Des milliers de nigériens participaient à une nouvelle journée de manifestations pro-putschistes à Niamey, la capitale du pays, jeudi 3 août. Tandis que Londres et Washington ont ordonné l’évacuation de leur personnel non essentiel sur place, Paris a demandé des garanties de sécurité pour les ambassades étrangères.

Des milliers de personnes se sont rassemblées jeudi à Niamey pour soutenir les auteurs du coup d’Etat au Niger qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, séquestré depuis huit jours et dont le président américain a exigé la " libération immédiate ".

De plusieurs centaines au début du rassemblement sur la place de l’indépendance à Niamey, les manifestants sont vite devenus des milliers, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Ils sont venus à l’appel du M62, une coalition d’organisations de la société civile " souverainistes ", le jour de la fête des 63 ans de l’indépendance du Niger de la France, ex-puissance coloniale qui y dispose de quelque 1.500 soldats pour aider à combattre les groupes armés jihadistes qui sévissent dans ce pays.

" A bas la France ", " Vive la Russie, vive Poutine ", scandaient notamment les manifestants.

Préoccupations occidentales concernant le personnel diplomatique

Depuis le coup d’Etat du 26 juillet dans ce pays producteur de pétrole et d’uranium, les relations avec Paris se sont dégradées à la suite d’incidents dimanche lors d’une précédente manifestation devant l’ambassade de France, qui ont entraîné l’évacuation de plus de 500 Français.

Avant la manifestation de jeudi, Paris a rappelé " que la sécurité des emprises et des personnels diplomatiques sont des obligations au titre du droit international ".

Aux Etats-Unis, un des principaux partenaires du Niger avec la France et qui y déploie également un millier de militaires, le président Joe Biden a appelé " à la libération immédiate du président Bazoum et sa famille, et à la préservation de la démocratie conquise de haute lutte au Niger ".

M. Bazoum, 63 ans, est retenu avec sa famille depuis le jour du putsch le 26 juillet dans sa résidence présidentielle. L’électricité y a été volontairement coupée jeudi, a affirmé son parti.

La France a affrété cinq avions depuis mardi pour une opération d’évacuation qui s’est achevée jeudi.

Les Etats-Unis ont ordonné mercredi l’évacuation de leur personnel non essentiel à l’ambassade de Niamey. Londres a fait de même jeudi " en raison de la situation sécuritaire ".

La Cédéao en première ligne

La situation est tendue avec les partenaires occidentaux et africains traditionnels du Niger depuis que l’ex-chef de la garde présidentielle, le général Abdourahamane Tiani, a pris le pouvoir.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), présidée par le Nigeria, a dit se préparer à une opération militaire même si elle a souligné qu’il s’agissait de " la dernière option sur la table ".

Les chefs d’état-major de l’organisation sont réunis à Abuja jusqu’à vendredi, deux jours avant l’expiration dimanche d’un ultimatum exigeant un retour de Mohamed Bazoum.

Une délégation de la Cédéao, conduite par l’ex-président nigérian Abdulsalami Abubakar, a parallèlement été envoyée à Niamey pour " négocier " avec les putschistes.

En ligne avec le blocus économique décidé dimanche, le Nigeria a coupé son approvisionnement en électricité au Niger, qui dépend énergétiquement à 70% de son voisin.

La Banque mondiale, qui a dépensé 1,5 milliard de dollars d’aides au Niger en 2022, a annoncé la suspension des versements " pour toutes ses opérations et jusqu’à nouvel ordre ".

Petits arrangements entre juntes

En face, le nouveau pouvoir à Niamey a envoyé un émissaire au Mali et au Burkina Faso, deux pays également dirigés par des militaires putschistes et confrontés à la violence jihadistes et solidaires de leur voisin.

Ils ont affirmé que toute intervention armée serait considérée " comme une déclaration de guerre " à leurs deux pays et entraînerait leur retrait de la Cédéao.

Il a assuré que les Français, " qui n’ont jamais été l’objet de la moindre menace ", n’avaient " aucune raison objective de quitter le Niger ".

Pour l’instant, l’évacuation des soldats français et américains qui participent à la lutte anti-jihadiste n’est pas prévue.

Washington ne parle pas de " coup d’Etat ", estimant qu’il reste encore une " petite fenêtre " pour la diplomatie et le rétablissement du président Bazoum dans ses fonctions.

Malo Pinatel, avec AFP