Syriens, Tchétchènes ou autres. Samedi dernier, l’agence d’information russe RIA, héritière de la machine à propagande soviétique du même nom, a même mentionné que des " volontaires " libanais voulaient joindre l’armée russe pour combattre en Ukraine…  Mais pourquoi donc la machine militaire russe héritière de l’Armée rouge, jadis première armée du monde en effectifs et en puissance de feu, a-t-elle besoin de supplétifs irréguliers en provenance de pays n’ayant aucune supériorité technologique?

La réponse se trouve dans les pages d’histoire qui abondent en exemples d’armées régulières battues par une poignée de résistants largement inférieurs en nombre, en équipements et en armes. Les archers parthes contre les légions romaines, les Vietcongs contre les GI’s, les talibans contre les Américains également, les Moudjahidines afghans contre l’URSS et, surtout, les partisans communistes contre les nazis durant la Seconde Guerre mondiale!

Vladimir Poutine pensait prendre le pouvoir à Kiev en quelque jours suite à une campagne éclair. Le voilà enlisé dans le bourbier ukrainien. L’armée russe n’a pas pu investir les grandes villes d’Ukraine, bloquée par une résistance farouche et imprévue. L’armée russe et toute armée régulière, aussi puissante soit-elle, n’est pas adaptée aux combats de rue, à la tactique de la guérilla urbaine où l’ennemi maîtrise le terrain et manœuvre aisément au milieu des chars comme une souris qui taquine l’éléphant. Poutine pourrait à la rigueur adopter la tactique de la terre brûlée en rasant une ville suite à un déluge de bombes.

Des experts militaires ont même évoqué dans la presse l’usage par l’armée russe de bombes nucléaires dites " tactiques ", c’est-à-dire de puissance réduite, pouvant détruire une ville sans provoquer un cataclysme atomique majeur.

Les nazis ont effectivement rasé des villes comme Varsovie ou Guernica. Assad a, toutes proportions gardées, rasé une bonne partie de la ville de Hama. Mais là, la conjoncture n’est pas la même. Poutine osera-t-il commettre un tel massacre en 2022 au vu et au su de tous? A l’heure d’Internet et des reportages en direct?

Reste une option: s’engouffrer dans la guerre urbaine. Chose impossible pour les soldats réguliers, surtout s’il s’agit de réservistes peu habitués au combat au corps à corps. D’où la nécessité d’avoir recours à des mercenaires étrangers pour effectuer cette, souvent sale, besogne.

 

 

En faisant appel à des supplétifs syriens et tchétchènes, Moscou compte étoffer les rangs de son armée en Ukraine et l’aider à s’emparer des centres urbains.

Près de trois semaines après le début de l’invasion russe en Ukraine, la totalité des 150.000 soldats auparavant massés aux frontières sont désormais déployés dans le pays. Selon l’état-major français, " les Russes n’ont plus de réserves dans la zone ".  Or " sans renfort matériel et humain massif, la Russie ne capturera pas l’Ukraine " après avoir " raté son entrée en guerre " en échouant à remporter rapidement des victoires décisives et en se heurtant à une résistance ukrainienne plus solide qu’escompté, fait valoir Mathieu Boulègue, spécialiste de la Russie au centre de réflexion britannique Chatham House.  Dans ce contexte, la Russie a affirmé vendredi dernier que 16.000 volontaires syriens étaient prêts à rejoindre le front ukrainien, un scénario approuvé par le président Vladimir Poutine, qui a apporté un soutien militaire considérable au régime syrien depuis l’automne 2015, sauvant de facto le pouvoir de Bachar al-Assad.  Si ces renforts étrangers se concrétisaient sur le terrain, ils permettraient en outre à Moscou de rompre son isolement sur la scène diplomatique.  La Russie embauche des " assassins syriens " pour " détruire " l’Ukraine, a dénoncé le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
La Libye et le Karabakh

Ce n’est pas la première fois que des miliciens syriens sont mobilisés sur des théâtres étrangers: des Syriens ont été déployés par la Russie et la Turquie en Libye, et par la Turquie dans la région du Nagorny-Karabakh.  Selon des témoignages de volontaires syriens recueillis sous couvert d’anonymat par l’ONG Syrians for truth and Justice (STJ), Moscou a demandé aux services syriens d’engager une campagne de recrutement dans les provinces sous contrôle du régime auprès d’hommes ayant une expérience du combat urbain.

L’armée russe " n’exclut pas la possibilité de prendre le contrôle total des grandes villes qui sont déjà encerclées ", a prévenu lundi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, alors que plusieurs villes ukrainiennes subissent des bombardements russes intensifs, pendant que les combats font rage aux abords de la capitale Kiev que les troupes russes cherchent à encercler.  Or la prise d’une ville est généralement sanglante, destructrice et les combats à très courte distance, au milieu d’un champ de ruines, d’une grande brutalité.  En 2016, la ville syrienne d’Alep aux mains des rebelles avait été le théâtre d’une offensive et un siège impitoyables par l’armée syrienne, aidée de l’aviation russe.

Pour qu’un rapport de force soit favorable en milieu urbain, il doit être d’environ dix à un, selon une source militaire française, car l’avantage y est toujours au défenseur, qui, disposant d’une meilleure connaissance du terrain, peut rapidement se déplacer d’un point à un autre et jouit du contrôle des points hauts comme les immeubles.  Vladimir Poutine " a besoin d’effectifs, plus que ce qu’il pensait. Et besoin de forces irrégulières puisque cette guerre devient insurrectionnelle ", avec une armée et une population ukrainiennes très mobilisées face à l’agresseur russe, commente une source sécuritaire occidentale.

Outre l’appel à des supplétifs syriens, Moscou s’est déjà adjoint l’aide de troupes tchétchènes en Ukraine.  Le dirigeant de la république russe de Tchétchénie Ramzan Kadyrov, un protégé du président Vladimir Poutine, a assuré lundi se trouver non loin de Kiev, aux côtés des forces de Moscou.  M. Kadyrov, dénoncé par les ONG internationales pour les graves violations des droits humains qui ont lieu dans sa république du Caucase, a publié sur Telegram une vidéo le montrant en tenue militaire, en train d’étudier des plans autour d’une table avec des soldats dans une salle.  Les forces sous contrôle de M. Kadyrov sont accusées de nombreuses exactions en Tchétchénie.

Avec AFP