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Lors de sa dernière séance " constitutionnelle " avant la fin du mala transition vers un gouvernement d’expédition d’affaires courantes, le 20 mai 2022, le Cabinet de Najib Mikati a approuvé un plan de redressement financier et économique. Ce plan comprenait un document intitulé " Stratégie de redressement du secteur financier " qui, dans sa troisième clause, prévoyait l’annulation d’une grande partie des obligations en devises étrangères de la Banque du Liban (BDL) envers les banques. Cette mesure visait à atténuer le déficit du capital de la BDL, à condition qu’il soit aligné sur la capacité d’endettement de l’État. En outre, le gouvernement s’est engagé à émettre des obligations souveraines d’une valeur de 2,5 milliards de dollars, avec la possibilité d’une augmentation. De plus, le gouvernement s’est engagé à recapitaliser entièrement les banques libanaises en interne.

Le plan du gouvernement stipule explicitement: " Nous annulerons les obligations de la BDL envers les banques, qui ne sont rien d’autre que les fonds des déposants que les banques ont confiés à la BDL. " Ce jour-là, l’Association des banques du Liban (ABL) a épuisé tous les moyens pour corriger le cours du plan de redressement du gouvernement. En désespoir de cause, l’ABL a décidé de faire appel au Conseil d’État pour empêcher le gouvernement de mettre en oeuvre cette décision de nature à supprimer les dépôts bancaires et le capital des banques.

En fait, le 28 juin 2022, l’ABL a décidé de présenter un recours devant le Conseil d’État afin d’invalider les dispositions énoncées dans le plan du gouvernement. Selon le recours présenté, les banques ont confié les fonds des déposants à la BDL, qui représente l’autorité de régulation du secteur bancaire et l’institution la plus sûre au Liban pour le dépôt des fonds des déposants. Le montant total des fonds de ces derniers détenus par les banques et déposés auprès de la BDL s’élevait à 70 milliards de dollars. Cependant, lorsque la crise s’est déclenchée en 2020 et que les déposants ont été interdits de retirer leur argent en devises, il s’est avéré que l’État avait emprunté et dépensé les fonds des déposants placés par les banques auprès de la BDL, dans une première phase. Ensuite, dans une phase ultérieure, le 20 mai 2022, une décision rétroactive a été prise pour saisir et confisquer les fonds des déposants, les obligeant à supporter les pertes à la place de l’État en transformant les montants empruntés par celui-ci et dépensés à partir des dépôts des déposants de dettes en propriété définitive.

Cette situation a contraint l’Association des banques, conformément à ses objectifs et ses responsabilités, à contester cette décision pour défendre les investissements du secteur bancaire.

Pour rappel, l’ancien gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, a précisé qu’entre 2010 et 2021, l’État a emprunté 62 milliards de dollars à la BDL. Ce montant équivaut aux dettes de la Banque centrale envers les banques, d’une part, et à ses actifs en devises étrangères, d’autre part, donc aux fonds déposés par les clients auprès des banques libanaises. À ce moment-là, l’Association a perçu la décision contestée comme un acte administratif effectif permettant à l’État de retenir, c’est-à-dire de confisquer, les dépôts des banques à la BDL en devises étrangères, et donc de confisquer la propriété privée des déposants, en violation de la Constitution, sans nommer l’opération par son véritable nom, à savoir l’atteinte à la propriété privée d’une catégorie de citoyens, à savoir les déposants. Cela justifie donc son annulation.

À la suite du recours présenté par l’ABL devant le Conseil d’État, ce dernier a décidé le 22 juin 2023 de l’accepter formellement, le reconnaissant comme une référence valide pour superviser les actions du gouvernement à chaque fois qu’il décide de renoncer à son obligation de rembourser les dépôts des citoyens. Revenant sur cette approbation, le Conseil d’État a estimé que " le Cabinet a décidé d’approuver le contenu de la stratégie de redressement du secteur financier, un élément pris en compte dans la décision du Conseil. Cette décision, prise le 20 mai 2022, fait suite à la confiscation par l’État libanais des dépôts des banques auprès de la BDL entre 2010 et 2021, sans en avoir fait la déclaration à l’époque. Par conséquent, la décision contestée ne concerne pas une action future que le gouvernement envisage de prendre, mais elle est une décision rétroactive visant à déclarer et à rétroactivement valider la confiscation des dépôts réalisée par l’État libanais. Cette confiscation a été menée à son terme sans en avoir été nommée à l’époque. En vertu de cette décision, la confiscation des dépôts est considérée comme définitive. "

Le développement crucial qui a eu lieu le 6 février concerne la publication d’un nouvel arrêt par le Conseil d’État. Celui-ci fait suite à une action en justice intentée par l’ABL contre l’État libanais. La décision reconnaît l’acceptation du recours et l’annulation de la décision du Cabinet No. 3 datée du 20 mai 2022, qui a approuvé la stratégie de redressement du secteur financier. Plus précisément, elle concerne l’annulation d’une partie importante des obligations de la BDL en devises étrangères envers les banques, dans le but de réduire le déficit du capital de la BDL et de fermer la position de change ouverte nette de la banque.

Cette approbation du recours consacre les droits de propriété des déposants sur les dettes résultant de leurs dépôts dans les banques, affirmant ainsi leurs droits quant à leurs dépôts, de même que les droits des banques quant à leurs dépôts auprès de la BDL. En outre, elle invalide une partie essentielle de la stratégie du gouvernement de Najib Mikati visant à annuler les obligations de la Banque du Liban envers les banques, ce qui empêche ces dernières de restituer les fonds aux déposants. En outre, selon des sources qui ont suivi de près la décision du Conseil d’État, celle-ci met l’accent sur deux aspects essentiels: premièrement, le caractère sacré des dépôts et, deuxièmement, la volonté du secteur bancaire de restaurer la confiance des déposants dans les banques. En effet, c’est l’Association des banques qui a déposé la requête pour annuler la décision gouvernementale devant le Conseil consultatif d’État.

Dans les prochains jours, tous les regards seront tournés vers les mesures que les banques prendront contre le gouvernement libanais, après que 11 banques ont déposé, le 6 décembre 2023, auprès du ministère des Finances une requête de conciliation, présentée par les avocats Élie Émile Chamoun et Akram Azouri. Cette requête exige que l’État libanais rembourse ses dettes et respecte ses obligations envers la Banque du Liban, afin que cette dernière puisse à son tour honorer ses engagements envers les banques libanaises, leur permettant ainsi de restituer les fonds des déposants. La requête s’appuie sur les budgets de la Banque du Liban ainsi que sur les résultats de l’audit judiciaire réalisé par Alvarez & Marsal et de l’audit comptable effectué par Oliver Wyman, à la demande de l’État libanais.

Cette requête consiste en trois demandes principales. Tout d’abord, l’État est appelé à rembourser sa dette envers la Banque du Liban, estimée à environ 16,617 milliards de dollars. Ensuite, il est réclamé le remboursement par l’État d’environ 51,302 milliards de dollars afin de couvrir les pertes apparentes de la Banque du Liban dans son budget pour l’année 2020, en vertu du Code de la monnaie et du crédit, notamment l’article 113. Enfin, il est requis de couvrir le déficit supplémentaire de la Banque du Liban pour les années 2021 et 2022 en suivant la méthode de calcul utilisée par Alvarez & Marsal pour déterminer les pertes jusqu’en 2020. L’État ayant été notifié le 5 décembre 2023, il convient d’attendre jusqu’au 5 février 2024 pour déposer la plainte devant le Conseil d’État, faute de quoi elle pourrait être irrecevable sur le plan formel. Par conséquent, après le délai de deux mois prévu par le droit administratif, l’attention se tournera vers la stratégie des banques, qui pourrait consister à intenter une action en justice contre l’État libanais pour recouvrer leurs droits, en particulier la reconnaissance légale des responsabilités.

Par conséquent, après le délai de deux mois prévus par le droit administratif, l’accent est mis sur la stratégie de la banque, qui peut consister à poursuivre l’État libanais pour recouvrer ses droits et, surtout, pour obtenir une reconnaissance juridique de la responsabilité de l’État libanais.

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