C’est au terme de préparatifs qui ont duré quelque temps, que le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil a pris le chemin de Dimane pour un entretien samedi avec le patriarche maronite Béchara Raï. Un pas qui a dû lui coûter quand on sait à quel point le chef de l’Église maronite est critique du sexennat et de l’alignement du CPL sur la politique du Hezbollah. Une politique qui cause énormément du tort au Liban mais dont le CPL s’en accommode fort bien.

Sur la terrasse de Dimane, surplombant la vallée sainte de Qadisha, plusieurs dossiers ont été abordés mais l’accent a été mis sur deux en particulier: la formation du gouvernement dans le contexte de l’échéance présidentielle, et la possibilité qu’une rencontre chrétienne soit organisée à Bkerké, en présence notamment des chefs des deux partis à la tête des deux plus grands groupes chrétiens à la Chambre: Gebran Bassil, et Samir Geagea, leader des Forces libanaises, dont la position au sujet de la présidentielle et du profil du successeur de Michel Aoun à la tête de l’État, importune au plus haut point le chef du CPL. L’objectif de la rencontre de Bkerké serait, selon Gebran Bassil, de s’entendre sur la personnalité du prochain président, sous la houlette du chef de l’Église maronite.

M. Bassil a développé devant son hôte son point de vue selon lequel un gouvernement d’expédition des affaires courantes ne peut pas assumer les prérogatives du chef de l’État, parce qu’il n’est pas responsable devant le Parlement et ne peut donc pas prendre des décisions qui relèvent de la compétence d’un président. Il l’a aussi assuré que Michel Aoun ne laissera pas le vide s’installer et qu’il est nécessaire pour cela que le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, forme un gouvernement avant la fin du sexennat, le 31 octobre prochain, pour éviter une problématique constitutionnelle dont le Liban peut se passer. Il lui a ensuite expliqué longuement l’importance d’une réunion des deux pôles chrétiens à Bkerké.

Très attentif au discours de son visiteur, Béchara Raï s’est montré plutôt réticent au sujet d’une réunion à Bkerké, même s’il en a salué le principe. D’abord parce que les expériences passées avec les rencontres interchrétiennes liées au dossier de la présidentielle et organisées sous l’égide du patriarcat n’étaient pas concluantes, ensuite parce qu’il n’est pas possible selon lui de limiter une rencontre interchrétienne à deux personnalités et d’éclipser toutes les autres. Pour le patriarche, il n’est pas concevable qu’il n’y ait que Gebran Bassil, Samir Geagea et les chefs des Kataëb, Samy Gemayel et des Marada, Sleiman Frangié, à la réunion. Celle-ci, estime-t-il, devrait s’étendre à d’autres personnalités chrétiennes, notamment les députés de l’opposition comme Nehmat Frem et Michel Moawad. Cette approche n’était pas du goût du chef du CPL pour qui le prochain président devrait être représentatif de sa communauté principalement et soutenu par un groupe parlementaire consistant, ce qui limite le choix aux deux blocs du CPL et des FL.

Si Béchara Raï a promis d’œuvrer pour encourager la formation d’un gouvernement, il ne s’est pas engagé au sujet de n’importe quelle réunion à Bkerké.

De l’avis de sources souverainistes, Gebran Bassil a frappé à la porte de Bkerké, parce qu’il a dû se résigner à l’idée que ses chances de succéder à son beau-père se réduisent à zéro. Il n’en demeure pas moins que ses discours répétés au sujet de la présidentielle et du choix du nouveau chef de l’État montrent de toute évidence qu’il se considère comme un faiseur de président incontournable. Selon les mêmes sources, le Hezbollah n’est pas aujourd’hui dans le même état d’esprit qu’en 2016, lorsqu’il avait pressé pour obtenir l’accession de Michel Aoun à la tête de l’État. Le contexte local et régional n’étant pas le même, il ne renouvellerait pas l’expérience Aoun. Et Gebran Bassil semble avoir pris conscience que le soutien du Hezbollah à ses choix n’est pas acquis.