Moyen-Orient et procès des viols de Mazan au 79ᵉ Festival d’Avignon
Les artistes du Festival Off d'Avignon accrochent des affiches pour promouvoir leurs pièces à Avignon, le 5 juillet 2016. ©Bertrand LANGLOIS / AFP

Le Festival d’Avignon revient du 6 au 24 juillet avec une programmation percutante et résolument tournée vers les grands enjeux contemporains. De la guerre au Moyen-Orient au procès emblématique des viols de Mazan, l’événement conjugue création artistique et conscience politique.

«Des artistes engagés à penser le monde»: le Festival d’Avignon, rendez-vous international du théâtre, ouvre samedi avec une programmation en résonance avec l’actualité, des conflits au Moyen-Orient au procès des viols de Mazan, tout en offrant une fenêtre sur la langue arabe.

Moment fort attendu: une nuit de lectures d’extraits du procès des viols de Mazan commis sur Gisèle Pelicot, droguée pendant des années par son époux qui la livrait à des inconnus.

Cette création de Milo Rau devrait avoir un écho particulier, alors que ce procès au retentissement international s’est tenu à Avignon entre septembre et décembre 2024.

Lors d’une première à Vienne (Autriche) le 19 juin, cette nuit de lectures avait laissé les spectateurs sous le choc.

Cette 79ᵉ édition sera lancée samedi soir dans la Cour d’honneur du Palais des papes par la chorégraphe capverdienne Marlene Monteiro Freitas avec Nôt, une performance inspirée des Mille et une nuits.

Ce rendez-vous, qui compte 42 spectacles, dont 32 créations 2025 et 20 à proprement parler à Avignon, propose «une grande diversité d’esthétiques», déclare à l’AFP Tiago Rodrigues, son directeur.

Il a souhaité cette année mettre la langue arabe à l’honneur, après l’anglais en 2023 et l’espagnol en 2024. Dans ce cadre, une quinzaine d’artistes, essentiellement des chorégraphes et musiciens, viendront enrichir une édition qui fait déjà la part belle à la danse.

La carrière de Boulbon sera le lieu d’un hommage au chanteur belge Jacques Brel interprété par la figure de la danse contemporaine Anne Teresa de Keersmaeker et le danseur venu du breakdance Solal Mariotte.

Des artistes «s’emparent explicitement de questions d’actualité», «ça fait partie du code génétique du festival», et «d’autres explorent, de manière moins implicite, des questions (tout aussi) profondes», rappelle Tiago Rodrigues. Cela montre «à quel point les artistes sont engagés à penser le monde avec leurs spectacles».

Le chorégraphe libanais Ali Chahrour, dans une pièce créée sous les bombes à Beyrouth, raconte l’histoire tragique de travailleuses migrantes abandonnées à leur sort pendant la guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah pro-iranien à l’automne 2024 au Liban.

Appétit du public

Le festival invite par ailleurs de grands noms de la mise en scène comme l’Allemand Thomas Ostermeier, qui interroge la notion de vérité avec Le Canard sauvage d’Ibsen.

Œuvre marquante de l’histoire d’Avignon, Le Soulier de satin de Paul Claudel, mis en scène par Éric Ruf, administrateur de la Comédie-Française, résonnera dans la Cour d’honneur du Palais des papes.

Fondé en 1947 par Jean Vilar, le plus célèbre festival de théâtre au monde avec celui d’Édimbourg transforme chaque juillet la Cité des papes en ville-théâtre.

À côté du In, démarre, en même temps cette année, le Off, plus grand marché du spectacle vivant en France, avec quelque 1 700 spectacles.

Le théâtre est célébré à un moment difficile où la culture est touchée par des coupes budgétaires et où les compagnies font face à une rude concurrence et une crise de la diffusion des spectacles.

Huit syndicats du spectacle vivant, dont le Syndeac (premier du secteur public), appellent à un rassemblement devant la mairie d’Avignon, samedi à 18h30 pour «lancer un cri d’alerte» contre ces coupes.

Enfin, à noter que cette édition du In s’ouvre dans un contexte particulier pour sa direction, puisque l’ex-numéro 2, Pierre Gendronneau, a quitté ses fonctions le 13 juin, d’un «commun accord».

Le parquet de Paris a ouvert une enquête après un signalement du ministère de la Culture le visant, sur de possibles faits de harcèlement sexuel dans un précédent poste, au Festival d’Automne à Paris.

Communication dédiée sur les sites et dans les bars, formation des salariés et des «référents» : «comme chaque année depuis mon arrivée en 2023, la politique de prévention, d’accompagnement, d’écoute et de lutte contre les violences sexuelles et sexistes est renforcée», a indiqué Tiago Rodrigues.

Nouveauté: s’ouvre une cellule d’écoute dédiée au public, volonté commune du In, du Off, de la préfecture.

Par Karine PERRET / AFP