«Je renouvelle l’appel à cesser d’instrumentaliser les religions pour inciter à la haine, à la violence, à l’extrémisme et au fanatisme et à cesser d’utiliser le nom de Dieu pour justifier des actes de meurtre, d’exil, de terrorisme et d’oppression».
Le pape François
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On croirait rêver… Rien ne fonctionne dans le pays. Du moins dans le domaine étatique. Le moindre petit problème de la vie quotidienne est négligé sans vergogne par les services concernés. La déliquescence totale s’est généralisée à tous les échelons de l’appareil de l’État. Aucun responsable ou fonctionnaire, à quelques exceptions près, ne daigne faire l’effort de se préoccuper un tantinet de la chose publique. Les Libanais ploient sous la plus grave crise économique et financière de l’Histoire du Liban…
Et pourtant, tout cela est, semble-t-il, sans importance pour certains. Il est plutôt impératif pour eux de s’attaquer, malgré de telles circonstances, à la question des «rapports contre-nature», de se pencher sur la vie des membres de la communauté LGBT! L’histoire de faire diversion, de lancer de faux débats afin de détourner l’attention des Libanais des véritables désastres qui minent le quotidien de la population. Rien d’étonnant à cet égard que ce soit le secrétaire général du parti pro-iranien, Hassan Nasrallah, qui ait lancé subitement cette campagne homophobe, reprise malencontreusement par plus d’un milieu populaire et spirituel. Le Hezbollah est passé maître dans l’art de la diversion, dans sa capacité à entraîner l’opinion dans de fausses batailles contre des adversaires qu’il façonne de toutes pièces à sa propre mesure.
L’un des (nombreux) problèmes auquel sont confrontées aujourd’hui certaines sociétés est la perte de valeurs, de repères, de critères de jugement… Il en résulte une tendance déplorable à la déraison, à l’absence de discernement.
L’absence de repères et le manque de discernement constituent l’une des principales lacunes dont pâti aujourd’hui (et depuis fort longtemps) le Liban, à différents niveaux et dans divers domaines. L’auteur de ces lignes est profondément attaché aux valeurs chrétiennes, à la préservation de la cellule familiale de base (père, mère, enfants…). Un tel attachement aux valeurs chrétiennes – pour ceux qui les adoptent – implique inéluctablement le respect de la personne humaine, quelle qu’elle soit… Qu’elle soit «LGBT» ou pas, du même bord politique que nous ou pas… L’ancien archevêque melkite de Beyrouth, Grégoire Haddad, avait défini dans la pratique de sa foi deux critères absolus: le Christ et l’Homme… Tout homme, et tout l’homme (dans ses différentes dimensions), précisait-il.
Ceux qui s’en prennent, en faisant usage de la violence (physique ou morale), à des membres de la communauté LGBT au nom de leur profonde croyance chrétienne, font fausse route. On ne peut pas défendre des principes et agir de manière à violer ces mêmes principes. La sauvegarde de la dignité et de la liberté de l’individu est au centre du message chrétien. Nul chrétien ne peut donc se comporter de façon antinomique à ce message.
Mais une telle cohérence dans le comportement, dans l’adéquation entre la parole et l’acte, est tout aussi de mise dans le sens inverse. Ceux qui s’en prennent aux pourfendeurs d’hommes ou de femmes qui entretiennent des rapports qualifiés de «contre-nature» ne peuvent pas, dans le même temps, stigmatiser ceux qui sont attachés à des valeurs traditionnelles, dans une sorte de «wokisme» primaire, en criant à toute occasion qui se présente «haro sur le baudet».
Le respect de l’individu ne saurait être à sens unique. S’armant aveuglément des moyens, souvent nocifs, qu’offrent les médias sociaux, nombreux sont ceux qui, à chaque chant de coq, se plaisent à diaboliser de façon gratuite une minuscule poignée de personnes – toujours les mêmes, d’ailleurs. Comble de l’infamie, ils se lancent dans cette diffamation primaire, feignant d’ignorer que celle-ci ne sert en définitive qu’à détourner l’attention des véritables problèmes existentiels et socio-économiques qui ébranlent le pays. Une telle diabolisation, qui s’étend aussi le plus souvent à toute personne entretenant un quelconque lien avec la «cible» de la chasse aux sorcières, finit par prendre la forme d’un vil harcèlement moral, tout aussi condamnable que l’attitude agressive de ceux qui se posent en défenseurs des valeurs morales, mais de façon réductrice.
Il ne s’agit là en aucune façon de prodiguer une quelconque leçon de morale. L’enjeu est bien plus grand car, pour reprendre encore le pape François, «la mesure avec laquelle nous respectons la dignité humaine exprime quel type de société nous voulons construire». Et cela est valable dans les deux sens des relations humaines...