À la suite des attaques menées le 7 octobre par le Hamas contre Israël, les opérations militaires du second en Cisjordanie ont considérablement augmenté. Dans le camp de réfugiés Nour Shams, situé à Tulkarem, ces raids sont notamment vécus comme une vengeance.

Dans les dédales du camp de réfugiés Nour Shams à Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie occupée, des combattants palestiniens armés déambulent en saluant les passants au milieu des ruines laissées par les incursions de l’armée israélienne.

La ville de Tulkarem, abritant deux camps de réfugiés, illustre la multiplication des opérations militaires israéliennes en Cisjordanie, ciblant villes et camps servant de bastions à des factions armées palestiniennes.

Si Israël menait occasionnellement des opérations dans les camps de ce territoire, la guerre dans la bande de Gaza, déclenchée par l’attaque sans précédent du mouvement islamiste Hamas le 7 octobre sur le sol israélien, a entraîné une intensification des opérations.

L’armée affirme " mener des opérations antiterroristes nocturnes pour arrêter des suspects, pour beaucoup membres de l’organisation terroriste Hamas ", indiquant qu’il y a eu " plus de 700 tentatives d’attaques " en Cisjordanie depuis le début du conflit.

Cette photographie prise le 8 janvier 2024 montre les décombres d’un bâtiment effondré dans le camp de réfugiés palestiniens de Nur Shams, où des raids israéliens ont été menés, près de la ville de Tulkarm en Cisjordanie occupée. (Zain JAAFAR, AFP)

Pour Saïd, un combattant palestinien de 23 ans, ces opérations sont " une vengeance " contre le Hamas après son attaque.

" Il ne se remettent pas de ce qui s’est passé le 7 octobre, ils ne l’avaient pas anticipé ", dit-il à l’AFP au milieu du camp de Nour Shams, portant un fusil.

Depuis le début de la guerre il y a 100 jours à Gaza, les forces israéliennes ont effectué huit incursions à Tulkarem, dont quatre en décembre, affirme un militant du camp ayant requis l’anonymat.

Le 20 octobre, l’armée a annoncé la mort d’un garde-frontière lors d’affrontements avec des hommes armés dans le camp.

" Brigade de Tulkarem "

En Israël, l’attaque du Hamas a fait environ 1.140 morts, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP à partir du bilan israélien.

Israël a promis de détruire le Hamas et mène depuis une opération militaire dans la bande de Gaza qui a fait près de 24.000 morts, essentiellement des civils, selon le ministère local de la Santé.

En Cisjordanie, plus de 330 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne ou des colons depuis le 7 octobre, dont au moins 35 à Tulkarem, selon un décompte de l’AFP basé sur des données du ministère de la Santé palestinien.

Saïd est membre de la " Brigade de Tulkarem ", une organisation armée palestinienne fédérant diverses factions.

Said, un militant palestinien de 23 ans de la " Brigade de Tulkarem ", est assis avec son arme dans le camp de réfugiés palestiniens de Nour Shams. (Zain JAAFAR, AFP)

Au détour d’une ruelle dans le camp, Assoum, un combattant de 26 ans, s’efforce de marcher entre les amoncellements de pierres. " Rien ne nous arrêtera ", lance-t-il, considérant " l’ensemble du camp comme un bataillon ".

Les deux hommes sont d’anciens prisonniers qui veulent " mettre fin à l’occupation ".

Le 26, l’armée israélienne a détruit la maison de Youssef Zandik, 50 ans. " Ma maison est inhabitable " et " mes vêtements sont dans la voiture ", relate ce père de quatre enfants en montrant un véhicule garé à proximité. Faute de logement, il décidé d’installer une tente.

Il y a une semaine, l’armée a perquisitionné la maison d’une de ses proches, Sabhia Zandik, 65 ans, et l’a arrêtée avec son mari avant de les relâcher. De retour chez elle, elle a trouvé sa maison sens dessus dessous.

" Ils veulent se venger, ce qu’ils ne peuvent pas faire à Gaza, ils le font ici ", accuse son conjoint.

" Une petite Gaza "

Assis au milieu des décombres, Tamim Khris, directeur d’école, sirote son café en compagnie de quelques amis. Selon lui, les Israéliens " veulent anéantir les gens, les déplacer et briser leur résilience ", afin que " nul ne songe à la Palestine ".

Abdelkader Hamdan, à côté de lui, le coupe: " Autrefois ils (les Israéliens) les ont chassés ", en référence à la " Nakba " de 1948, marquée par la création de l’Etat d’Israël qui a poussé 760.000 Palestiniens à l’exode. " Aujourd’hui, ils les pourchassent là où ils ont été expulsés ", poursuit-il.

Un Palestinien regarde les bâtiments effondrés dans le camp de réfugiés palestiniens de Nour Shams. (Zain JAAFAR, AFP)

Dans la rue Al-Manshiya, il ne reste rien du bâtiment de deux étages qui abritait une école maternelle et une salle de mariage, si ce n’est des dessins d’enfants ornant les murs extérieurs et une pierre arborant le logo de l’agence d’aide aux réfugiés palestiniens de l’ONU.

Saleh, 10 ans, joue ici avec ses amis. " C’est une école maternelle, que veulent-ils d’elle? ", lance le garçonnet en montrant les ruines: " C’est comme une petite Gaza ".

Avec Hiba ASLAN, AFP