer les abus du régime.

Leur contenu est transformé en bulletins d’information présentés par les avatars, offrant ainsi une plateforme pour faire connaître au monde la réalité de la situation au Venezuela.

La présentatrice virtuelle, Bestie, a expliqué lors de la première émission: "Nous voulons vous faire savoir que nous ne sommes pas réels, mais ce dont nous parlons l’est. En moins de deux semaines, plus de 1.000 personnes ont été arrêtées et au moins 23 tuées lors de manifestations."

Un homme blond présente un reportage pour "House of News En Español", un faux journal télévisé en anglais, dans lequel il tente de montrer que l’économie du Venezuela n’est pas "si détruite", parce que les hôtels pour les prochaines vacances de Carnaval sont déjà tous réservés par des Vénézuéliens désireux de dépenser de l’argent sur les plages des Caraïbes.

Dans une autre vidéo, un présentateur noir montre les bénéfices générés par les Caribbean (Baseball) Series, qui ont eu lieu il y a une semaine à Caracas.

Les "prétendus" journalistes sont Noah et Daren, deux avatars créés par intelligence artificielle à partir d’un catalogue de plus de cent visages multiraciaux du logiciel Synthesia.

Les vidéos des faux présentateurs parlant du Venezuela ont recueilli des centaines de milliers de vues sur YouTube, sont devenues virales sur des médias sociaux tels que TikTok et ont été insérées en tant que publicité payante sur la plateforme.

En outre, elles ont été diffusées sur le réseau public Venezolana de Televisión, le principal porte-voix télévisuel en faveur du gouvernement de Nicolás Maduro.

Cette initiative innovante met en lumière la créativité et la résilience des journalistes vénézuéliens dans leur lutte pour la liberté de la presse et leur détermination à exposer la vérité, malgré les obstacles et les risques considérables.

C’est une histoire fascinante qui met en évidence les défis auxquels sont confrontés les journalistes dans un État de plus en plus répressif, et comment la technologie peut être utilisée de manière innovante pour contourner la censure et continuer à faire connaître la vérité.