L’Onu et le PAM, la Banque mondiale et le FMI ont tiré la sonnette d’alarme lundi. La guerre en Ukraine porte en elle les germes d' "un ouragan de famines et un effondrement du système alimentaire mondial ", selon les termes utilisés par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Historiquement considérée comme le " grenier de l’Europe ", l’Ukraine assure avec la Russie le tiers du commerce mondiale du blé, denrée essentielle pour bon nombre de pays en développement comme l’Égypte, le Yémen ou l’Éthiopie, qui comptent sur les importations pour assurer leur sécurité alimentaire. Le FMI va plus loin en prévenant que " la guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique ". Sauf si le conflit sera de courte durée. Sinon, il faudra mobiliser d’autres ressources et miser sur d’autres fournisseurs pour éviter une catastrophe alimentaire.

Cette statue d’une frêle petite fille se dresse au mémorial de l’Holodomor à Kiev. Elle représente les millions de morts, victimes de la grande famine de 1932-33 lorsque Staline a appliqué la collectivisation de l’agriculture en réquisitionnant les céréales. Pour beaucoup, la famine de l’Holodomor est considérée comme un génocide car elle a été provoquée par le dirigeant soviétique dans le but de punir les velléités d’indépendance des Ukrainiens au lendemain de la Première GM. (AFP)

 

Des fillettes ukrainiennes de Lviv portent des épillets de blé et portant les habits traditionnels lors des festivités de Noël (AFP)
Le gouvernement ukrainien reste fonctionnel, le système bancaire stable et la dette viable à court terme, mais la guerre provoquée par la Russie plonge l’Ukraine dans une récession sans précédent. Le conflit met aussi en péril la sécurité alimentaire mondiale, alerte lundi le FMI.

" A minima ", le PIB ukrainien va se contracter d’environ 10% en 2022 en prenant l’hypothèse d’une " résolution rapide " du conflit et grâce à l’aide internationale " substantielle ", selon une première estimation du Fonds monétaire international, qui fait état d’une " énorme " incertitude entourant ces projections.  Si le conflit s’enlisait, sur la base de l’historique des guerres au Liban, en Irak, en Syrie ou au Yémen, il pourrait plonger de 25% à 35%.  L’an passé, la croissance ukrainienne s’était pourtant élevée à 3,2%, portée par la demande domestique et les exportations.

Mais depuis l’invasion du pays par l’armée russe le 24 février, " l’économie ukrainienne a radicalement changé ", a souligné Vladyslav Rashkovan, le directeur exécutif du FMI représentant l’Ukraine dans une déclaration au FMI datée du 9 mars et publiée lundi.  " Au 6 mars, 202 écoles, 34 hôpitaux, plus de 1.500 habitations dont des immeubles, des dizaines de kilomètres de routes et d’innombrables infrastructures critiques dans plusieurs villes ukrainiennes ont été entièrement ou partiellement détruits par les troupes russes ", décrit-il sur la base des informations communiquées par le gouvernement ukrainien.  Les aéroports et les ports maritimes ont été fermé en raison de " destructions massives ".  Et depuis, bien d’autres dégâts sont à déplorer.  Le 10 mars, le conseiller économique du président ukrainien avait donné une première estimation des dégâts: 100 milliards de dollars.

Malgré les dommages importants, le gouvernement et le pays ont jusqu’alors continué à fonctionner.  " Les banques sont ouvertes, fonctionnant même le week-end ", notait ainsi le 9 mars Vladyslav Rashkovan.  A court terme, la viabilité de la dette " ne semble pas menacée ", estime par ailleurs le Fonds.  " Les données préliminaires ont montré qu’au 1er mars 2022, les réserves internationales de l’Ukraine s’élevaient à 27,5 milliards de dollars, couvrant 3,8 mois d’importations actuelles, un montant suffisant pour que l’Ukraine respecte ses engagements ", a détaillé M. Rashkovan.

Le FMI s’inquiète aussi des retombées dans le monde entier. Les prix de l’énergie, des matières premières et agricoles, ont déjà flambé.  Pour une denrée comme le blé, les effets pourraient être encore plus dramatiques: " les perturbations de la saison agricole de printemps pourraient freiner les exportations, ainsi que la croissance et mettre en péril la sécurité alimentaire " mondiale, notent les auteurs du rapport.  L’Ukraine, " grenier de l’Europe ", et la Russie, font partie des plus grands exportateurs de blé au monde. A elles deux, elles détiennent environ un tiers du commerce mondial.  La majeure partie du blé ukrainien est exporté en été et en automne. Plus la guerre dure, plus les exportations vont être compromises, avec un impact pour les réserves actuelles et futures.  Ces perturbations " ont des effets immédiats pour des pays comme l’Égypte, qui dépendent fortement des importations de céréales en provenance de Russie et d’Ukraine ", a souligné le Programme alimentaire mondial (PAM) dans un rapport publié vendredi.  Au-delà, les pays " dépendant plus largement des importations de céréales sont en première ligne ", car les prix alimentaires y grimpent, conséquence de la hausse des prix sur les marchés mondiaux des céréales, ajoute l’organisme d’aide alimentaire des Nations Unies.  L’impact va être fort en Afghanistan, Éthiopie, Syrie, au Yémen, des pays dépendants du blé, prévient-il.  " La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique ", a déploré Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, sur CBS News dimanche.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a aussi alerté lundi sur les risques d' "un ouragan de famines et un effondrement du système alimentaire mondial ".  Le président de la Banque Mondiale David Malpass a exhorté les consommateurs à éviter de stocker farine et essence. Il a estimé, dans une interview vidéo au Washington Post lundi, que les économies avancées comme les États-Unis et le Canada avaient " de quoi potentiellement augmenter de façon importante " l’offre pour " atténuer cette chute " de la production.  La Banque mondiale a annoncé lundi une aide de 200 millions de dollars pour l’Ukraine, s’ajoutant aux 723 millions déjà approuvés.  Le conflit compromet " la capacité des personnes vulnérables en Ukraine à répondre à leurs besoins fondamentaux ", a précisé David Malpass dans un communiqué. " Ce soutien rapide aidera à combler ces lacunes (…) alors que nous travaillons sur un soutien plus large pour l’Ukraine et la région. "  Il a fait état d' "un ensemble concret de projets qui totalisent 3 milliards de dollars ", et pourraient être prêts dans les " six à huit prochaines semaines ".

Avec AFP

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