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À Rebirth Beirut, dans une exposition intitulée Unmasked, ouverte du 25 janvier au 3 février 2024, la galeriste Aïda Cherfan nous fait découvrir un nouveau talent: celui de l’artiste Georges Meouchy, au style original et inédit.

Ce peintre autodidacte, notaire de profession, avoue s’être inspiré de ses multiples interactions sociales et professionnelles, ainsi que de son vécu au quotidien, pour développer une meilleure connaissance de la nature humaine. Il cherche à en saisir la subtilité et la profondeur afin d’en faire la matière première de sa peinture.

La fascination de Georges Meouchy pour le tableau Two Heads de Jean-Michel Basquiat, star du street art des années 1980, a ouvert la vanne de son inventivité et de sa créativité. Cela a posé les premiers jalons de son parcours artistique. Les œuvres de Meouchy rappellent, par leur facture audacieuse et colorée, le mouvement du pop art de la fin des années 1950. Inspiré de la culture populaire de l’après-guerre, ce mouvement était une sorte de satire politique et sociale délivrant des messages et provoquant tour à tour réflexion et émotion.

En effet, dans l’espace galerie, une série de portraits défile et capture le regard pour mieux défier le spectateur. Sur des toiles à fond uni, sombre ou clair, s’inscrivent des visages représentant diverses fonctions sociales ou professionnelles, offrant un champ d’exploration idéal à l’artiste. Des caractères bien définis, de médecin, banquier, marin, clown, mime ou comédien, bourgeois cossu ou militaire, s’affichent en stéréotypes et campent des personnages bien distincts, hauts en couleur. Ceci est dû tant à l’audace et la subtilité de l’expression qu’à la modernité et l’originalité de la facture.

À cet effet, le trait, grossi et subtil à la fois, permet à l’artiste de lever le masque de la bienséance pour révéler les mystères de l’intime. L’œuvre transcende ainsi l’image caricaturale ou purement décorative. Elle se dégage du voile superficiel de l’apparence pour sonder les mystères de l’âme dans ses infinies nuances.

Le pinceau du peintre fait virevolter les toiles de ses notes vibrantes et joyeuses, posées en aplats de couleurs jaune éclatant, bleu électrique, rouge feu ou vert franc. Mais cette apparente désinvolture ne fait que révéler un univers intérieur chargé de désarroi. Sur l’ensemble des tableaux, s’étalent ainsi des faces fragmentées en zones d’ombres ou crevasses, en espaces d’exploration vides ou colorés.

Un curieux spectacle s’offre ainsi au spectateur: celui de la blonde qui affiche sans souci sa qualité de femme-objet, en promenant des seins dont l’effet conique est accentué par les cercles colorés et concentriques du tissu. Celui du visage de l’homme ordinaire, dont le sourire esquisse une grimace. Celui du clown, affligé d’un nez rouge qui s’écrase sur sa face pour mieux en accuser la tourmente. Celui du marin aux yeux étoilés qui s’envolent vers un horizon plein de rêves et d’aventures. Ou encore celui du médecin au crâne ovoïde, gonflé de prétention et de science infuse.

Le banquier offre l’image affligeante du cou enserré dans un nœud papillon, du sourire réduit à la dureté d’une ligne, du regard vide coincé dans des lunettes, empruntant la couleur d’un billet vert. À travers ces portraits, le peintre entretient l’ambiguïté qui consiste à démasquer la faille, la fragilité de l’être, tout en maintenant la légèreté du propos avec humour et délicatesse. Ainsi, il apporte à la part de ténèbres un sursaut de lumière.

Ces figures semblent certes nous dévisager avec insistance et font effet de miroir, en reflétant nos propres limites et travers. Mais elles nous renvoient en définitive une image joyeuse et réconfortante, grâce au regard bienveillant du peintre qui nous prend par la main pour nous entraîner, grâce à la vivacité de son art, dans une sorte d’apesanteur.

Une exposition inédite et ludique à ne pas manquer jusqu’au 3 février.

www.joganne.com
@jogannepaintings

Note de la rédaction : Georges Meouchy, initialement repéré et encouragé à embrasser la peinture par le Dr Tony Karam, a réalisé son premier grand succès artistique avec une exposition solo à Rebirth Beirut, organisée par le Dr Karam en mars 2023. Cette exposition, mise en avant par Ici Beyrouth (voir lire aussi), a constitué la première apparition publique des œuvres de Meouchy. Recevant un accueil chaleureux, cette exposition a permis à l’artiste de gagner conjointement le prix de la meilleure première exposition solo attribué par Gallery Magazine. Par ailleurs, le Dr Karam a été essentiel dans la démarche d’inclure les travaux de Meouchy dans une importante vente aux enchères caritative, organisée par la LAU à New York.

 

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