Une personnalité diplomatique arabe est catégorique: le Liban est le seul terrain sur lequel l’Iran peut encore bouger et qu’il peut employer comme une carte de pression dans ses négociations avec les Américains à Vienne et avec les Saoudiens en Irak.

Ce constat cache de façon très diplomatique une crainte d’un embrasement ou de problèmes de sécurité au Liban qui a rendez-vous le 15 mai avec des élections législatives déterminantes pour l’avenir du pays, en proie à l’une des pires crises de l’histoire de ce monde.

Il repose sur le fait que l’Iran ne peut plus recourir à l’escalade au Yémen, après son accord sur un cessez-le-feu avec les Saoudiens à Bagdad et la prochaine reprise des pourparlers entre Téhéran et Riyad, au niveau des ministres des Affaires étrangères. Il n’a plus non plus trop de marge de manœuvre en Irak avec l’entrée en jeu des États-Unis, de la Turquie et de l’Arabie saoudite dans la perspective d’une solution politique, ou en Syrie, car la Russie, à cause de sa guerre contre l’Ukraine et dans un souci de ne pas donner aux Américains et aux Européens une carte qu’ils peuvent utiliser contre elle, préfère garder ce front calme. Il n’en demeure pas moins que toutes ces restrictions ne modifieraient en rien la politique que suit la République islamique, laquelle a toujours un contrôle réel sur le Liban, à travers son bras armé qu’est le Hezbollah.

C’est dans ce contexte qu’il faut placer le dernier avertissement du secrétaire d’État américain, Antony Blinken, selon lequel Téhéran est à deux doigts de mettre au point une arme nucléaire et Washington ne le tolérera pas. Ses propos trahissent surtout une crainte de voir l’Iran recourir à l’escalade dans la région, à partir du Liban-Sud, où le Hezbollah est toujours prépondérant, et de provoquer des tensions avec Israël.  En mars dernier, des appareils militaires américains avaient abattu au-dessus de l’Irak deux drones iraniens qui s’apprêtaient à attaquer Israël, puis le porte-parole des Gardiens de la Révolution avait annoncé qu’un drone iranien "avait mené une opération réussie dans l’espace aérien israélien", sans donner plus de détails et sans préciser notamment la nature ou la date de la mission.

Une exacerbation des tensions avec Israël peut servir l’intérêt de Téhéran dont les négociations avec les États-Unis sur le nucléaire sont pour le moment suspendues et qui essaie d’exercer des pressions pour obtenir une levée des sanctions américaines, un déblocage des fonds iraniens dans les banques américaines ainsi qu’une levée des Pasdaran et de leurs branches militaires, dont le Hezbollah, de la liste américaine des organisations terroristes. La roquette lancée le 25 avril dernier à partir du sud du Liban en direction du nord israélien a ainsi soulevé plusieurs interrogations, surtout que le tir n’a pas été revendiqué et qu’il a coïncidé avec le déploiement d’un groupe d’élite du Hezbollah, Al-Radwane, dans la partie centrale du Liban-Sud. De sources informées, on indique que c’est le Jihad islamique, le pendant palestinien du Hezbollah, qui aurait tiré sur le nord israélien.

Dans les milieux diplomatiques arabes et occidentaux, ces développements ont suscité des craintes d’une escalade dans cette partie du Liban au service des intérêts iraniens d’autant qu’il a fallu une intervention diplomatique occidentale auprès de Tel Aviv pour l’empêcher de riposter durement contre le Liban et de tomber ainsi dans le piège iranien qui pourrait profiter d’un regain de tension à la frontière entre le Liban et Israël afin de développer une arme nucléaire et d’améliorer ainsi ses conditions de négociations à Vienne. Israël s’était en effet contenté de riposter par un tir ponctuel de représailles, associé cependant à de menaces contre le gouvernement libanais. C’est qu’entre-temps, selon des sources informées, les États-Unis, conscients du jeu iranien, avaient convaincu Israël de ne pas réagir pendant que l’Égypte usait de pressions sur le Hamas afin de contenir le front de Gaza après les scènes de violence des semaines passées. "Personne n’est actuellement en mesure de supporter une escalade dans la région, alors que des efforts sont menés à plusieurs niveaux en vue d’un règlement successif des crises politiques qui l’affectent", commente ce même diplomate arabe.

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