Les autorités iraniennes ont imposé aux élèves iraniens et binationaux de ne plus poursuivre leur cursus dans les écoles internationales, au début du mois de septembre. Cette annonce, qui résulte en de profondes conséquences pour les établissements concernés, illustre l’acharnement du régime des mollahs à lutter contre la prétendue " occidentalisation " d’une société iranienne aux libertés toujours plus bridées.

La rentrée est difficile dans les écoles internationales de Téhéran, dont l’école française, qui sont contraintes par le gouvernement de se séparer des élèves iraniens ou possédant la double nationalité, un " déchirement " pour de nombreux enfants.

Depuis cette semaine, seuls une soixantaine d’enfants sont désormais scolarisés à l’école française alors qu’ils étaient 359 inscrits à la rentrée début septembre. Ils ne sont qu’une cinquantaine sur 380 à l’école allemande, l’autre établissement le plus affecté par la mesure.

Une situation difficile

" C’est une situation très difficile. Nous ne savons pas quoi faire de nos enfants, qui se retrouvent soudainement sans école ", a expliqué le père de deux élèves iraniens qui " n’ont connu que l’école française ".

Les établissements et les ambassades ont été pris par surprise lorsque le gouvernement les a informés courant septembre que les écoles internationales ouvertes à tous ne pouvaient plus accepter d’enfants iraniens.

L’Iran en compte 12, dont huit à Téhéran comme les écoles indienne, italienne ou turque, où étaient scolarisés plus de 2.000 élèves avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles, selon l’agence de presse Tasnim.

Mais seuls " 10% de ces élèves respectaient les conditions " fixées pour y être scolarisés, a précisé l’agence, en rappelant que les enfants iraniens ont l’obligation de suivre le cursus scolaire du pays.

Cette obligation s’applique aussi aux enfants possédant une autre nationalité car l’Iran ne reconnait pas la binationalité.

Ouverte depuis les années 1980 et implantée dans le nord de Téhéran, l’école française n’accueille que huit enfants français en raison de la très faible présence d’expatriés. Quasiment toutes les entreprises françaises ont en effet quitté le pays lorsque les Etats-Unis ont réimposé de sévères sanctions à la suite de la décision de Donald Trump de dénoncer en 2018 l’accord sur le nucléaire.

Outre ces huit enfants, 71 élèves ayant une autre nationalité, notamment des enfants de diplomates, peuvent rester à l’école, dont les portes se sont fermées pour 54 Franco-Iraniens, 110 Iraniens et 116 autres binationaux.

Après avoir tenté de faire revenir les autorités sur leur décision, l’ambassade de France a ouvert une cellule de crise pour accompagner les parents dans l’urgence. Certains ont mis leurs enfants dans une école anglophone suivant le cursus iranien, d’autres envisagent de les scolariser à domicile en suivant des cours par correspondance tandis qu’une minorité a décidé de quitter l’Iran pour l’Europe.

Lutter contre " l’occidentalisation "

" Quelle que soit la solution, c’est traumatisant pour les enfants qui perdent leurs repères et leurs copains alors que la rentrée avait eu lieu. C’est un déchirement pour eux ", témoigne une mère de deux élèves de l’école allemande. " Nous payons un prix fort pour des raisons politiques qui nous dépassent ".

Depuis plusieurs mois, le gouvernement se mobilise contre " l’occidentalisation " de la société, accusée de saper les valeurs prônées par la République islamique depuis la révolution de 1979.

Les critiques contre les pays occidentaux, notamment européens, se sont renforcées à la suite du mouvement de contestation qui a secoué le pays après le décès en septembre 2022 de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée pour n’avoir pas respecté le code vestimentaire strict du pays.

Parmi les reproches faits aux écoles internationales, figure le fait qu’aucune d’entre elles " ne base son enseignement sur les manuels officiels approuvés par le ministère de l’Education ", indique l’agence Tasnim, en précisant que certaines utilisent même des manuels des cursus américain ou britannique, comme ceux de l’éditeur Pearson.

Avec le retrait des enfants iraniens, " c’est un espace de dialogue entre l’Iran et la France qui disparaît. C’est vraiment dommage car les deux pays ont beaucoup à partager ", regrette un parent impliqué dans l’école française.

La coopération culturelle entre les deux pays n’a cessé de rétrécir ces dernières années, notamment avec la fermeture ordonnée par les autorités de l’Institut français de recherche sur l’Iran (IFRI) à Téhéran en janvier après la publication par le magazine satirique Charlie Hebdo de caricatures jugées insultantes pour le guide suprême Ali Khamenei, la plus haute personnalité d’Iran.

Malo Pinatel, avec AFP