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Ce 7 avril 2024 marque le deuxième anniversaire de la signature de l’accord préliminaire entre le gouvernement libanais et les experts du FMI au palais présidentiel, en présence de l’ancien président de la République, Michel Aoun, qui a parrainé cet accord en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution. En effet, selon cette loi fondamentale, le président de la République négocie et conclut les traités internationaux en concertation avec le Premier ministre. Cependant, leur entrée en vigueur requiert l’approbation du Conseil des ministres.

Pour rappel, ce jour-là, le Premier ministre Najib Mikati avait annoncé, à sa sortie de Baabda qu’un accord avait été conclu entre le gouvernement libanais et le Fonds monétaire international (FMI), autour des politiques économiques. Cet accord visait à faciliter l’octroi d’un financement de quatre ans du Fonds avec la possibilité pour le Liban de recevoir 3 milliards de dollars. Dans le cadre de cet accord, les autorités libanaises, soutenues par les experts du FMI, ont élaboré un plan de réformes économiques complet qui vise à relancer l’économie, à restaurer la viabilité budgétaire, à renforcer la gouvernance et la transparence, à lever les obstacles à la stimulation de l’emploi, à augmenter les dépenses sociales et à favoriser la reconstruction.

La principale condition de l’accord implique l’accès à un financement très avantageux de la part des bailleurs de fonds, en échange de réformes indispensables visant à restaurer la croissance et la viabilité financière, à renforcer la gouvernance et la transparence, et à augmenter les dépenses sociales et de reconstruction. De plus, cet accord prévoit une restructuration de la dette extérieure publique, qui nécessitera une participation adéquate des créanciers pour rétablir la capacité de remboursement de la dette et combler les lacunes de financement.

De son côté, le vice-président du Conseil des ministres, Saadé Chami, avait annoncé des progrès dans les négociations avec le Fonds monétaire international après avoir conclu un accord préliminaire avec la délégation d’experts. Le dossier a ensuite été transféré en vue de l’élaboration d’un accord final et définitif. Le délai entre l’approbation des experts et celle de la direction du FMI et de son conseil d’administration ne devrait pas excéder quatre mois au maximum, mais pourrait être finalisée dans un délai d’un mois.

Mais voilà que le Liban commémore aujourd’hui le deuxième anniversaire de la signature d’un accord au niveau des experts, sans qu’un accord final ne soit en vue, en raison de l’échec des autorités libanaises, en particulier du gouvernement dirigé par Najib Mikati, à respecter les engagements pris lors de la signature de l’accord. À l’époque, M. Mikati avait qualifié les réformes incluses dans l’accord préliminaire avec le FMI de "visa" pour que les bailleurs de fonds aident son pays embourbé dans une crise économique sans précédent. Il avait souligné la nécessité de mettre en place des réformes efficaces pour relancer l’économie, s’engageant à résoudre la crise et à mettre le Liban sur la voie d’une croissance durable, équilibrée et inclusive grâce à des réformes structurelles qui renforcent le cadre institutionnel, s’attaquent aux principaux déséquilibres économiques et financiers, élargissent le filet de sécurité sociale pour atténuer l’impact de la crise sur les Libanais, en particulier les plus vulnérables, et stimulent l’investissement dans les infrastructures et la reconstruction.

Cependant, le gouvernement dirigé par M. Mikati, avec l’aval du Fonds monétaire international, a proposé un plan de réforme axé principalement sur l’effacement des dettes de la Banque du Liban envers les banques commerciales, notamment l’argent des déposants que les banques avaient à leur tour déposé auprès de la Banque du Liban. Cette question des droits des déposants est ainsi devenue l’une des principales raisons ayant entravé la signature de l’accord final avec le Fonds monétaire international, malgré l’insistance de ce dernier pendant de nombreux mois sur cette approche comme solution, comme l’a souligné à maintes reprises le président du comité de négociation avec le FMI, le vice-président du Conseil des ministres, Saadé Chami.

La stratégie adoptée par le gouvernement dans son plan de sortie de crise suscite des divergences importantes tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, en particulier en ce qui concerne le traitement des dépôts. Néanmoins, la convergence entre les positions de la délégation libanaise chargée des négociations et celle du Fonds monétaire international sur la question de l’approbation de l’annulation des dépôts des déposants est devenue évidente. Toutefois, le Conseil d’État a asséné le coup de grâce à la stratégie du vice-président du Conseil des ministres, Saadé Chami, révoquant ainsi la décision du Conseil des ministres prise en mai 2022, pour approuver la stratégie de redressement du secteur financier, notamment en annulant une grande partie des engagements de la Banque du Liban en devises envers les banques pour réduire le déficit en capital de la Banque centrale.

Pour enfoncer le clou, le plan de Saadé Chami prévoyait l’annulation d’une part importante, soit environ 60 milliards de dollars, des engagements de la Banque du Liban en devises envers les banques commerciales. De plus, la stratégie prévoyait une recapitalisation partielle de la Banque du Liban à hauteur de 2,5 milliards de dollars sous forme d’obligations. Quant aux pertes en capital restantes, elles seraient progressivement annulées sur une période de 5 ans.

En ce qui concerne les recommandations du Fonds monétaire international, ce dernier insiste sur la nécessité d’assainir le secteur financier et de poser les fondamentaux nécessaires à sa pérennité afin que le Liban puisse dissiper l’incertitude actuelle et créer les conditions propices à une croissance économique solide. Les besoins de recapitalisation totale du système bancaire sont considérables et les pertes doivent être reconnues dès le départ et réparties équitablement, tout en protégeant les petits déposants. Le FMI souligne également que l’ajustement comptable gouvernemental est nécessaire pour libérer la Banque du Liban du lourd déficit de son bilan, responsable de l’énorme déficit par rapport aux actifs disponibles.

Deux ans se sont déjà écoulés depuis la signature de l’accord avec le Fonds monétaire international, sans qu’aucune avancée significative n’ait été enregistrée. À titre d’exemple, le gouvernement libanais n’a pas encore osé entamer les négociations avec les détenteurs d’obligations, une étape qui aurait dû être franchie en mars 2020 lorsque le gouvernement dirigé par Hassan Diab avait pris la décision catastrophique de suspendre le remboursement des euro-obligations, annonçant ainsi le défaut du Liban sur sa dette. Toutefois, il ne fait aucun doute que certains progrès ont été réalisés concernant quelques-unes des conditions, comme la réalisation d’un audit des actifs externes de la Banque du Liban, ainsi que la présentation par le gouvernement d’un plan visant à remédier à la situation des banques, qui constitue une autre crise majeure.

Le projet de loi visant à traiter les dépôts prévoit d’éliminer 80% des dépôts en convertissant une partie d’entre eux du dollar vers la livre libanaise, ou en les transformant en actions dans les banques, ou en les convertissant en obligations à 0% d’intérêt sur 30 ans.

En d’autres termes, sur les 91 milliards de dollars de dépôts en devises étrangères, entre 16 et 20 milliards de dollars, soit environ 20% d’entre eux, seraient récupérés sur une période de 15 ans. Lorsqu’une partie des dépôts en dollars est convertie en livres libanaises, leur équivalent est effacé du bilan de la Banque du Liban. De même, chaque fois qu’une partie de ces dépôts en dollars est convertie en actions dans les banques, leur valeur correspondante est également effacée du bilan de la Banque du Liban. Cela démontre la persistance de l’idée de se débarrasser des dépôts. Cependant, selon des sources suivant de près les négociations avec le Fonds monétaire international, les experts du FMI ont décidé de changer de cap et d’abandonner cette approche après avoir pris conscience qu’éliminer les dépôts était irréalisable et compromettait ce qui reste du secteur bancaire.

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