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Après un Super Tuesday agité – où quinze États ont voté pour les primaires démocrates et républicaines –, Donald Trump et Joe Biden ont émergé en tant que maîtres incontestés du terrain politique. Ce script attendu et prédit par maints observateurs n’a laissé de choix à Nikky Haley, la seule candidate sérieuse à défier Donald Trump, qu’à se retirer de la course présidentielle. Sa performance a été qualifiée de décevante, celle-ci n’ayant réussi à remporter qu’un État parmi les quinze en lice lors du Super Tuesday et seulement deux au total depuis le début des primaires. Désormais, le duel Biden-Trump semble se confirmer pour de bon, marquant l’avènement d’un nouveau "rematch" entre ces deux candidats qui s’étaient déjà affrontés en 2020.

Désormais, l’entame officielle de la campagne présidentielle pour les élections générales s’affirme, bien que son élan se soit déjà manifesté avec vigueur. Joe Biden, dépourvu de tout adversaire sérieux, s’est assuré une place dans l’arène de la confrontation de novembre, tandis que Donald Trump, confiant dans sa capacité à évincer Nikky Haley, reproduit ainsi le schéma qu’il avait précédemment orchestré avec les candidats Ron De Santis et Vivek Ramaswami. Toutefois, une distinction significative émerge: après avoir récusé leur quête présidentielle, De Santis et Ramaswami ont rallié la bannière de Trump.

En revanche, Mme Haley, ayant centré sa campagne sur un sentiment anti-trumpiste au sein du parti républicain, n’a pas emprunté une voie similaire. Bien que son influence soit restreinte au sein de la base élargie du parti, elle a réussi à instaurer un courant anti-Trump susceptible d’avoir un impact sur les élections. En effet, l’électorat de Nikky Haley, contrairement à celui de De Santis et Ramaswami, n’est pas acquis à la cause de Trump et pourrait même, selon certains observateurs, envisager l’option Biden, présentant ainsi un défi préoccupant pour les républicains.

Dans un communiqué, M. Biden a exprimé sa ferme intention de rechercher un terrain d’entente avec les électeurs de Mme Haley sur des questions politiques cruciales. En outre, certaines enquêtes menées dans les États ayant procédé à un vote anticipé suggèrent qu’un "pourcentage significatif" des partisans de Haley se montrent réceptifs à l’idée de voter en faveur du président sortant, selon les dires du vétéran stratège démocrate, Simon Rosenberg, dans une déclaration à la BBC News. Parmi les électeurs de Mme Haley en Caroline du Nord, par exemple, seulement 21% ont affirmé leur intention de voter pour le candidat républicain.

Chaque fois que la perspective de la déroute politique de Joe Biden semble se dessiner, il réapparaît, arborant un sourire confiant et armé de son optimisme inébranlable. Optimisme justifié ou pas, c’est une autre affaire. Toujours est-il que lors de son discours sur l’état de l’Union devant le Congrès le jeudi 7 mars, le président démocrate a infligé un véritable tourment aux élus républicains, moqueurs depuis plusieurs mois à l’égard de sa décrépitude physique et mentale. Au cours de cet exercice prolongé, témoignant de sa persévérance à l’âge de 81 ans, bien que marquée par une tendance accrue à dévorer certains mots, Biden s’est efforcé d’établir un contraste complet avec Donald Trump, ce dernier étant délibérément omis et désigné comme "mon prédécesseur".

L’équipe de Joe Biden considère ce discours comme le véritable coup d’envoi de sa campagne présidentielle. Sa stratégie offensive vise à souligner la supposée menace existentielle que représente Donald Trump pour la démocratie américaine. Tout en rappelant le gouffre qui les sépare, le président cherche à éloigner les préoccupations concernant sa propre santé.

Donald Trump a quant à lui débuté sa campagne présidentielle dès le jour de sa défaite en 2020, en multipliant les attaques incendiaires, voire personnelles, à l’égard de Joe Biden, sans jamais lui accorder une période de répit. En lui attribuant des sobriquets originaux tels que "Sleepy Joe" (Joe le Somnolent) ou "Crooked Joe" " (Joe le Malhonnête), les attaques frontales reposent principalement sur des critiques liées à son âge, son approche perçue comme laxiste sur l’immigration, ses politiques économiques, entre autres.

Cette stratégie électorale, principalement déployée sur les réseaux sociaux, a indéniablement porté ses fruits, transformant un candidat initialement perçu comme non crédible et condamné à l’échec au moment de l’annonce de sa candidature il y a un an et demi, à un candidat donné premier dans la majorité des sondages.

Mais un des volets principaux qui ne concerne pas uniquement les États-Unis, mais l’Europe et aussi le Moyen-Orient, est celui de la politique étrangère. Quelles sont les différentes prises de positions?

Durant le discours de M. Biden devant le congrès, le chapitre consacré à la politique étrangère n’a guère réservé de surprises, étant dominé par deux crises majeures mondiales: la guerre en Ukraine et celle dans la bande de Gaza. Ces situations suscitent des interrogations croissantes quant à l’engagement américain, bien que de natures distinctes. Dans le premier cas, le soutien militaire à l’Ukraine demeure suspendu depuis plusieurs mois en raison de l’obstruction de la MAGA (des députés trumpistes) à la Chambre des représentants.

En ce qui concerne la seconde crise d’importance, le malaise grandissant au sein des milieux progressistes découle du refus de l’administration Biden de prendre ses distances vis-à-vis du gouvernement israélien. Après cinq mois de conflit, déplorant plus de 30.000 pertes humaines, principalement parmi la population civile et transformant la bande de Gaza en un champ de ruines, cette position provoque des remous.

De son côté, Donald Trump prétend être le seul acteur capable de restaurer la paix mondiale, une affirmation qu’il a étayée en référence à l’Ukraine et à la guerre à Gaza, insistant sur le fait que ce dernier conflit n’aurait pas eu lieu sous son mandat à la Maison Blanche. Il affirme être en bons termes avec la Russie et envisage de jouer un rôle de médiateur entre cette dernière et l’Ukraine pour mettre fin au conflit "en moins de 24 heures".

En réalité, les intentions de M. Trump en tant que dirigeant demeurent incertaines. Sa politique étrangère tend vers l’isolationnisme, notamment en se concentrant principalement sur la concurrence avec la Chine, avec une Europe reléguée à un statut secondaire. Cette tendance s’est déjà manifestée lors de son premier mandat par des menaces de retrait de l’OTAN. Bien qu’une réélection ne lui permette pas de retirer les États-Unis de l’organisation sans l’approbation du Congrès, il pourrait décider de ne pas respecter ses engagements. D’ailleurs, ses alliés ont été particulièrement choqués, et à juste titre, par sa déclaration selon laquelle il ne viendrait pas en aide en cas d’attaque de la Russie. La grande inquiétude résiderait dans la possibilité de Donald Trump de céder le Donbass à la Russie en échange d’un cessez-le-feu, au détriment de la volonté de l’Ukraine et du président Zelensky.

Finalement, en ce qui concerne la guerre Israël-Hamas, Trump, dont l’administration était résolument pro-israélienne, a affirmé être fermement du côté de l’État hébreu et a déclaré soutenir l’offensive continue d’Israël sur Gaza, qui a d’ailleurs causé la mort de plus de 30.000 Palestiniens civils. Le candidat républicain et ancien président a également affirmé à plusieurs reprises que s’il était président, il n’y aurait pas de guerre entre Israël et Gaza. "Cela ne se serait jamais produit si j’étais président", a-t-il déclaré à propos de l’attaque du 7 octobre du Hamas.

Mais le plus grand reste à venir: pour chacun de Biden et de Trump, convaincre leur camp et gagner le soutien du plus grand nombre d’électeurs incertains. Et cette fois, ils sont nombreux!