À Kiev, dimanche dernier, la Philharmonie de Kiev a résonné aux sons de Schedryk, un chant traditionnel ukrainien plus connu sous le nom de Carol of the Bells dans le monde anglo-saxon. Il a été joué pour la première fois dans cette ville en 1916 et révèle une histoire riche et méconnue.

Le compositeur Mykola Leontovytch a transcrit cette mélodie au début du vingtième siècle, ancrant ainsi Schedryk dans le patrimoine culturel de l’Ukraine. Ce chant de Noël, synonyme de générosité, incarne l’esprit et la résilience d’une nation. Sa représentation cette année par le Chœur radiophonique ukrainien coïncide avec la célébration de Noël le 25 décembre selon le calendrier grégorien, marquant un tournant symbolique vis-à-vis de l’Église orthodoxe russe et de son calendrier julien traditionnel.

L’interprétation de Schedryk à Kiev fait écho à celle de Carnegie Hall à New York en octobre 1922, une période où l’Ukraine, fraîchement indépendante depuis 1918, luttait pour sa souveraineté. Simon Petlioura, alors président de la République populaire d’Ukraine, avait lancé une tournée du Chœur national ukrainien en Europe occidentale et aux États-Unis en 1919. Ce projet de diplomatie musicale visait à promouvoir l’indépendance ukrainienne et à sensibiliser l’Occident à sa cause.

Le succès international de Schedryk ne fut pas vécu par son créateur, Mykola Leontovytch, assassiné en 1921 par un agent soviétique. Son œuvre, cependant, traversa les frontières et les générations. En 1936, Peter Wilhousky, un Américain d’origine ukrainienne, transforma Schedryk en Carol of the Bells, lui conférant une nouvelle dimension et popularité.

Le destin tragique de Simon Petlioura, assassiné à Paris en 1926 par Samuel Schwartzbard en raison des pogroms antijuifs en Ukraine en 1919, révèle les complexités de l’histoire ukrainienne. Ces événements soulignent les luttes et les triomphes d’une nation en quête d’identité et d’indépendance.

Depuis l’effondrement de l’URSS en 1991, l’Ukraine a regagné son indépendance, mais fait face à de nouveaux défis. L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et le conflit dans l’est du pays, suivis d’une invasion majeure en 2022, témoignent de la persévérance d’une nation toujours en lutte pour son intégrité territoriale et culturelle.

Le concert de dimanche à la Philharmonie de Kiev est plus qu’une simple performance musicale; c’est un acte de mémoire et d’affirmation culturelle. À travers Schedryk, l’Ukraine célèbre son histoire, sa culture et sa résilience, rappelant au monde sa richesse culturelle et son indomptable esprit de liberté.

Avec AFP