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Les louvoiements du Hezbollah font partie d’une vision stratégique qui n’a jamais discontinué, nommément, celle de créer et d’instrumentaliser des conflits dans la durée. La visée ultime est de mettre la main sur le pays moyennant une politique de blocage des institutions, un contrôle insidieux et progressif de l’État et une guerre civile larvée et à intensité variable. Il a fini par faire aboutir ses objectifs et réduire les institutions de l’État au rôle de supplétifs dont il se sert de manière discrétionnaire, au gré des circonstances, des priorités et des enjeux.

Le fait de perpétuer ce contexte hybride d’État et de non-État, de paix civile précaire, de perpétuation de la crise financière et ses doubles socio-économiques, de réquisition des fonctions régaliennes au profit d’une politique de déstabilisation, à géométrie variable, nous laisse perplexes quant à la viabilité de l’État, de la paix civile et du Liban. Il est impossible de faire État et de maintenir les équivoques qui désormais définissent la trame politique et institutionnelle dans le pays. Cela est d’autant plus grave que la fiction juridique qui définit l’État libanais sert de couverture à une entreprise de subversion qui avance tous azimuts. La normalisation de cet état de fait qui cherche à se faire avaliser, via des complicités internes et une politique de grignotage systématique, a fini par reléguer l’État libanais à un statut de subsidiarité et d’insignifiance.

La guerre qui est en cours au Liban-Sud gagne en ampleur en s’étendant sur l’ensemble du territoire national libanais, alors que les données sécuritaires et militaires révèlent l’étendue de la politique de subversion et ses ramifications multiples: la neutralisation de l’armée libanaise, la prolifération des groupes armés et le découpage du territoire en zones d’influence coordonnées par les Gardiens de la révolution islamique (Ismail Qa’ani) et l’inféodation du ministère libanais des Affaires étrangères au diktat de Hussein Amirabdollahian, au point d’en faire un département du ministère iranien des Affaires étrangères.

En perdant son autonomie nationale, le Liban n’est plus qu’une plateforme opérationnelle à double détente dont se sert la politique de subversion pilotée par le régime iranien, sur les plans régional et domestique. Au mépris de toutes considérations souverainistes, le Hezbollah alterne les assassinats politiques, les enlèvements, le terrorisme à grande échelle (l’attaque des quartiers sunnites de Beyrouth le 7 mai 2008, la répression des mouvements réformistes dès 2019, l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020…), les équipées militaires qui ont succédé aux guerres civiles en Syrie, en Irak, au Yémen, en territoires palestiniens et à Gaza. L’État n’est plus qu’une variable contingente dont il se sert à des fins qui pourfendent sa légitimité, sa raison d’être et les stipulations normatives du pacte national et de la Constitution.

Cette situation ne peut perdurer à moins que le projet national libanais ne soit entièrement subverti au profit d’une domination hezbollahie comme il appert. Il n’y a pas lieu pour un accommodement quelconque avec la politique de subversion en cours, tant au niveau local que régional. La politique de mainmise finira par induire des rejets et promouvoir des politiques de puissance concurrentes, pareilles à celles qui prédominent dans le reste de la région. Sinon, la politique de subversion inaugurée avec la guerre de Gaza est à la source d’un conflit ouvert avec Israël qui finira par changer la donne stratégique et géopolitique et mettre fin aux aléas sécuritaires des frontières libanaises.

Le Liban ne peut, indéfiniment, invoquer son inaptitude à faire respecter sa souveraineté et honorer ses engagements auprès de la communauté internationale. Il n’appartient pas au Hezbollah de statuer sur les questions de guerre et de paix, à moins que l’hypothétique communauté nationale libanaise ne se dessaisisse de sa souveraineté au bénéfice du régime iranien et de ses mandataires locaux. La seule porte de sortie qui nous épargnerait les vicissitudes d’une guerre totale est celle de l’adhésion à l’accord d’armistice de 1949, aux résolutions 422, 1559, 1680 et 1701. La répudiation du consociationalisme et l’ignorance délibérée des règles de la vie internationale équivalent à une déclaration de guerre dictée par la politique hégémonique du régime iranien, qui ne peut, en aucun cas se prévaloir de légitimité. Somme toute, le Hezbollah peut revendiquer un double exploit, celui d’avoir propulsé une guerre civile doublée d’une guerre régionale.

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