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Le général François Hage a été tué trois mois après avoir conduit l’armée vers une victoire éclatante dans sa bataille contre des terroristes islamistes à Nahr el-Bared, en 2007.

En 2007, dans le camp palestinien de Nahr el-Bared, cent-cinq jours de combats, menés sous le commandement du général François Hage contre l’organisation terroriste Fateh el-Islam, ont été conclus par une victoire, celle de l’armée libanaise. Nahr el-Bared était pourtant considéré par le Hezbollah, comme "une ligne rouge", en dépit de la menace que Fateh el-Islam faisait peser sur la sécurité du pays, voire de la région.

Ce groupe terroriste s’était progressivement développé à Tripoli, sous le leadership de Chaker el-Absi. Cet islamiste avait été emprisonné trois ans durant par le régime syrien de Bachar el-Assad pour trafic d’armes et libéré en février 2005, alors que l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, venait d’être assassiné.

Quelques mois après le départ forcé des troupes syriennes du pays, Damas devait l’expulser vers le Liban. Chaker el-Absi s’est alors installé à Tripoli en automne 2006 où il a fondé Fateh el-Islam. Etait-ce sous l’impulsion de la Syrie? Certains le croient.

Absi n’a pas tardé à prendre le contrôle du camp proche de Nahr el-Bared, à partir duquel il aurait envisagé de mettre en œuvre le projet de création d’un émirat ou d’un État islamique. Son groupe multipliait les actes terroristes, ciblant, entre autres, des militaires. Vingt-sept soldats ont été tués lors d’embuscades et d’accrochages avec des éléments armés de Fateh el-Islam. Pour l’armée, il était temps d’en finir avec la menace que représentait ce groupe. C’était le 20 mai 2007.

En dépit de tentatives menées pour empêcher la Troupe d’aller jusqu’au bout de son opération contre Fateh el-Islam, l’institution militaire a réussi, sous la direction de François Hage, à mettre en avant l’image d’un pays – le Liban – qui a été le premier à avoir étouffé dans l’œuf le projet du groupe État islamique (EI) dans la région.

À cette époque, le Liban était secoué par une série d’attentats, consécutifs à l’assassinat de Rafic Hariri et ciblant des figures libanaises de l’opposition, dont Gebran Tuéni, le 12 décembre 2005.

Deux ans plus tard, jour pour jour, le général François Hage, alors âgé de 54 ans, a été tué dans un attentat – le neuvième depuis le 14 février 2005 – à la voiture piégée. Il venait de quitter sa maison à Baabda, en début de matinée, pour se rendre à son bureau au ministère de la Défense, en banlieue de Beyrouth, lorsqu’une puissante charge explosive placée sur la route de Baabda a explosé, faisant deux autres morts et huit blessés.

Le héros de la bataille de Nahr el-Bared

Chef de la cellule des opérations au sein de l’armée libanaise, le général François Hage était un des commandants les plus respectés du Liban. Lieutenant, puis commandant de bataillon, avant de diriger les deux régiments des commandos et d’intervention, le général Hage a été chargé par le général Michel Sleiman, alors commandant en chef de l’armée (avant de devenir président de la République en 2008), de diriger la bataille de Nahr el-Bared. Un choix qui s’explique, selon le général Khalil Hélou, par la personnalité de l’officier, "un homme de terrain qui ne se contentait pas d’effectuer son travail à partir de son bureau".

Interrogés par Ici Beyrouth, le général Hélou ainsi que des personnalités qui ont côtoyé François Hage évoquent un officier exceptionnel à tous les niveaux: personnel, militaire et stratégique. Il était pressenti pour succéder à Michel Sleiman à la tête de la Troupe. Ce dernier, rappelle-t-on, avait dirigé l’armée de 1998 à 2008, avant de devenir président de la République.

Originaire du Liban-Sud, François Hage a "vécu les quinze années de guerre au Liban (de 1975 à 1990), n’a baissé les bras à aucun moment et a toujours été solidaire et proche de ses soldats", expliquent les personnes interrogées.

Durant la bataille de Nahr el-Bared, "il se rendait fréquemment sur le terrain, a même passé des nuits dans le camp et remplacé des officiers pour leur permettre de se reposer", souligne le général Hélou. Une implication militaire doublée d’une protection qu’il s’évertuait à assurer à ses soldats contre toute pression politique. Depuis le début de la bataille de Nahr el-Bared, les responsables politiques de tous bords exerçaient une pression tant sur le général Sleiman que sur François Hage pour limiter la durée des combats. À quoi le chef de la cellule des opérations répondait: "La bataille prendra le temps qu’il faudra, mais elle s’achèvera, avec un vainqueur et un vaincu". Il signifiait par là qu’elle ne finirait pas en queue de poisson en raison des négociations menées, en vain, dès les premières semaines.

La "ligne rouge" de H. Nasrallah

Ainsi, du 20 mai au 2 juillet 2007, après de durs et lourds affrontements qui ont coûté la vie à près de 170 personnes et fait environ 400 blessés, la bataille de Nahr el-Bared et la victoire de l’armée libanaise contre Fateh el-Islam ont constitué une réponse symbolique aux propos du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, tenus le 25 mai 2007, quelques jours après le début des combats.

Dans un discours à l’occasion de l’anniversaire de la libération du Liban-Sud, Hassan Nasrallah avait déclaré: "L’armée est une ligne rouge. Nul ne doit lui porter atteinte. (…) Mais dans le même temps, le camp (de Nahr el-Bared) est aussi une ligne rouge. (…) Celui qui prend la décision d’entrer dans le camp doit en assumer la responsabilité. Toute décision d’entrer dans le camp reviendrait à sacrifier l’armée, le peuple palestinien et le Liban."

C’était à l’époque où le Hezbollah avait lancé "tout un processus de mainmise sur les Palestiniens au Liban", précise le général Hélou. "C’était, pour le parti pro-iranien, une manière de noyauter les organismes palestiniens pour les monter contre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) afin de se prémunir contre le danger qu’ils pouvaient représenter. Cela lui permettait par ailleurs d’avoir une mainmise sur elles, comme c’est le cas actuellement avec le Hamas, surtout que l’OLP avait amorcé un processus de fraternisation avec l’armée et l’État libanais et qu’elle s’était engagée à ne plus s’immiscer dans les affaires libanaises", conclut-il.