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Le secteur postal continuera, jusqu’à nouvel ordre, à être géré par LibanPost. Dans un pays où le non-respect des règles est monnaie courante, et alors que l’armateur français CMA CGM avait remporté, le 13 juillet dernier, l’appel d’offres pour la gestion du secteur postal lancé par le ministère des Télécoms, via le groupe Merit-Colis Privé, le Conseil des ministres a décidé de prolonger le contrat de LibanPost lors de sa réunion jeudi.

Le dossier de l’adjudication de la gestion du secteur postal au Liban constitue une preuve supplémentaire de l’inefficacité de ce qui reste d’un État, incapable de gérer les affaires publiques et de faire montre de transparence.

Ce dossier a été examiné pour la énième fois, jeudi matin, en Conseil des ministres. Celui-ci n’a trouvé mieux que de prolonger, pour la deuxième fois, le contrat de LibanPost, arrivé à terme en 2019. Pourtant, l’armateur français CMA CGM avait remporté, le 13 juillet dernier, l’appel d’offres pour la gestion du secteur postal, via le groupe Merit-Colis Privé.

Cet examen avait été réclamé par le ministre sortant des Télécommunications, Johnny Corm, parce que la Cour des comptes avait rejeté les résultats de l’appel d’offres, même après une demande de révision de M. Corm. La Cour avait invoqué des infractions liées aux principes de transparence, d’objectivité, de concurrence et de recherche du meilleur prix et mis en avant "le manque d’expérience du soumissionnaire", alors que Colis Privé est considéré comme le premier opérateur privé sur le marché du colis en France.

Les raisons du rejet des résultats de l’appel d’offres semblent être motivées par des considérations politiques. Selon des sources, un proche du président de la Chambre, Nabih Berry, chercherait à prendre en charge la gestion du secteur postal.

En l’absence d’un consensus sur le dossier, les ministres ont opté pour la solution la plus simple: maintenir le statu quo. Ainsi, le secteur postal demeurera sous la gestion de LibanPost, qui opère les services postaux au Liban depuis 1998. Bien que le contrat de LibanPost ait officiellement pris fin le 31 mai dernier, il avait été tacitement renouvelé en 2019, la société continuant à assurer les services postaux pour garantir la continuité du marché public. La prolongation récente du contrat, sans délai précis et contre l’avis de Johnny Corm, laisse entendre que le secteur continuera de fonctionner à pertes.

L’appel d’offres remporté par Mérit-Colis Privé aurait permis à l’État de percevoir 5 millions de dollars par an, tandis qu’actuellement, il ne récolte que 40.000 dollars, ce qui engendre des pertes colossales pour le Trésor public. De plus, CMA CGM avait prévu un investissement de 12,8 millions de dollars pour revitaliser le secteur.

Cependant, du côté de CMA CGM, aucune déclaration n’a été faite jeudi en réponse à la décision du Conseil des ministres.

Un quatrième appel d’offres

Contacté par Ici Beyrouth, le ministre sortant des Télécommunications a regretté la décision de prorogation du contrat de LibanPost. "Nous avons consacré un an et demi à ce dossier, et maintenant nous sommes de nouveau au point de départ. Plus nous nous investissons, plus nous faisons l’objet d’attaques", déplore-t-il, sans donner davantage d’explications.

"Le contrat a été prorogé jusqu’à ce qu’un quatrième appel d’offres soit lancé. Cependant, avant cela, il est nécessaire de mener (encore!) une étude de faisabilité et d’établir un nouveau cahier des charges", précise le ministre. Il souligne également que des fonds sont nécessaires pour réaliser ces étapes, rappelant qu’une étude de faisabilité menée en 1997 par Deutsche Post avait coûté 4 millions de dollars". Dans le contexte actuel, il fait remarquer que "les trois appels d’offres de cette année avaient coûté seulement 6 millions de livres, soit le prix des annonces dans les journaux, qui n’ont même pas été réglées".

Il indique par ailleurs que ces procédures sont longues et que le cahier de charges doit être approuvé avec une publication de trois mois sur le site de l’Autorité du marché public pour que les soumissionnaires puissent soumettre une offre. De plus, M. Corm estime qu’au vu de la situation économique du pays, il n’est pas certain qu’un soumissionnaire s’y aventure.

1.500 livres pour un dollar!

Mais dans le contexte actuel au Liban, une autre question se pose: est-ce qu’un gouvernement d’expédition des affaires courantes a le droit d’adjuger un marché public?

Quant aux conditions du contrat renouvelé avec LibanPost, leur modification soulève des questions. Le ministre explique: "La Cour des comptes m’avait signifié que je ne pouvais pas changer les conditions, bien que le Conseil des ministres m’ait donné l’autorisation de le faire. J’attends une réponse écrite de la Cour des comptes pour éviter de créer un autre problème." Il souligne l’impératif de modifier le contrat, en particulier au niveau des tarifs, qui sont actuellement basés sur un taux de change de 1.500 livres pour un dollar. Le ministre met en garde que si ces conditions ne sont pas ajustées, LibanPost ne pourra pas poursuivre ses activités, ce qui pourrait mettre fin à ce marché public.

Il semble que l’option recherchée pourrait effectivement être celle où un proche du président du Parlement, Nabih Berry, chercherait à s’approprier le secteur postal sans recourir à un appel d’offres. C’est cette volonté apparente d’écarter CMA CGM qui expliquerait également le renouvellement du contrat de LibanPost, malgré la conviction ferme que cette entreprise ne pourra pas perdurer et que tôt ou tard, le secteur postal devra être repris.

Un appel d’offres remporté par Mérit Colis-Privé

Il convient de rappeler que CMA CGM avait remporté, en juillet dernier, via le groupe constitué par les sociétés Merit et Colis Privé France, l’appel d’offres lancé par le ministère des Télécoms. L’objectif était de succéder à LibanPost et de prendre ainsi en charge la gestion du service postal au Liban.

Cependant, la Cour des comptes, dont le président serait, selon des sources, proche de M. Berry, a rejeté l’attribution du contrat de gestion de la poste au Liban à la société française, même après la demande de révision de M. Corm.

Merit-Colis Privé était la seule entreprise à avoir soumis une offre en juillet dernier pour la gestion du marché postal au Liban. Elle avait également remporté l’appel d’offres lancé par le ministère des Télécoms le 30 mars précédent, visant à succéder à LibanPost. Cependant, à cette époque, des irrégularités avaient été relevées dans le cahier des charges. En conséquence, le ministre des Télécoms avait annulé l’adjudication pour corriger le document, lançant ainsi une nouvelle procédure le 7 juin.

Le câble Cadmos et Starlink

Toujours dans le cadre du ministère des Télécommunications, le Conseil des ministres a approuvé jeudi la demande du ministère des Télécoms relative à la construction du câble Cadmos 2 reliant le Liban à Chypre. Celui-ci devrait remplacer le câble Cadmos, endommagé par le séisme qui avait frappé en février dernier le sud de la Turquie et le nord de la Syrie.

Cependant, le Conseil des ministres a reporté à la prochaine séance l’examen d’une demande du ministre sortant des Télécommunications, concernant une connexion au système Starlink, un service Internet par satellite fourni par SpaceX, la compagnie fondée par Elon Musk.

Starlink, mis en œuvre par SpaceX, repose sur un réseau de 3.200 satellites en orbite autour de la Terre. Ce système offre aux utilisateurs la possibilité de se connecter à Internet sans dépendre d’infrastructures conventionnelles telles que des câbles ou des lignes téléphoniques. Cette caractéristique pourrait assurer la pérennité du service Internet en cas de conflit entre le Liban et Israël.

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