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La Bête, le dernier film de Bertrand Bonello avec Léa Seydoux, est une exploration hallucinatoire de l’intelligence artificielle et de l’amour à travers le temps. Le film est désormais à l’affiche dans les salles obscures en France.

Dans l’univers du cinéma contemporain, peu d’œuvres réussissent à entrelacer avec autant de finesse et d’originalité les subtilités de l’amour, les questionnements éthiques autour de l’intelligence artificielle (IA), et une odyssée temporelle comme le fait La Bête de Bertrand Bonello.

Mettant en vedette Léa Seydoux, ce film de 2h26, inspiré librement de La Bête dans la Jungle de Henry James, nous transporte dans un périple hallucinatoire entre les années 1910, le présent et l’an 2044. Présenté en compétition à la dernière Mostra de Venise, La Bête s’inscrit dans la veine artistique de David Lynch, promettant une expérience cinématographique sans pareil.

Bonello, connu pour son cinéma parfois exigeant comme dans Nocturama (2016) et Saint Laurent (2015), aborde le sujet terrifiant de l’IA avec une approche à la fois innovante et introspective. En 2044, l’IA a pris le contrôle, visant à rendre l’humanité moins sentimentale et plus rationnelle, une prémisse qui résonne étrangement avec les inquiétudes actuelles autour de la technologie générative et ses implications potentielles sur l’emploi dans les industries créatives.

Le film, cependant, va bien au-delà d’une simple critique de l’IA. Il explore la relation délicate et souvent périlleuse entre l’humain et la machine. Bonello lui-même a expérimenté avec la génération de contenu par IA, une démarche qui, bien qu’elle ait produit un résultat loin d’être génial en quelques secondes, souligne l’incroyable puissance et les possibles implications de cette technologie. " C’est vraiment terrifiant ", admet le cinéaste, soulignant les considérations éthiques, morales et politiques que cela implique.

La narration de La Bête navigue avec fluidité entre différents temps, ancrant l’histoire dans une réalité à la fois tangible et fantastique. Léa Seydoux, incarnant une artiste contrainte de purger ses souvenirs de tout sentiment en revivant ses vies antérieures, offre une performance intense et mystérieuse. Sa méthode, décrite par Bonello comme un abandon, lui permet d’être intemporelle tout en capturant l’essence de la modernité. George MacKay, interprétant Louis, un homme qui traverse le temps, ajoute une dimension supplémentaire à cette exploration complexe des émotions humaines.

Le film aborde également le thème de la peur d’un malheur à venir, un sujet omniprésent dans la nouvelle de James, considérée par Bonello comme " l’un des mélodrames les plus déchirants qui existent ". Ce mélange d’amour et de terreur, entrelacé dans le récit, enrichit l’expérience cinématographique, offrant une réflexion profonde sur la condition humaine face à l’inéluctabilité du progrès technologique.

Visuellement, La Bête est un hommage à l’esthétique de Lynch, avec ses personnages féminins mystérieux, ses indices cachés et une ambiance qui rappelle Mulholland Drive et Twin Peaks. Le film se conclut par un hommage poignant à Gaspard Ulliel, un choix de casting qui aurait apporté une autre dimension au rôle finalement interprété par MacKay, à la suite du décès tragique de l’acteur.

La Bête est également une méditation sur l’amour, la mémoire et notre avenir potentiel avec l’IA. Bonello nous offre une œuvre qui défie le temps et la technologie, tout en restant profondément ancrée dans les émotions humaines. C’est une exploration terrifiante de ce que signifie être humain dans un monde où la frontière entre l’homme et la machine devient de plus en plus floue.

Avec AFP