Écoutez l’article

La guerre enclenchée par le Hamas contre Israël le 7 octobre a ceci de particulier que pour la première fois, une offensive d’une telle envergure a été lancée par les Palestiniens eux-mêmes, plus précisément par le Hamas qui ne cache pas ses liens avec le régime iranien, rompant ainsi avec la dynamique historique des conflits de cette région.

Le Hamas étant qualifié d’organisation terroriste en Occident, la tournure prise par l’attaque du 7 octobre a été unanimement condamnée par les médias occidentaux, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Italie et ailleurs.

Au-delà des réactions occidentales, force est de relever que le Hamas, en tant que mouvement pro-iranien, ne semble pas œuvrer en faveur d’une coexistence pacifique, ce qui représente un défi supplémentaire pour la quête de solutions durables dans la région, sans compter que cette organisation semble se conformer à l’agenda iranien au niveau international, à l’instar du modèle que représente le Hezbollah au Liban. Ce constat alimente donc l’hypothèse selon laquelle l’offensive du 7 octobre découlerait d’une manipulation stratégique de l’Iran, dans le but de promouvoir ses intérêts géopolitiques.

L’agenda iranien, au cœur de sa stratégie géopolitique, repose sur trois piliers majeurs qui dessinent la toile complexe de son influence régionale. D’abord, cet agenda s’emploie à perturber la dynamique de normalisation avec Israël, instaurée par les accords d’Abraham, dont la dernière phase, entre Israël et l’Arabie saoudite, semble avoir atteint les étapes finales. Ensuite, il s’agit de faire taire toute contestation relative au programme nucléaire iranien, qui a récemment pris des proportions inquiétantes.

Enfin, l’agenda iranien se fonde sur la notion cruciale de l’unité des champs de bataille, dépeignant ainsi un croissant chiite au sein du Moyen-Orient. L’Iran se vante de contrôler quatre villes majeures dans la région: Bagdad, Damas, Beyrouth et Sanaa, sans compter l’influence significative du Hamas, étroitement affilié à l’Iran, dans la bande de Gaza.

Ce troisième point revêt une importance particulière dans cette toile stratégique. L’élaboration de l’unité des champs de bataille par l’Iran s’inscrit dans une option d’encerclement d’Israël. Au nord, le Hezbollah, et à l’ouest, le Hamas dans la bande de Gaza sont les deux acteurs clés de cette stratégie. Bien que le front de Gaza soit actuellement le seul théâtre d’opérations réellement actif, l’éventualité de l’activation simultanée des deux fronts demeure un enjeu considérable, tant en raison de la complexité inhérente à la coordination de ces fronts que de l’ampleur d’une telle opération militaire conjointe.

La maîtrise de ces deux fronts simultanément représenterait un défi redoutable pour Israël, accentuant les tensions dans la région et remettant en question l’équilibre précaire qui y prévaut. Ainsi, le danger le plus imminent réside dans la possibilité que le conflit s’étende, mettant à rude épreuve à la fois les Forces de défense israéliennes et le Dôme de fer. Le Hezbollah en est le principal concerné de par sa force militaire et sa position stratégique à la frontière nord d’Israël.

Si le Hezbollah était partie prenante du plan, il aurait probablement attaqué simultanément pour maximiser l’impact de l’offensive. L’Iran soutient ces deux groupes (le Hezbollah et Hamas) et évaluera dans quelle mesure une guerre élargie compliquerait ses propres efforts de normalisation des relations avec les États du Golfe. Si les combats se prolongent et que les frappes israéliennes contre Gaza continuent de faire rage, la pression pour que le Hezbollah s’implique davantage augmentera.

Le Hezbollah a déjà tiré des roquettes et des obus contre trois positions israéliennes dans une région contestée à la frontière avec le Liban. Israël a réagi par des tirs d’artillerie et une frappe de drone. Les tensions restent cependant contenues pour le moment.

Parallèlement, certains observateurs estiment que la stratégie iranienne pourrait envisager l’implication du Hezbollah sans toutefois le précipiter dans un conflit ouvert. Il convient de rappeler qu’Israël a récemment mobilisé plus de 400.000 réservistes, répartis sur plusieurs fronts. En maintenant une situation de tension à la frontière nord, cela pourrait garantir la présence d’un contingent conséquent de troupes dans cette région, qui autrement auraient été engagées dans les opérations contre le Hamas à Gaza. Cela permettrait ainsi de retirer un poids militaire significatif de l’équation sans nécessairement déclencher un conflit direct qui serait sans doute défavorable au camp iranien.

Un autre volet est tout aussi important: l’impact politique interne en Israël ne se limitera pas à dénoncer des erreurs de renseignement. Pour le moment, le pays semble faire preuve d’unité tant que les combats se poursuivent, et les divergences partisanes ont été momentanément mises de côté. Cependant, une fois que la situation se stabilisera, un ouragan politique heurtera fortement le gouvernement, d’autant que la politique de la coalition de droite en matière de réforme judiciaire a divisé profondément la société israélienne.

À la lumière des développements en cours, sommes-nous devant la répétition du scénario de 1973?

À l’époque, les Israéliens avaient finalement remporté la guerre de Kippour en venant à bout des armées égyptienne et syrienne, mais cette victoire ne fut pas perçue comme telle. Les coûts humains furent considérables et attestèrent du fait qu’Israël demeurait vulnérable. Les armées arabes, jadis considérées comme inefficaces, démontrèrent qu’avec des armements et des tactiques améliorés, elles étaient toujours capables d’infliger de lourds revers à Israël et qu’elles pourraient le faire à nouveau. Le gouvernement de l’époque fut finalement sanctionné dans les urnes pour cette erreur stratégique de taille.