Le président Emmanuel Macron a fait de l’accroissement de l’aide à l’Ukraine une priorité majeure, mais le soutien financier et militaire à cette initiative semble reculer dans l’opinion française.

L’Assemblée nationale doit se prononcer mardi sur la stratégie de soutien à Kiev, un sujet loin de faire consensus au sein des partis politiques français et qui semble interpeller également la population.

" Plus que jamais, la Russie est vue comme le pays qui a envahi l’Ukraine ", souligne le directeur général Opinion de l’institut d’études Ifop, Frédéric Dabi, précisant que la cote de popularité du président russe, Vladimir Poutine, est inférieure à 20% chez les Français, alors que celle de son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, dépasse les 60%.

Il note pour autant " des éléments d’effritement, d’usure de l’opinion ". " Sans parler de tournant ", il observe que " l’on est peut-être à un point de bascule ", dans la mesure où l’opinion ne se contente plus seulement du " récit " d’une Ukraine agressée par la Russie, qu’il faut naturellement soutenir.

Le capital de sympathie à l’égard de cette cause a même diminué au cours de l’année écoulée, ajoute-t-il.

Selon un sondage Elabe réalisé pour la chaîne BFMTV et le journal La Tribune dimanche, 39% des Français estiment que la France devrait maintenir son soutien économique et financier à Kiev, tel qu’il est actuellement, soit une baisse de 11 points depuis le 28 juin 2023. Davantage de Français (26%, +3 points) estiment qu’elle doit réduire son soutien.

La même tendance est observée en ce qui concerne le soutien militaire : 43% des personnes interrogées (-9 points) estiment que la France devrait maintenir son soutien militaire à Kiev tel qu’il est actuellement, tandis que 22% (+4) pensent qu’elle devrait le réduire.

Cet effritement se traduit par une baisse sensible des dons.

" On est dans une séquence hyper politique et on ne parle plus de la situation humanitaire ", regrette Jacques Duplessy, chargé de mission pour l’Ukraine à l’association Safe.

Pourtant, " un Ukrainien sur quatre dépend de l’aide humanitaire, selon les statistiques des Nations unies ", rappelle-t-il.

Karine Meaux, responsable des urgences à la Fondation de France, constate également une baisse drastique des dons: plus de 16 millions d’euros avaient été collectés la première année, contre quelques centaines de milliers l’année passée.

" Dès qu’un sujet dure dans le temps, il y a forcément un effritement " de l’opinion, analyse le politologue Bruno Cautrès, chercheur au CNRS.

Il invite néanmoins à distinguer ce qui est de l’ordre d’un soutien " à des idées très générales " – le soutien du peuple ukrainien agressé – de ce qui est de l’ordre " du soutien motivé par des actions précises ", tel un soutien militaire accru.

Or, actuellement, le soutien à l’Ukraine génère " plein d’inquiétudes ", dit-il, notant " un niveau d’anxiété élevé " au sein de la population française.

Selon un sondage CSA réalisé pour CNews, Europe 1 et le JDD, une forte opposition émane d’une grande partie des Français (76%) quant à la possibilité d’envoyer des troupes françaises en Ukraine, une idée évoquée par M. Macron.

En outre, le débat sur l’aide à l’Ukraine se télescope avec des annonces sur le plan national jugées pas toujours lisibles.

Le 16 février, Emmanuel Macron avait annoncé aux côtés de Volodymyr Zelensky un versement de trois milliards d’euros à Kiev.

Quelques jours plus tard, le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire déclarait que l’État devait trouver 10 milliards d’euros d’économies.

Lundi, c’est Volodymyr Zelensky qui s’est adressé aux Français lors d’une interview à BFMTV et au quotidien Le Monde. " Vos enfants ne vont pas mourir en Ukraine ", a lancé le président ukrainien, en assurant que l’envoi de troupes étrangères n’était pas pour l’heure nécessaire.