Memorial revient d’entre les morts ! Quatre mois après avoir été dissoute par Moscou, cette ONG, pilier de la défense des droits humains en Russie, ressuscite en Europe. Ses défenseurs ont assuré le 20 juillet à Paris que son action se poursuivrait.

" Memorial est mort, vive Memorial " : quatre mois après la dissolution effective de cette ONG, pilier de la défense des droits humains en Russie, ses défenseurs ont assuré mercredi 20 juillet à Paris que son action se poursuivrait en dépit des menaces pesant sur ses membres.

" Les gens qui travaillaient dans plusieurs programmes de Memorial veulent continuer leur mission, donc le travail continue ", a déclaré Alexandre Tcherkassov, président du conseil d’administration du Centre des droits humains (CDH) Memorial lors d’une rencontre organisée au centre Culturel Alexandre Soljenitsyne.

" Il est impossible d’arrêter Memorial "

" Ils continuent notamment " de manière anonyme et informelle " dans des régions de Russie à apporter une aide juridique aux Ukrainiens déplacés en Russie afin de leur permettre de traverser la frontière et de rentrer chez eux ", a-t-il ajouté.

Des militants de Memorial manifestent devant le tribunal de Moscou lors du procès pour la fermeture de l’ONG.

" En dépit de la liquidation, dans les faits, il est impossible d’arrêter Memorial ", a renchéri à ses côtés Ilya Nuzov, responsable du bureau Europe de l’Est de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dont le rapport, présenté mercredi, exhorte une nouvelle fois Moscou à " abroger " la dissolution de l’ONG.

La justice russe a prononcé en décembre 2021 la dissolution de Memorial International – et de son CDH -, pilier de la défense des droits humains et gardien de la mémoire des millions de victimes des crimes de l’URSS.

Saisie en urgence par Memorial, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a demandé dans la foulée à Moscou de suspendre la dissolution de l’ONG pour lui permettre d’examiner l’affaire.

Mais cette demande a été rejetée en mars par la Cour suprême de Russie, confirmant ainsi le démantèlement de cette ONG, dernière illustration en date de l’ampleur de la répression tous azimuts dans la Russie de Vladimir Poutine depuis 2020.

La situation a empiré depuis l’invasion en Ukraine

Ce tour de vis s’est encore renforcé depuis le début de l’offensive militaire russe en Ukraine, le 24 février, qui s’est accompagnée du muselage de nombreux médias indépendants et de l’arrestation de milliers de manifestants opposés à l’intervention.

" Avant de commencer cette guerre, l’État ne pouvait certainement pas tolérer un tel ennemi sur son territoire, il a donc dû éliminer Memorial pour qu’il n’ait personne sur place pour lui reprocher de nombreux crimes de guerre et des violations des droits humains ", a estimé Natalia Morozova, avocate de Memorial International.

" J’espère ", a-t-elle poursuivi, " que nous verrons bientôt le procès des juges " ayant prononcé " la dissolution injustifiée " de Memorial.

Effet collatéral de la liquidation de l’ONG, sa branche française, créée en 2020 avec pour principale mission de relayer les activités de Memorial International, est devenue " par la force des choses une association d’aide humanitaire " pour les collaborateurs ayant fui la Russie.

Mais " derrière cette urgence ", la " grande tâche est de savoir comment continuer l’action de Memorial à l’échelle européenne ", souligne Catherine Gousseff, représentante de Memorial France.

Le travail en Russie s’annonce difficile

" Il y a des organisations de soutien ou se revendiquant de Memorial en Italie en Allemagne ou encore en Belgique. Nous réfléchissons à la manière d’imaginer une structure européenne qui permette de continuer officiellement l’activité de l’ONG ", ajoute-t-elle.

En Russie, en revanche, l’entreprise s’annonce plus délicate.

Dialogue, liberté, mémoire etc.. la page dédiée à Memorial sur le site du Conseil de l’Europe

" Memorial continue certains aspects de son travail, mais reconstruire son travail en Russie, c’est plus compliqué ", confirme Alexandre Tcherkassov, évoquant les " pressions " subies localement par les membres de l’ONG.

En juin dernier, les bureaux de Memorial à Ekaterinbourg, grande ville de l’Oural, ont ainsi fait l’objet d' "une perquisition " de " six heures " visant à " trouver des publications prétendument +extrémistes+ " à la suite d’une plainte anonyme, selon l’ONG.

" Il faut trouver une méthode pour continuer ", poursuit M. Tcherkassov. " Ce travail pour les droits humains en Russie va se poursuivre tant qu’il y aura des gens qui voudront travailler dans cette direction ". Et de conclure : " la société civile est peut-être muette mais elle n’est pas morte. Le travail est peut-être invisible mais il continue ".

Avec AFP