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Les cycles de violence, qui se sont emparés de l’Ukraine et des interfaces israélo-palestiniennes, sont en voie de résorption en dépit des effets de miroir que laissent planer les combats en cours. Les affrontements et leurs relais sont en fin de parcours et se prêtent davantage à des scénarios de règlement négociés, alors que les dynamiques guerrières butent sur des limites de plus en plus évidentes. Les hypothèses hasardeuses des bouleversements géostratégiques et les projections de géopolitiques renouvelées, qui vont redessiner les limes d’un nouvel ordre mondial qui se structure autour des bornes de la nouvelle guerre froide, relèvent de la politique-fiction que de l’évaluation réaliste des enjeux en cours.

Cela dit, il ne faudrait pas oublier que les acteurs de la nouvelle guerre froide ne sont pas à l’abri des mutations politiques et idéologiques qui opèrent à l’intérieur de leurs frontières, et de leurs incidences sur les projections géopolitiques. Contrairement à la vision pessimiste qui pourfendait la thèse de la paix démocratique proposée par Francis Fukuyama, le retour des autocraties totalitaires reflète la fragilité intrinsèque de ces régimes et leur légitimité défaillante vis-à-vis d’une culture libérale qui imprègne les nouvelles générations de manière infuse.

Les régimes néo-totalitaires (Russie, Chine, Iran…) et leurs succédanés inscrivent leurs stratégies de conquête impériale en ligne directe avec l’érosion de leur grammaire narrative et ses configurations stratégiques, les guerres de l’extérieur ne faisant que répercuter les conflits de l’intérieur et l’obsolescence des schémas idéologiques.

En fait, l’embrigadement totalitaire, l’instrumentalisation du terrorisme islamiste, les hypothèques des politiques de conditionnalité et les politiques de sabotage et d’ascension aux extrêmes sont les seules alternatives offertes aux règlements négociés et aux intermédiations diplomatiques.

Le conflit ukrainien met en lumière les déboires d’une Russie impériale démunie à tous égards, les apories d’une identité hybride qui s’est structurée aux confins d’un marqueur eurasiatique éculé et une identité résolument européenne, celle de la "maison commune européenne" hautement affichée par Mikhael Gorbatchev. La géopolitique eurasiatique de Poutine et ses élucubrations néo-impériales se sont heurtées à la résistance tenace des pays baltes, des Ukrainiens, des Moldaves, des Polonais, des Géorgiens et des Arméniens, en dépit et malgré ses embardées en vue de dérailler la communauté européenne, casser l’alliance transatlantique et enrayer la communauté de droit et de culture qui les réunit. Les lignes de front solidement défendues par l’Ukraine, la robustesse de la cohésion nationale et la fermeté des engagements transatlantiques rendent les négociations inévitables à terme. Heureusement que Poutine laisse entendre qu’il est disposé à engager une diplomatie de résolution des conflits, alors que les contre-indications du terrain semblent prévaloir sur les chances d’un règlement négocié.

La stratégie iranienne de subversion est en fin de parcours avec la détermination de la riposte israélienne, l’échec de l’équipée génocidaire du Hamas et ses conséquences désastreuses, les faux calculs stratégiques en terme de ralliement politique et militaire, les impasses de plus en plus hermétiques d’une scène palestinienne instrumentalisée par les politiques de puissance concurrentes et les délires d’une gauche aux enfermements psychotiques. Les Israéliens ont atteint leur objectif en cassant la plate-forme stratégique du Hamas, en dissuadant le Hezbollah, en restaurant leur crédibilité militaire et en réaffirmant leur autonomie morale et opérationnelle.

Il est temps que la diplomatie reprenne son rôle afin de définir les termes d’un régime sécuritaire sur les lignes de front (Gaza, Liban-Sud, Golan) et aborder les questions de la gouvernance de Gaza, de la neutralisation du Hamas et des extrémistes palestiniens, du contrôle de la droite ultra-nationaliste et messianique en Israël, et de la reprise des négociations entre Israël et l’Autorité nationale palestinienne, en vue de fixer les bases d’un règlement négocié qui mette fin aux éruptions cycliques, aux non-dits qui se rapportent aux enjeux de la réciprocité morale, de la reconnaissance mutuelle, de la légitimité nationale, des colonies de Cisjordanie, de la configuration étatique et de la sécurité stratégique. Les Israéliens sont sommés de retrouver un consensus national et de mettre fin aux dilemmes identitaires et stratégiques qui ont porté atteinte à leur sécurité et à la consistance de la démocratie israélienne. Les Palestiniens ne sont pas à même de restituer leur autonomie morale et politique, à moins de reprendre les négociations directes avec les Israéliens, en vue de jeter les bases d’une solution politique viable à ce conflit emblématique de toutes les impasses d’une modernité arabe faillie à tous égards. L’héritage de 75 ans de résolutions et d’accords internationaux ainsi que de multiples formes de coexistence est suffisamment consistant pour étayer des démarches de paix.

Les conflits en cours en Ukraine, en Arménie et sur les interfaces israélo-palestiniennes, les délires des néo-impérialismes russe, chinois, iranien et turc, se laissent déchiffrer au croisement des crises multiples de l’intérieur et des conflits délibérés de l’extérieur. La stratégie de l’endiguement transatlantique adroitement pilotée par les États-Unis, en Ukraine et sur les interfaces israélo-palestiniennes, et la sanctuarisation de l’Arménie, sont préjudicielles à la reprise des diplomaties multilatérales, ainsi qu’à la réactivation des oppositions démocratiques et libérales que ces dictatures essaient d’anéantir en se lançant dans des conflits ouverts. La sécurité des démocraties libérales et les chances de la paix sont étroitement liées à des engagements forts, des rétablissements de rapport de force et des solutions négociées.

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