Au moment où les Cinq (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte et Qatar) remettaient leur moteur en marche, dans l’espoir d’un déblocage de la présidentielle, le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, définissait le profil du futur chef de l’État: un président "sérieux, qui agace le Hezbollah, dans le sens où il serait capable de mettre fin aux agissements" de la formation pro-iranienne, qui ont miné l’État libanais au fil des ans.

Dans une interview accordée à la MTV dans le cadre de l’émission Sar el-Waet, le chef des FL a laissé entendre qu’il n’est pas question pour lui de faire des concessions au sujet de la présidentielle, tout en se disant ouvert à l’option d’un troisième candidat, sur laquelle les Cinq sont en train de plancher actuellement. "L’émissaire qatari qui se trouve aujourd’hui au Liban, essaie toujours de convaincre le tandem Amal-Hezbollah de se rallier à l’option d’un troisième candidat (autre que Sleiman Frangié pour le tandem et Jihad Azour pour l’opposition). Il ne s’agit cependant pas d’opter pour n’importe quel candidat, a-t-il averti. La présidence ne peut pas faire l’objet d’un compromis ou être un lot de consolation. Nous voulons un président sérieux, doté d’un minimum de caractéristiques que tout chef de l’État devrait avoir."

Il a ajouté que le prochain locataire de Baabda doit également "agacer le Hezbollah, dans le sens où il doit être en mesure de mettre fin au comportement de celui-ci". Mais dans le même temps, il a estimé que la formation pro-iranienne a durci sa position, à cause de la situation dans la région et de la guerre à Gaza.

"Tous les présidents qui se sont succédé au Liban depuis l’accord de Taëf ont été trop indulgents à l’égard du Hezbollah, au point que celui-ci a fini par contrôler le pays", a déploré M. Geagea.

Le tandem Amal-Hezbollah reste attaché à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, que les FL rejettent. "Si Sleiman Frangié est élu, il gouvernera avec le tandem chiite qui va lui trouver un allié chrétien, à savoir Gebran Bassil", le chef du CPL, a relevé M. Geagea, en assurant que l’ancien ministre, Jihad Azour, reste le candidat de l’opposition et que Gebran Bassil votera pour ce dernier au cas où le président de la Chambre, Nabih Berry, convoquerait une réunion électorale. M. Bassil, hostile à la candidature de Sleiman Frangié, avait fini par se rallier au choix de l’opposition.

Samir Geagea, qui a rendu hommage au commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, est resté vague quant à un appui à une éventuelle candidature de ce dernier. "Cela ne veut pas dire qu’elle est rejetée. Mais pour le moment, si une réunion parlementaire électorale est convoquée, c’est pour Jihad Azour que nous voterons", a-t-il insisté. Une prudence qui s’explique vraisemblablement par une volonté de ne pas torpiller la mission du quintette, dont les représentants diplomatiques au Liban ont tenu jeudi une réunion à la résidence de l’ambassadeur d’Arabie saoudite, Walid Boukhari, pour discuter d’une feuille de route pour un règlement au Liban, s’articulant autour d’un déblocage de la présidentielle.

Concernant la situation explosive à la frontière sud et l’implication du Hezbollah dans le conflit entre Israël et le Hamas, le chef des FL a insisté sur le fait que la réouverture du front sud "ne sert en rien la bande de Gaza". "Ce que le Hezb entreprend au Liban-Sud est destiné à lui permettre, avec l’Iran, de maintenir une certaine présence, parce que concrètement, il n’a aucune influence directe sur le cours des événements à Gaza", a-t-il expliqué.

Il a toutefois fait remarquer que le Hezb "prend soin de ne pas aller trop loin dans sa confrontation avec Israël, parce que l’équilibre des forces (dans cette guerre) n’est pas en sa faveur". "Il n’empêche, a-t-il ajouté, que cette formation a mis le Liban en danger. Nous ne souhaitons pas que la guerre éclate, mais nous la redoutons sérieusement parce qu’elle sera destructrice".

De manière générale, il a considéré que la formation pro-iranienne est "en elle-même le plus gros problème auquel le pays est actuellement exposé". Dans ce contexte, il s’en est pris au Premier ministre sortant, Najib Mikati, qui a repris à son compte le discours du Hezbollah en liant un cessez-le-feu au Liban-Sud à une cessation des hostilités à Gaza. M. Geagea a qualifié ce discours d’"inacceptable à cause de ses éventuelles conséquences" . "En l’absence d’un président, un gouvernement expédie les affaires courantes en temps normal, mais en temps de guerre, il doit assumer ses responsabilités entières. Celui qui détient des pouvoirs doit ainsi les utiliser pour reprendre le contrôle de la situation. Nous ne pouvons qu’appliquer la résolution 1701 du Conseil de sécurité. Le monde entier nous le demande et nous répondons que nous n’en sommes pas capables, ce qui est totalement inacceptable", a-t-il dit, dénonçant une crise de pouvoir au Liban. Selon lui, le système ne fonctionne plus, toujours à cause du Hezbollah. "Certains s’accrochent toujours à l’ère de la tutelle", a-t-il ironisé, en conseillant à l’axe de la Moumanaa (pro-iranien) de prendre un peu de repos et de laisser l’opposition former un gouvernement dont il aura la responsabilité.