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Gebran Khalil Gebran.
C’est une page resplendissante de l’histoire qui s’ouvre, telle une aurore rutilante, dévoilant la grandeur d’un esprit dont la poésie effleure les confins de l’éternité, avec une grâce zéphirienne. Cette brise intemporelle offrait au monde, depuis exactement un siècle, son incommensurable chef-d’œuvre, "Le Prophète", un monument littéraire d’une captivante splendeur, qui continue d’attirer l’attention des esprits avides de grandeur et d’inspiration. Le compositeur libanais, Élie Barrak, en fait clairement partie. Il compose une musique d’une ampleur remarquable, élevant ainsi les esprits, le 17 juillet dernier, lors d’une représentation théâtrale exquise, conçue par la metteuse en scène Lina Khoury, à l’Université libano-américaine, célébrant avec éclat le centenaire de l’œuvre du philosophe libanais.

Éclat de pure magie

Les muses elles-mêmes semblent se pencher avec émoi sur cet opus musical, où se mêlent les échos envoûtants de la musique levantine, les harmonies suaves de l’art harmonique tonal et les rythmes enjôleurs du jazz. Entre les murmures mélodieux, un silence s’étendait, laissant éclore des passages lumineux du "Prophète", portés par la voix majestueuse de l’éminent Rifaat Tarabay avec un ensemble d’étudiants. Ces moments suspendus ont réussi à capturer l’essence même de l’émotion, comme si l’auditoire retenait son souffle, avant que les notes ne résonnent de nouveau dans un éclat de pure magie. Dès les premières notes, un univers entier commence à s’épanouir, comme une toile de maître prenant vie sous les yeux émerveillés du spectateur.

Simulacre de grandeur

Avec une maîtrise exempte de toute précipitation et de hargne superflue, Élie Barrak appréhende dès les premières notes son clavier. À travers son art éclatant, il prodigue une leçon édifiante aux soi-disant musiciens libanais, épris d’eux-mêmes tels des étoiles éphémères, et s’illusionnant en un simulacre de grandeur, en leur démontrant ce qu’un véritable artiste devrait être: dénué d’égocentrisme, ancré dans l’authenticité de l’expression musicale, et porté par un souffle intemporel de virtuosité. Dans la suite inaugurale, composée par Élie Barrak en 2008 à l’occasion du 125e anniversaire de la naissance du philosophe, s’exhalent des passages chantants revêtus d’une expressivité soyeuse et diaprée. Le nay enlace ces moments d’un vibrato délicatement mesuré, peignant des phrases empreintes d’une tendre sensibilité, enluminées par un tremolo fluide du qanoun.

Distillation d’une âme nouvelle

Au sein de ce panorama musical foisonnant, des pièces luisantes se dessinent, témoignant de l’inventivité du compositeur libanais, qui a pleinement réussi à s’approprier et sublimer des joyaux de la musique d’art harmonique tonale européenne, tels que la Suite pour orchestre de jazz no.2, op.50b, de Dimitri Chostakovitch (1906-1975) et la Gnossienne no.1 en fa mineur d’Érik Satie (1866-1925), à travers des arrangements honorant la partition d’origine tout en distillant une âme nouvelle à ces chefs-d’œuvre. Le pianiste, avec une maîtrise digne d’un sculpteur, modèle les sonorités de sa musique en explorant indéfiniment les abysses de son Steinway, où les touches rivalisent dans des enchaînements telluriques d’accords, tandis que des mordants et des trilles à la main droite viennent ornementer l’ensemble d’une élégance raffinée.

Fusion des timbres

Les pépites musicales des frères Rahbani (Ya Za’iri fi al-doha, Baadna, Oumen) ont également été revisitées par le talent d’Élie Barrak, qui donne une nouvelle dimension à leurs pièces, en privilégiant la fusion des timbres à la distinction individuelle. Il parvient ainsi à donner à son ensemble un souffle épique et des textures quasi-orchestrales, notamment dans Ya Za’iri fi al-doha qui revêt des couleurs nocturnes chopinesques, et dans Oumen où la musique naît somptueusement du silence, les frottements harmoniques s’entrelaçant délicatement sans aucune surcharge expressive. Dans un élan novateur, le compositeur libano-britannique prend plaisir à s’immerger dans la matière sonore du jardin des délices jazzistes de son vieil ami, Ziad Rahbani, offrant un arrangement audacieux de Wahdon dans lequel se mêlent subtilement jazz et couleurs orientalistes.

Poésie romanesque

Cette opulente mosaïque musicale se voit enrichie par la musique levantine, en l’occurrence Samai Aryan d’Ibrahim al-Aryan qui prend vie avec éclat. Élie Barrak déploie des sonorités issues du patrimoine monodique modale levantin en les soumettant aux exigences de la musique harmonique tonale, mais tout en gardant l’essence même de cette œuvre élégiaque. Aux confins émotionnels, entre spleen et allégresse, les spectateurs s’abandonnent avec les musiciens à une valse musicale où se déploie une poésie romanesque, telle une épopée sans fin, la magie des modes levantins se mêlant à une éternelle féerie. Si Élie Barrak excelle dans le réarrangement des œuvres d’autres compositeurs, c’est dans ses propres créations (Suite, Romance et Marche funèbre) et ses improvisations qu’il révèle son génie musical, offrant ainsi une preuve éclatante qu’au Liban, la flamme des prodiges de la musique brille toujours avec éclat.

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