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Le régime des mollahs iraniens a certes réussi à frapper un grand coup. En lançant le Hamas contre le territoire israélien limitrophe de la bande de Gaza, il a créé une nouvelle donne dans l’espoir d’inverser, ou tout au moins de faire vaciller, la dynamique de normalisation avec Israël enclenchée par les Accords d’Abraham et dont l’apogée devait être l’officialisation d’une entente entre l’État hébreu et l’Arabie saoudite. Maintenant que Téhéran a déployé avantageusement une pièce maîtresse sur l’échiquier régional, quelle pourrait être la prochaine étape? "What’s next" ?, comme diraient les anglo-saxons…

Les développements des prochains jours devraient apporter quelques éléments de réponses sur ce plan, mais d’ores et déjà, les bribes de déclarations émanant de dirigeants et hauts responsables israéliens et américains laissent entrevoir quelques indices. Il serait notamment question d’une opération terrestre d’envergure à l’intérieur de Gaza, l’objectif étant de détruire les infrastructures des organisations fondamentalistes palestiniennes et de briser les reins au Hamas.

Les experts militaires expliquent à cet égard qu’effectivement, de tels objectifs ne peuvent être atteints qu’en occupant le terrain, ne fût-ce que temporairement, pour réduire à sa plus simple expression, à défaut d’éliminer, la partie adverse. Sauf qu’une vaste opération terrestre à Gaza est non seulement à très haut risque, mais elle laisse surtout planer de sérieux doutes quant à ses véritables chances de succès. Comme son nom l’indique, la bande de Gaza est un territoire rectangulaire, exigu et étroit d’à peine 360 km², peuplé de près de 2 millions d’habitants. Constituée essentiellement de dédales bordés de constructions très proches l’une de l’autre, cette bande est connue pour avoir l’une des densités de population les plus élevées au monde, soit un peu plus de 5900 habitants par kilomètre carré. A l’ombre de telles conditions sur le terrain, la question est de savoir si après l’attaque meurtrière du 7 octobre, Israël pourrait assumer les pertes en vies humaines que nécessiterait une action terrestre visant à éradiquer le mouvement Hamas, ou tout au moins son infrastructure et son appareil militaires. Si une telle opération chirurgicale n’est pas couronnée d’un succès total, le Hamas ne manquerait pas de crier victoire et d’en tirer les dividendes à plus d’un niveau, avec tout ce que cela entrainerait comme impact catastrophique sur Israël.

Dans un tel contexte explosif qui ouvre la voie à toutes les éventualités, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a affirmé devant une délégation de notables locaux que son gouvernement s’apprêtait à "changer le Moyen-Orient". Au cours d’un point de presse, il devait ajouter dans la soirée de lundi que " l’action que nous allons entreprendre dans les prochains jours aura un écho que ressentiront les prochaines générations". Des propos qui indiquent de manière à peine voilée que l’État hébreu pourrait bien se lancer dans une guerre globale à l’échelle de la région, à commencer par le Liban.

Ces déclarations de M. Netanyahu, si tant est qu’elles reflètent réellement les véritables intentions de Tel-Aviv pour la prochaine étape, signifieraient que si une guerre totale est déclenchée, elle le sera par Israël plutôt que par l’Iran, via le Hezbollah. Quel intérêt aurait en effet la République islamique, et a fortiori le parti chiite, d’ouvrir un second front au Liban-Sud, alors que l’objectif macro-politique, stratégique et psychologique recherché par Téhéran, au stade actuel, a été largement atteint par l’attaque du 7 octobre? Israël, par contre, pourrait saisir la balle au vol pour entreprendre, même au prix fort, d’éliminer définitivement l’épée de Damoclès que constituent les factions pro-iraniennes qui entretiennent des foyers de tension chronique dans la région.

Si ce dernier cas de figure se confirme dans les faits, l’offensive du Hamas aura offert à Tel-Aviv l’occasion de tenter d’établir un nouvel ordre au Moyen-Orient, comme l’a insinué Benjamin Netanyahu. Comble du paradoxe… Une grande question se pose à cet égard depuis ce samedi 7 octobre: est-il véritablement possible que les gros préparatifs ainsi que les immenses moyens humains, matériels, militaires et logistiques, qu’a nécessité l’attaque lancée par le Hamas, soient passés totalement inaperçus dans une bande territoriale aussi exiguë que Gaza?

Le quotidien Haaretz rapportait lundi des propos d’une source des Renseignements égyptiens qui affirme que ses Services avaient informé les autorités israéliennes que "quelque chose de grand et d’imminent" pointait à l’horizon; mais cette mise en garde n’a pas été prise en considération. Dans le jeu des nations, rien n’est vraiment toujours blanc et noir. Et souvent la Raison d’État a des raisons que la raison ne connaît pas…

  

 

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