Écoutez l’article

Prolongera…? Prolongera pas…? À la veille du quatrième et dernier jour de la trêve de Gaza entrée en vigueur vendredi, 24 novembre, les tractations allaient bon train dimanche dans plus d’une capitale afin d’arracher une prolongation de la suspension des combats entre l’armée israélienne et le Hamas.

L’impact sur le Liban de la décision qui sera prise sur ce plan n’échappe à personne. Quel que soit l’aboutissement des pourparlers, le pays est confronté aujourd’hui à une situation critique née de la nouvelle donne introduite par le Hezbollah au Sud après le 7 octobre, à savoir: la marginalisation du rôle de la Finul et de l’armée libanaise dans la zone méridionale; le déploiement massif de la milice du Hezbollah, avec armes et bagages, le long de la frontière avec Israël et dans les villages voisins; la liberté de mouvement et d’action militaire affichée ouvertement par le Hamas et le Jihad islamique; et, comme conséquence évidente, l’implication du Liban dans une guerre d’usure sans but précis, en dehors de la Raison d’État iranienne!

Premier cas de figure

D’une manière concrète, dans le cas de figure d’une prolongation de la trêve ou de l’instauration d’un cessez-le-feu durable à Gaza, le Sud fera face à l’un ou l’autre des deux scénarii suivants: (i) un retour à la situation antérieure au 7 octobre, ce qui impliquerait l’élimination de la présence milicienne armée visible du Hezbollah, lequel pourrait chercher, auquel cas, à monnayer politiquement la mise au pas de ses alliés présents sur le terrain, le Hamas et le Jihad islamique; (ii) le maintien des positions et des fortifications visibles de la milice du Hezbollah à la frontière, ce qui signifierait que le parti pro-iranien aura réalisé l’objectif qu’il cherche à atteindre depuis plus d’un an, à savoir le torpillage de la résolution 1701 du Conseil de Sécurité par le biais de la mise à l’écart des Casques bleus et des forces régulières de manière à s’approprier un "hezbollah-land" qu’il contrôlerait alors en maitre absolu.

Un tel scénario nous placerait dans une situation quelque peu similaire à celle qui prévalait dans les années 1970 à l’époque du "Fateh-land" que l’OLP avait imposé à l’État à partir de 1969, date de la signature du funeste Accord du Caire qui octroyait aux organisations palestiniennes armées une liberté de mouvement dans une partie du Liban-Sud.

Le second cas de figure  

L’éventualité d’une relance des opérations militaires à grande échelle au terme de la trêve (qu’elle soit prolongée ou pas) n’est nullement à écarter. Ce second cas de figure nous amène à poser la question de savoir si le Hezbollah, ou plutôt l’Iran, se lancera dans une guerre totale au Sud ou s’il se contentera, au contraire, des escarmouches et des échanges contrôlés de roquettes, avec des recrudescences sporadiques des tirs ou des baisses de tension, suivant l’humeur du moment.   

A priori, le camp iranien n’a pas intérêt à se lancer dans une guerre totale au Liban-Sud du fait qu’en commanditant l’attaque du 7 octobre, le régime iranien a atteint son double objectif politique: stopper la normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël; et dans le même temps se repositionner en tant qu’acteur incontournable sur la scène politique régionale, afin de ne pas être tenu à l’écart de la dynamique de paix qui se développait à grands pas. La République islamique ayant atteint, pour l’heure, ces deux objectifs, elle n’aurait aucun intérêt à affaiblir le Hezbollah en l’entrainant dans une guerre totale.  

En cas d’une relance des grandes opérations militaires à Gaza, le scénario idéal au Sud pour Téhéran et son allié local serait le maintien des escarmouches "contrôlées", lesquelles permettraient au parti pro-iranien de renforcer son emprise sur la région méridionale et de redorer son blason en tant que "mouvement de résistance". Mais ce serait sans compter la réaction d’Israël qui verrait sans doute d’un très mauvais œil l’émergence à sa frontière Nord d’un "troisième Gaza", avec celui qui semble se forger, jour après jour, en Cisjordanie.