La réputation du renseignement israélien a été entachée par l’attaque du Hamas le 7 octobre en Israël, mais le Mossad semble avoir redoré son blason avec les vagues d’explosions meurtrières d’appareils de transmission au Liban, selon des experts.

Les autorités israéliennes n’ont pas commenté les attaques inédites de mardi et mercredi qui ont transformé en explosifs des bipeurs et des talkies-walkies utilisés par des membres du Hezbollah, faisant 38 morts et environ 4.000 blessés à travers le Liban.

Le mouvement islamiste Hezbollah, soutenu par l’Iran et allié du Hamas palestinien, échange des tirs transfrontaliers quasi quotidiennement avec l’armée israélienne depuis le début de la guerre le 7 octobre entre Israël et le Hamas dans la bande Gaza. Il a rejeté sur Israël la responsabilité des explosions d’appareils de transmission au Liban.

Des analystes et certains médias israéliens affirment eux que les explosions  semblent être l’œuvre du Mossad (renseignement extérieur israélien), célèbre pour des exploits tels que l’opération "Colère de Dieu", qui avait pour objectif d’éliminer les responsables du groupe palestinien Septembre Noir, dont un commando avait tué onze athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich en 1972.

"L’opération ‘bipeurs’ a été une nouvelle démonstration stupéfiante des prouesses des services de renseignements israéliens", a déclaré John Hannah, de l’Institut juif pour la sécurité des États-Unis.

Le Mossad a démontré "de manière répétée sa capacité non seulement à pénétrer en profondeur les réseaux les plus sensibles de ses pires adversaires, mais aussi à exécuter des opérations d’une précision et d’une létalité exquises chaque fois qu’il le souhaite", a-t-il ajouté.

"Surpris"

Les explosions de mardi et mercredi sont survenues moins de deux mois après une frappe aérienne israélienne qui a coûté la vie à l’ex-chef militaire du Hezbollah, Fouad Chokr, fin juillet près de Beyrouth, une opération qui nécessitait des informations précises sur l’endroit où il se trouvait.

Le lendemain, l’Iran a annoncé la mort du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyé, à Téhéran, qui aurait été tué par l’explosion d’un engin dissimulé quelques semaines auparavant. Pointé du doigt, Israël n’a pas non plus commenté cette attaque.

Alors que la guerre dans la bande de Gaza déclenchée par l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre se poursuit, ces récentes éliminations de dirigeants montrent comment Israël s’est appuyé sur le Mossad pour accomplir des exploits de premier plan, selon des experts.

Même si d’autres services de renseignements israéliens sont plus directement responsables des territoires palestiniens, "il est assez clair que le Mossad a été tout aussi surpris que les autres" par l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre, souligne M. Hannah.

Le Mossad a été créé en 1949, mais c’est la prise d’otages d’athlètes israéliens tués par Septembre Noir lors des JO de Munich en 1972 qui a donné naissance à son mode opératoire: déployer des agents secrets à l’étranger pour éliminer les ennemis d’Israël.

Dans les mois qui ont suivi, les chefs de Septembre Noir et leurs alliés de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ont commencé à être éliminés dans des circonstances mystérieuses en Italie, en France et à Chypre.

Cependant, le bilan du Mossad n’est pas sans faille.

En 1973, des agents mandatés par Israël ont tué par erreur un serveur marocain, Ahmed Bouchikhi, pensant qu’il s’agissait d’Ali Hassan Salameh, chef des opérations de Septembre Noir.

En 1997, des agents israéliens ont tenté en vain d’empoisonner l’ancien chef du Hamas, Khaled Mechal, lors d’une tentative d’assassinat à Amman.

Avertissement

Pour Barak Gonen, maître de conférences au Jerusalem College of Technology, les explosions de bipeurs et de talkies-walkies cette semaine représentent une innovation technologique importante.

La Chine a déjà "attaqué des entreprises américaines en introduisant un nouveau dispositif de la taille d’un grain de riz dans les circuits imprimés des PC qu’elles utilisaient", a-t-il expliqué.

"On peut considérer cette opération (des bipeurs, ndlr) comme une extension de l’opération chinoise, où la charge utile ne se limitait pas à la commande et au contrôle, mais comprenait également un détonateur", a ajouté M. Gonen.

Des responsables du Hezbollah ont insisté sur le fait qu’ils ne cherchaient pas la guerre, mais ils ont juré de se venger de l’attaque, faisant craindre à nouveau un embrasement régional.

Aux yeux d’Eyal Pinko, du Centre d’études stratégiques Begin-Sadat, cette opération était un avertissement au Hezbollah "pour qu’il n’aille pas plus loin".

D’après Yossi Melman, commentateur du renseignement pour le quotidien israélien de gauche Haaretz, "l’opération n’avait pas d’objectif stratégique".

L’explosion des bipeurs "aurait été complétée par des frappes aériennes massives et même par une invasion terrestre" dans le cas d’une guerre "à grande échelle", a-t-il ajouté, mais "je ne pense pas qu’elle ait un objectif stratégique".

Robbie Corey-Boulet, avec AFP