Dans un discours en réaction à la tuerie qui a endeuillé le Texas, et tout le pays, la semaine passée, Joe Biden devra trouver les mots, dimanche 29 mai, pour consoler des Etats-Unis une nouvelle fois meurtris par les armes à feu. Il lui sera également désormais nécessaire de prendre positions contre celles-ci, chose qu’il souhaitait éviter jusque là.

Dimanche, Joe Biden l’empathique saura certainement trouver les mots face aux familles des écoliers tués au Texas, mais le président reste jusqu’ici en retrait de la bataille politique sur les armes à feu, pariant sur une mobilisation parlementaire pourtant loin d’être acquise.

" Il ne peut pas seulement être le +consolateur en chef+. Il faut qu’il mette tout le poids de sa fonction dans la bataille législative ", a déclaré Peter Ambler, de l’association Giffords, qui lutte pour une régulation plus forte, dans un entretien avec Politico.

Jusqu’ici, le démocrate de 79 ans semble réticent, ce qui tient un peu à sa personnalité et beaucoup à un calcul stratégique.

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Des gens se recueillent après la tuerie de Uvalde (AFP)

Joe Biden est un émotif, un père deux fois endeuillé – mais pas par la faute des armes à feu: il a perdu une fille encore bébé dans un accident de voiture, et un fils adulte suite à un cancer.

Consolateur en chef 

Le président prend à coeur ce rôle de " consolateur en chef. " Il veut croire que les Américains, malgré leurs divisions, sont capables de pleurer ensemble les 19 écoliers et 2 enseignantes victimes d’une fusillade dans une école d’Uvalde (Texas), où il se rendra avec son épouse Jill Biden.

Mais si Joe Biden privilégie pour l’heure le registre de l’émotion et de l’interpellation – " Quand pour l’amour de Dieu allons-nous affronter le lobby des armes? " s’était-il écrié mardi – c’est aussi par calcul politique.

Ancien sénateur, attaché au pouvoir parlementaire, il veut que le Congrès vote un projet de loi qui généraliserait l’examen des antécédents psychiatriques et judiciaires des acheteurs d’armes, tout en interdisant les fusils d’assaut et l’achat massif de munitions.

" Nous avons fait ce que nous pouvions. (…) Mais là tout de suite, nous avons besoin de l’aide du Congrès ", a dit jeudi la porte-parole de l’exécutif Karine Jean-Pierre.

Une forte implication risquée 

La Maison Blanche estime qu’une forte implication de Joe Biden, au moment où il est très impopulaire dans les sondages, perturberait plus qu’autre chose un processus législatif déjà acrobatique.

Les démocrates, qui soutiennent le projet de loi, ont impérativement besoin de convaincre une poignée d’élus républicains, en raison de règles de majorité qualifiée.

Joe Biden s’est d’ailleurs jusqu’ici abstenu de critiquer ouvertement l’opposition républicaine, majoritairement hostile à toute réforme. Et dont certains membres font campagne pour les élections législatives de novembre sur leur attachement aux armes à feu.

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Une partie de la population américaine attend de réelles positions contre les armes (AFP)

L’exécutif américain fait aussi valoir qu’une loi fédérale aurait bien plus d’impact que des décrets présidentiels ne s’imposant pas à tous les Etats américains et ne pouvant réguler qu’à la marge.

Il devrait s’impliquer davantage

Mais plusieurs groupes militant pour une régulation des armes à feu estiment, sans douter des convictions du président, qu’il doit s’impliquer davantage.

Igor Volsky, directeur de l’organisation Guns Down America, juge ainsi sur Twitter que le président pourrait créer à la Maison Blanche une agence spécialement dédiée aux armes à feu, sillonner le pays pour rencontrer des communautés touchées, recevoir des activistes et faire pression personnellement sur des parlementaires. " Ce serait le strict minimum ", écrit-il.

Les associations craignent que les Etats-Unis ne retombent dans le scénario devenu tristement familier après une fusillade de masse: une vague d’émotion qui retombe avant de se transformer en réelle pression politique, susceptible de déboucher sur des réformes significatives.

Le choc causé par le massacre à l’école d’Uvalde n’a en tout cas pas suffi à interrompre la routine institutionnelle.

Le Congrès a ainsi suspendu ses travaux et les parlementaires se sont éparpillés dans leurs circonscriptions pour une pause de dix jours, prévue de longue date.

Avec AFP