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La proposition de décentralisation, portée par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, n’est pas chose nouvelle. Elle est prévue dans l’accord de Taëf, mais n’a pas été mise en œuvre depuis 1989, sans raison évidente.  Toutefois, on peut supposer que les obstacles sont politiques et financiers.

Ce que Gebran Bassil propose repose sur un troc : la présidentielle contre la décentralisation. Il propose de céder la présidence de la République au Hezbollah en échange d’un accord sur la décentralisation, qui sera principalement accordée aux chrétiens, leur offrant ainsi ce qu’ils recherchaient pendant la guerre: la création d’une entité quasi autonome.

Il serait utile de rappeler que c’est le fondateur du CPL, Michel Aoun, qui avait principalement anéanti ces aspirations en détruisant la région Est de Beyrouth (les quartiers à dominante chrétienne) lors des guerres dites de libération et d’élimination, à l’époque où il présidait le gouvernement de transition, à la fin du mandat du président Amine Gemayel. Il avait surtout anéanti, du fait de ses équipées, les atouts que les chrétiens détenaient en main.

Dans ce contexte, le chef du CPL est confronté à plusieurs questions concernant l’échange qu’il envisage de faire au sujet de la décentralisation. D’abord, quelle forme de décentralisation propose-t-il? L’échange aura-t-il lieu une fois la loi sur la décentralisation adoptée ou pendant son examen au Parlement?

De plus, Bassil doit se demander s’il est en mesure de garantir que le débat sur le projet de loi ne sera pas entravé une fois qu’il aura contribué à l’élection du chef des Marada, Sleiman Frangié, à la présidence de la République. Comment peut-il se méfier d’un parti avec lequel il s’était allié alors qu’il ne veut pas édifier un Etat et combattre la corruption et lui faire confiance pour l’adoption de la décentralisation ?

Ne devrait-il pas envisager que la réponse de ce parti pourrait résider dans le déclenchement du processus de suppression du confessionnalisme politique, stipulé dans l’accord de Taëf ? La parité islamo-chrétienne, prévue par la Constitution, est conditionnée et n’est pas supposée être maintenue au Parlement mais se limiter au Sénat, qui reste à créer. Ce qui soulève la question de savoir qui assurera sa création? Ensuite, comment seront répartis les postes présidentiels et ministériels au sein de l’État central, étant donné qu’il n’existe aucune disposition constitutionnelle en ce sens?

Toutes ces questions suscitent des inquiétudes, notamment chez les chrétiens, car la proposition d’échange dans ce contexte politique ne tient pas. Et pour cause : certaines parties détiennent le pouvoir de décision politique, sécuritaire, militaire et économique du pays. Il est important de savoir que l’échange ne devrait pas être entre la décentralisation d’une part et la présidence de la République d’autre part. Et, en principe, il ne devrait y avoir aucun échange, mais plutôt une demande visant à libérer l’État de ceux qui hypothèquent tout pouvoir de décision. C’est à ce moment-là uniquement que l’on pourra parler de décentralisation, ou peut-être même aller plus loin encore sans craindre le renversement du statu quo et le soulèvement des armes.