Écoutez l’article

Dans Hors-Saison de Stéphane Brizé, Guillaume Canet incarne un personnage tourmenté par la célébrité et la mélancolie. Un clin d’œil du passé le réanime face au fardeau de sa solitude. Dans ce parcours cinématographique, l’actrice Alba Rochwacher le côtoie, débordante d’authenticité.

Après trois films abordant la brutalité du monde et du travail, Stéphane Brizé, dans son dixième long-métrage, opte pour un genre plus introspectif. Ce film, avec Guillaume Canet et l’actrice italienne Alba Rochwacher, évoque les premières œuvres du cinéaste, telles que Mademoiselle Chambon. Le personnage principal n’est cette fois-ci pas interprété par Vincent Lindon, acteur fétiche du réalisateur, mais par Guillaume Canet. Stéphane Brizé a coécrit le scénario avec Marie Drucker, et Vincent Delerm a composé la musique.

Le mélodrame de Stéphane Brizé s’articule autour d’un personnage célèbre qui s’échappe de la notoriété et de l’épuisement pour se ressourcer dans un lieu où il aspire à la tranquillité. Mathieu, résidant à Paris, est un acteur de cinéma reconnu approchant la cinquantaine. Alice, qui a passé la quarantaine, est professeure de piano dans une petite ville balnéaire de l’ouest de la France. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années, puis se sont séparés. Chacun a suivi son chemin et les blessures se sont peu à peu cicatrisées. Lorsque Mathieu vient apaiser sa mélancolie dans les bains à remous d’une thalasso, il retrouve par hasard Alice. Toutefois, les retrouvailles ne se déroulent pas comme prévu.

Hors-Saison se distingue par son écriture satirique et poignante, ainsi que par un cadrage artistique et une esthétique de l’image qui soulignent un monde idyllique et idéaliste, hors-saison, brisé par la réalité crue de deux êtres enfermés dans leur mutisme, incapables de s’aimer autrefois. Malgré sa maîtrise du registre burlesque, optant pour des répliques vives et une touche satirique, le réalisateur suscite des avis mitigés de la critique concernant la seconde partie du film. On pourrait lui reprocher un manque de tension dramatique, mais Stéphane Brizé privilégie des choix réalistes. Le rythme du film est lent, comme si l’action s’arrêtait lorsque ces deux personnages se rencontrent. Après quinze ans de séparation, ils se retrouvent dans un entre-deux, oscillant entre rêve et réalité. Cependant, leurs dialogues, leurs confrontations et leurs sentiments sont empreints de vérité. Bien que l’actrice soit bouleversante dans son rôle de femme mariée rappelant Madame Bovary, elle demeure profondément ancrée dans son présent et marquée par son passé. Sans tomber dans l’apitoiement face au personnage de Guillaume Canet, la dimension cinématographique met en lumière sa mélancolie dans un jeu frôlant l’humour de par son naturel. L’acteur, qui a souvent affirmé être "né triste", se confronte à sa vie, à son destin, à l’absurdité de l’amour et à la torpeur du monde dans une thalassothérapie cinq étoiles, avec une justesse remarquable. Les acteurs touchent les spectateurs par leur humanité. Ils incarnent à l’écran la fragilité des êtres, leur vulnérabilité, leur lucidité introspective et la sensation du temps qui passe.

Tout en évoquant Lost in Translation de Sofia Copolla pour la magie atemporelle des retrouvailles, ainsi que les héroïnes désespérées de la littérature, le film conserve une touche contemporaine, dénuée d’un excès d’émotions.
Pourquoi revisiter des choix de vie alors que les chemins se sont séparés il y a des années? À quoi bon "remettre les points sur les i" quand cela ne fait que raviver des douleurs anciennes? Est-il possible qu’une personne soit à jamais marquée par une relation depuis longtemps achevée? Les blessures d’amour guérissent-elles vraiment? Le désir, celui des corps, est-il insurmontable, résistant au temps qui passe, même après des décennies?

Sans prétention moralisatrice, le film laisse le spectateur aux prises avec ces interrogations. Face à la tumultueuse mer dans un paysage panoramique, les souvenirs et les chemins qui s’entrecroisent s’évanouissent comme l’écume. Ainsi va la vie, ainsi va tout amour ayant eu la chance – ou la malchance – d’exister ou de persister. Tous les amours impossibles ont une raison irréfutable, enfouie et enfuie à jamais.

Instagram: @mariechristine.tayah