Depuis la frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth survenue mardi dernier, qui a tué Fouad Chokr, responsable militaire du Hezbollah et conseiller influent de Hassan Nasrallah, et fait des dizaines de blessés au sein de la population, Batoul et sa famille cherchent à fuir ce bastion du Hezbollah où ils habitent, mais les prix des appartements dans les zones plus sûres sont montés en flèche.

"Nous sommes avec la résistance (le Hezbollah) jusqu’à la mort. Mais c’est normal d’avoir peur (…) et de chercher à se mettre à l’abri", déclare à l’AFP cette journaliste de 29 ans, qui refuse de donner son nom de famille car le sujet est sensible.

La banlieue sud, densément peuplée, abrite les principales institutions du Hezbollah pro-iranien.

Le 30 juillet, une frappe israélienne y a visé un haut responsable militaire de cette formation, tuant également cinq civils, trois femmes et deux enfants.

Depuis, le pays est en haleine, suspendu à la promesse du Hezbollah de se venger. Et les craintes d’un embrasement régional s’intensifient, l’Iran ayant également promis de riposter à l’assassinat à Téhéran du chef du bureau politique du Hamas palestinien, Ismaïl Haniyé, imputé à Israël.

"Si la guerre éclate, nous serons contraints de partir (…). Ceux qui disent vouloir rester à Dahyé sous les bombardements se font des illusions", ajoute la jeune femme.

"Pas le choix"

Batoul déclare essayer de louer un appartement dans les "zones sûres" hors de Beyrouth, qui échappent au contrôle du Hezbollah et sont principalement habitées par des chrétiens ou des druzes.

Mais les propriétaires "demandent des prix exorbitants", déplore-t-elle.

Un propriétaire a annulé le contrat de sa famille à la dernière minute, alors qu’elle avait accepté de payer six mois de loyer à l’avance pour un appartement à Sofar, dans la montagne.

Une habitante de la banlieue sud qui refuse aussi de donner son nom déclare avoir eu de la chance de trouver une maison dans un village à une quinzaine de km de Beyrouth pour 1.500 dollars par mois.

Une autre maison, située dans un village de montagne voisin, était annoncée pour 1.500 dollars sur un site de location, "mais lorsque nous sommes arrivés, on nous a demandé 2.000 dollars", raconte cette enseignante de 55 ans.

"Ils savent que nous n’avons pas le choix. Quand il y a une guerre, on est prêt à payer n’importe quelle somme pour être en sécurité", soupire-t-elle.

Elle souligne que beaucoup de gens resteront dans la banlieue faute de moyens, dans un pays englué dans une crise économique et où les revenus se sont effondrés.

Riyad Bou Fakhreddine, qui loue des appartements dans le Mont-Liban, proche de Beyrouth, déclare que la demande est si forte que les appartements sont réservés "une heure ou deux" après leur mise en ligne.

Certains clients ont multiplié par quatre le prix qu’ils exigent pour leurs appartements, dit-il. "Mais je refuse, je leur dis que je ne veux pas profiter de la peur des gens."

Pas de solidarité

Les habitants de la banlieue cherchent également des appartements dans la ville même de Beyrouth toute proche.

"Le téléphone n’a pas arrêté de sonner", assure Ali, qui loue des appartements meublés dans un quartier animé de la capitale. "J’ai loué dix appartements en deux jours."

Lors de la guerre entre le Hezbollah et Israël en 2006, l’aviation israélienne avait pilonné la banlieue sud pendant trente jours, détruisant des centaines d’immeubles.

À l’époque, les Libanais des différentes communautés s’étaient montrés solidaires des chiites de la banlieue et du sud du Liban qui fuyaient les violences.

Mais la situation est différente cette fois-ci, beaucoup de Libanais reprochant au Hezbollah d’avoir entraîné le pays dans une guerre qui ne fait pas l’unanimité.

Dès le début de la guerre à Gaza en octobre, le Hezbollah a ouvert un "front de soutien" au Hamas palestinien dans le sud du Liban, échangeant des tirs quotidiens avec Israël. Les violences ont fait plus de 550 morts dont quelque 116 civils, selon un décompte de l’AFP.

"À l’époque, il n’y avait pas une telle polarisation politique", regrette Batoul.

Aya Iskandarani, avec AFP