Lors d’une visite surprise à Téhéran d’une journée, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a annoncé une reprise des négociations avec l’Iran pour réactiver l’accord sur le nucléaire (abrégé en " JCPOA " en anglais). Les pourparlers lancés à Vienne en avril 2021 sur le sujet sont au point mort depuis mars 2022, l’Iran et les États-Unis s’accusant mutuellement de bloquer toute avancée. La visite de la délégation européenne s’inscrit dans une approche constructive et médiatrice afin de " briser la dynamique de l’escalade ", et libérer toutes les potentialités économiques et commerciales avec l’Iran.
L’Union européenne (UE) et l’Iran ont annoncé samedi une reprise " dans les prochains jours " des pourparlers sur le dossier nucléaire suspendus depuis plus de trois mois, à l’occasion d’une visite surprise à Téhéran du dirigeant européen Josep Borrell.
M. Borrell, le chef de la diplomatie de l’UE et le ministre des Affaires étrangères iranien, Hossein Amir-Abdollahian ont fait ces annonces lors d’une conférence de presse conjointe à Téhéran après un tête-à-tête de deux heures.
Les pourparlers lancés à Vienne en avril 2021 entre l’Iran et les grandes puissances (Russie, États-Unis, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) sont au point mort depuis mars, les adversaires américain et iranien s’accusant mutuellement de les bloquer.
Ils visent à réintégrer les États-Unis au pacte de 2015 prévoyant des limitations au programme nucléaire iranien, dénoncé en 2018 par l’ex-président américain Donald Trump, et à ramener l’Iran au respect intégral de ses engagements dictés par ce pacte, appelé JCPOA.
Conclu par l’Iran et les six puissances, le JCPOA vise à garantir le caractère civil du programme nucléaire de l’Iran, accusé de chercher à se doter de l’arme atomique malgré ses démentis, en échange d’une levée progressive des sanctions internationales asphyxiant l’économie iranienne. Or l’administration Trump avait rétabli les sanctions américaines, provoquant l’ire de l’Iran.
" Ma visite a pour principal objectif de briser la dynamique actuelle, c’est-à-dire la dynamique de l’escalade " et de sortir de l’impasse, a déclaré M. Borrell, accompagné lors de sa visite d’un jour à Téhéran du coordinateur de l’UE chargé de superviser le dialogue de Vienne, Enrique Mora. " Nous allons reprendre les discussions sur le JCPOA dans les prochains jours ", a-t-il dit. Et " quand je dis dans les prochains jours, cela veut dire rapidement et immédiatement ".
Des potentialités économiques et commerciales à débloquer
Pour M. Borrell, l’un des obstacles majeurs qui bloque les progrès dans les négociations est l’inimitié entre l’Iran et les États-Unis, deux pays qui n’entretiennent pas de relations diplomatiques depuis 1980. " Il y a des décisions qui doivent être prises à Téhéran et à Washington, mais nous avons convenu aujourd’hui que cette visite sera suivie par la reprise des négociations également entre l’Iran et les États-Unis, facilitées par mon équipe pour tenter de résoudre les problèmes en suspens ", a-t-il dit. À Vienne, les États-Unis et l’Iran tiennent des discussions indirectes, via l’UE.
M. Borrell a souligné devant son interlocuteur iranien les avantages économiques que pourrait tirer l’Iran d’une relance de l’accord de 2015, alors que ce pays souffre des sanctions. " Nos relations bilatérales ont un énorme potentiel, mais sans un JCPOA fonctionnel, nous ne pouvons pas les développer pleinement ", a-t-il dit dans un tweet. Il a également soulevé la question de la " détention déconcertante de citoyens de l’UE en Iran ", allusion à plusieurs Occidentaux détenus en Iran, sous des accusations d’espionnage ou autres.
De son côté, M. Amir-Abdollahian a souligné que son pays était " prêt à reprendre les pourparlers dans les prochains jours ". " Ce qui est important pour la République islamique d’Iran, c’est le plein avantage économique que l’Iran doit tirer de l’accord conclu en 2015 ", a-t-il ajouté, en référence surtout à la levée des sanctions. " Nous essaierons de résoudre les problèmes et divergences à travers les pourparlers qui reprendront bientôt ", a-t-il poursuivi.
Ni M. Borrell ni le ministre iranien n’ont avancé de date précise pour la reprise des pourparlers.
Une escalade réversible
L’administration américaine de Joe Biden a dit vouloir revenir dans l’accord de 2015, à condition que Téhéran renoue avec ses engagements, tandis que l’Iran exige auparavant la levée des sanctions.
Début juin, dès que les États-Unis et les Européens ont fait voter une résolution à l’AIEA dénonçant le manque de coopération de Téhéran, l’Iran a déconnecté des caméras de surveillance de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur ses sites nucléaires. Mais il a ensuite souligné que ces mesures étaient " réversibles " en cas d’accord à Vienne.
Après la désactivation des caméras, le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, avait averti que si le blocage persistait, " dans trois ou quatre semaines " l’AIEA ne serait plus en mesure de surveiller le programme nucléaire iranien.
Selon des experts, les pourparlers de Vienne butent aussi sur le refus américain de céder à une demande clé de Téhéran: le retrait des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de l’Iran, de la liste américaine des " organisations terroristes ".
Avec AFP