La circonscription de la Békaa-Ouest-Rachaya voit la formation de quatre listes, dont trois listes partisanes, révélant l’influence grandissante de figures sunnites pro-8 Mars.

La circonscription de la Békaa-Ouest-Rachaya (Békaa II) limitrophe du Liban-Sud et frontalière de la Syrie, mais avec une ouverture sur la Montagne, est un terrain où le régime syrien, relayé par ses alliés au Liban, tente continuellement d’exercer son influence. Et de le faire face à une population à large majorité sunnite, traditionnellement pro-haririenne et druze, et fidèle aux positions souverainistes. Ces positions dictent le discours électoral du Parti socialiste progressiste (PSP), centré cette année sur une confrontation "existentielle" face au Hezbollah.

Trois listes s’affrontent, incluant les partis politiques traditionnels (une liste pro-8 Mars, une liste alliant PSP, Jamaa islamiya et indépendants, et une liste alliant les FL aux indépendants), en plus d’une quatrième issue exclusivement de la société civile. Six sièges sont à pourvoir, à raison de deux sièges pour la communauté sunnite et un siège pour chacune des communautés chiite, druze, grec-orthodoxe et maronite.

La liste pro-8 Mars (Hezbollah-Amal-Courant patriotique libre) a pris forme autour de Hassan Mrad, fils du député sortant Abdel Rahim Mrad, qui avait chapeauté la liste du tandem Amal-Hezbollah en 2018. Il n’aura pas de colistier sunnite en principe, afin de maximiser le nombre de votes en sa faveur. En outre, cette liste inclut comme candidat au siège grec-orthodoxe le député sortant et vice-président de la Chambre Élie Ferzli. Alors qu’il se présentait comme "le candidat du président de la République Michel Aoun" en 2018, M. Ferzli doit cette année en grande partie son inclusion sur la liste au président de la Chambre Nabih Berry. Ce dernier aurait fait l’effort de le réconcilier avec le chef du CPL et gendre du président, Gebran Bassil, selon nos informations. Il a dû lui aussi surmonter au préalable son différend avec le CPL, sur incitation du Hezbollah. Le parti chiite tient à aider par tous les moyens le CPL, son allié en perte de popularité, à conserver sa majorité chrétienne au Parlement. Et c’est aussi à la faveur de cette réconciliation avec Nabih Berry que le CPL bénéficiera d’un candidat maronite partisan sur la liste de Hassan Mrad, en l’occurrence Charbel Maroun. Du reste, le candidat au siège chiite choisi par Amal est Kabalan Kabalan et au siège druze, Tarek Daoud.

Alliance PSP-Karaaoui sans les FL   

Face à cette liste, le Parti socialiste progressiste, dont le candidat est le député sortant Waël Bou Faour, s’est attelé à la tâche difficile de former une liste probante. Difficile parce que l’enjeu est de choisir un candidat à même d’attirer une rue sunnite démobilisée, tout en ménageant la réticence de colistiers potentiels du PSP à faire front commun avec les Forces libanaises.

Le choix du principal candidat sunnite sur la liste du PSP s’est porté sur le député sortant Mohammad Karaaoui, très réfractaire à un partenariat avec les FL.

Notable local, propriétaire de l’hôpital de la Békaa, M. Karaaoui est aussi initialement proche du régime syrien. Sa candidature aux législatives de 2009 sur une liste conjointe avec Abdel Rahim Mrad avait été annoncée depuis Damas, rappelle un notable de la région à Ici Beyrouth. Lors des législatives de 2018, il avait été choisi par le Courant du Futur pour succéder au député sortant Jamal Jarrah. Le courant haririen avait alors fait le choix de candidats non partisans, en partie pour remédier au mécontentement de la rue sunnite à l’égard du rendement de ses députés. L’inclusion de Karaaoui sur la liste du Futur aux côtés du député sortant à l’époque, Ziad Kadri devait favoriser ce dernier face à son rival, Abdel Rahim Mrad. Mais ce choix a fini par se retourner contre Kadri. C’est Karaaoui qui a fini par remporter l’un des deux sièges sunnites, avec Abdel Rahim Mrad, de la liste du 8 Mars, arrivée en tête du scrutin, en grande partie à cause de la démobilisation de la rue sunnite déjà en 2018.

C’est pourtant sur Mohammad Karaaoui que s’est porté le choix du PSP cette année. Et c’est même lui que soutiendrait le député sortant Jamal Jarrah (proche de Saad Hariri, qui a suspendu son activité politique en janvier dernier), au détriment d’autres figures sunnites plus à même de refléter l’orientation souverainiste, comme Mohammad Kaddoura, de l’avis d’un notable qui fait partie de cette mouvance.

Le choix de M. Karaaoui a paru compromettre les efforts d’un alliance électorale nationale PSP-FL, jusqu’à ce que les deux partis conviennent mercredi de former deux listes distinctes, sans se départir de leur alliance. Délégué à Meerab par Walid Joumblatt, Waël Bou Faour a confirmé "la coordination" entre les deux partis, par-delà "les spécificités" relatives à certaines régions, comme dans la Békaa-Ouest-Rachaya.

Le principal colistier sunnite du PSP (que certains soupçonnent de lui avoir été imposé par les forces de facto) persistait dans son refus de toute présence FL sur sa liste, et celles-ci dans leur refus de renoncer à leur candidat, Dani Khater, perçu comme partisan, même si une source FL assure qu’il est indépendant. Au final, la solution de listes séparées FL et PSP "ne nuira ni à l’un ni à l’autre d’un point de vue arithmétique", assure une source FL à Ici Beyrouth, sans donner de détails sur la formation de la liste FL qui pourrait bien ne pas être complète.

Force est de relever que la liste du PSP inclura un second candidat sunnite de la Jamaa islamiya.

La sélection de candidats chiites, elle, se heurte aux pressions exercées par le Hezbollah sur ces candidats afin de les dissuader d’intégrer des listes rivales de celle du 8 Mars, selon une source indépendante proche du PSP.