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L’effondrement de l’immeuble à Choueifate dimanche matin, n’a pas manqué de rappeler celui de bon nombre de bâtiments dans le passé. Ainsi celui d’un immeuble à Fassouh, à Achrafieh, en 2012, ou dans les quartiers du Musée et de Mousseitbé, à Beyrouth, en 2017. Cela a suscité la colère, mais aussi l’interrogation des citoyens libanais: à qui incombe la responsabilité?

S’il est encore tôt pour déterminer les causes du sinistre, puisqu’il faut attendre les résultats de l’expertise à effectuer sur un large périmètre, il n’en demeure pas moins que la responsabilité peut être évaluée à trois niveaux. Il existe, en effet, trois genres de responsabilités, comme le précise l’ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar: la responsabilité civile, la responsabilité administrative et la responsabilité pénale.

La responsabilité civile (du fait des choses inanimées) incombe au propriétaire, selon l’article 133 du Code des obligations et des contrats (COC), explique le professeur Najjar. Elle se résout en dommages et intérêts. "Le propriétaire doit, avant de procéder à la construction de tout bâtiment, s’assurer de la nature du sol. Il doit aussi, lorsqu’il s’agit d’appartements ou de bureaux de location, assumer les charges de l’entretien de l’immeuble. S’il faillit à ses obligations, il est entièrement responsable de tels sinistres", indique l’avocat Ali Ghosn. Or, selon l’avocat Abdo Ghossoub, lorsqu’il s’agit d’anciens loyers, la responsabilité du propriétaire peut ne pas être engagée. En effet, ce dernier est lésé, dans la plupart des cas, les loyers qu’il perçoit étant largement inférieurs à ceux du marché actuel. "Comment voulez-vous qu’avec des loyers misérables, un propriétaire puisse effectuer des travaux d’entretien pour son immeuble? Avec quels moyens?", s’interroge Me Ghossoub.

La responsabilité administrative incombe aux collectivités locales (municipalité, gouvernorat, ministère de l’Intérieur…) lorsqu’il y a défaillance dans l’exécution de l’obligation de surveillance de la part de l’autorité administrative locale. "La municipalité est également tenue pour responsable lorsqu’elle délivre des permis de construire, quand bien même les plans ne sont pas conformes aux règles et lois d’urbanisme", signale l’avocat Ghosn. Cette responsabilité se résout par le paiement d’une indemnité, différente de celle due par le propriétaire, souligne l’ancien ministre de la Justice, interrogé par Ici Beyrouth.

La responsabilité pénale, due à la négligence, dans le sens où la sécurité et la santé publique sont mises en danger, incombe à la personne ou à l’entité qui, ayant pris connaissance des risques de l’effondrement, n’a pas agi en conséquence. "Cette responsabilité est engagée dans des cas précis où des dommages corporels sont signalés (blessures, décès…), lorsqu’il y a fraude ou falsification de documents", signale l’avocat Ghossoub.

Il existe, par ailleurs, une responsabilité décennale, celle qui incombe à l’ingénieur et à l’entrepreneur, lorsque la solidité de l’ouvrage est affectée et donc, qu’il y a défaut de conception. Limitée dans le temps (5 ans, selon l’article 668 du COC), elle pèse sur les constructeurs et constitue une garantie quinquennale.

Le cumul des responsabilités est possible quand plusieurs parties sont engagées dans la survenue du sinistre. Ces responsabilités sont alors réparties selon l’importance du rôle joué par chacune d’entre elles dans la "mauvaise" construction de l’immeuble.