Cinquante ans après les violences commises sous l’ère du dictateur philippin Ferdinand Marcos, des militants des droits de l’Homme réclamé au nouveau président, qui n’est autre que le fils de l’ex-dictateur, de les reconnaître officiellement. Ils ont également juré de ne " jamais oublier ".

Des militants des droits de l’homme aux Philippines ont juré mercredi, cinquante ans après l’instauration de la loi martiale, de ne " jamais oublier " les violences commises durant le régime du dictateur Ferdinand Marcos.

Ils exhortent son fils, aujourd’hui président du pays, à reconnaître officiellement ces violences.

Le nouveau président philippin Ferdinand Marcos Jr (AFP)

 

" Les Marcos doivent au moins reconnaître leur rôle dans ces jours sombres ", a estimé Carlos Conde, chercheur pour l’organisation Human Rights Watch.

" Sans vérité, sans espace pour que les Philippins comprennent et acceptent ce qui s’est passé pendant la loi martiale, nous ne pourrons jamais aller de l’avant ".

Des centaines de manifestants ont tenu des rassemblements pacifiques à travers Manille, brandissant des pancartes avec des slogans tels que " plus jamais ça ".

Selon Amnesty International, des milliers de personnes ont été tuées et des dizaines de milliers torturées et emprisonnées après l’imposition par Ferdinand Marcos de la loi martiale le 21 septembre 1972.

Cette loi a permis aux forces de sécurité de se déchaîner sur les rivaux, les critiques et les dissidents dans le pays.

" Une nation qui ne se souvient pas de son histoire est condamnée à la répéter ", lance John Magtibay, un étudiant en cinéma âgé de 22 ans venu manifester à l’Université des Philippines.

" Nous commençons à voir cela maintenant ".

Pour les cinquante ans de la loi martiale, des projections de documentaires et des expositions autour des exactions commises pendant le régime dictatorial ont été organisées.

Mardi, des membres d’un parti politique de gauche ont affirmé avoir été contraints d’annuler la projection d’un film en banlieue de Manille, après le passage de cinq policiers d’une unité de renseignement qui les ont " harcelés " et " filmés ".

11.103 personnes ont officiellement été reconnues comme victimes de tortures, d’assassinats, de disparitions forcées et autres violences.

Elles ont obtenu des compensations, sous la forme de dommages et intérêts puisés dans les richesses volées – estimées à des milliards de dollars – par Ferdinand Marcos, au pouvoir de 1965 à 1986, et sa femme Imelda.

" Une nation qui ne se souvient pas de son histoire est condamnée à la répéter " (AFP)

 

Des mesures considérées comme insuffisantes pour les ONG qui attendent des aveux de la part du gouvernement et demandent que les responsables rendent des comptes.

Ferdinand Marcos a été chassé du pouvoir lors d’une révolte populaire en 1986. Après sa mort en 1989, sa famille, exilée, est revenue aux Philippines, entamant un retour politique fracassant qui a culminé le 9 mai avec la victoire de Ferdinand Marcos Junior à l’élection présidentielle.

" Le fait que nous ayons permis aux Marcos de regagner Malacanang est vraiment un scandale ", a déclaré Patricia Pobre, une manifestante âgée de 24 ans, en référence au palais présidentiel philippin.

Une des plus sombres périodes du pays

Les victimes de la loi martiale ont décrit le régime de Ferdinand Marcos comme " l’une des plus sombres périodes " de l’histoire du pays.

" Il y a de jeunes Philippins qui souhaitent apprendre ce qui s’est réellement passé, en dépit de nombreux autres qui ont été vraiment aveuglés ", assure l’ancien prisonnier politique Bonnie Ilagan, qui a passé deux ans incarcéré, durant lesquels il a été torturé à plusieurs reprises.

" Le combat se poursuit. Nous ne devons jamais oublier ", assène-t-il, tout en accusant les alliés de Marcos Jr au Congrès de saper les efforts déployés pour la mémoire de l’histoire des Philippines.

Manifestation commémorant les 50 ans de l’imposition de la loi martiale (AFP)

 

La semaine dernière, Marcos Jr, qui n’a eu de cesse de louer le régime de son père, a défendu l’usage de la loi martiale, l’estimant " nécessaire " pour protéger le pays contre les communistes et les insurrections musulmanes.

" Nous reconnaissons les problèmes qui se sont produits, les abus qui ont eu lieu comme dans toute guerre ", a-t-il avancé.

Mais selon le président, les critiques ont " tort " de qualifier son père de " dictateur ".

" Il n’y a aucune raison de réviser l’histoire ", a-t-il encore dit.

L’administration de Marcos Jr ne fait que colporter " un mensonge après l’autre ", dénonce Cristina Palabay de l’alliance pour les droits de l’homme Karapatan.

" Il faut une reconnaissance institutionnalisée et une grande prise de conscience des crimes commis par Marcos et ses semblables ".

Avec AFP