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La réponse à cette question aux contours flous relève de la définition des enjeux qui s’y rattachent et à l’ordre de priorités qu’ils présupposent. Le fait de se situer en amont de ce conflit centenaire afin d’en définir les axes de dénouement relèverait plutôt de l’exercice scolaire que d’une démarche concrète de résolution des conflits. Il faudrait s’accommoder des données de circonstances afin de définir des angles d’approche concrets qui permettent d’arrêter un cadre opérationnel qui rend possible, non seulement l’arrêt des hostilités, mais de définir des mécanismes de transition vers une paix juste et durable. Ce qui est inquiétant dans ce contexte conflictuel, c’est l’absence d’une perspective d’ensemble qui permet aux acteurs du conflit de se projeter dans une dynamique de paix basée sur la reconnaissance mutuelle, l’autodétermination nationale et la recherche de solutions négociées à des contentieux aporétiques. La résolution du Conseil de sécurité 2728 a failli à ses objectifs dûment stipulés, vu l’absence d’articulation entre les visées politiques, sécuritaires et humanitaires. Un conflit aussi noueux que celui-ci ne peut être abordé en termes de pétitions de principes et de souhaits et en l’absence de relais opérationnels qui autorisent des transitions concrètes.

La déclaration de guerre du 7 octobre 2023 et son agencement composite étaient loin de toute équivoque: remettre en question la sécurité nationale de l’État d’Israël, la provocation d’une riposte proportionnée à l’ampleur du 7 octobre 2023 et l’instrumentation des effets miroir de ce conflit en vue de créer des clivages idéologiques et géopolitiques dont on se servirait par voie de conséquence. Les faux calculs, doublés du cynisme du Hamas et de ses mentors Iraniens, sont à l’origine des tragédies en cascade et de la fermeté de la réaction israélienne qui ne peut plus s’accommoder de la gestion du statu quo ante, des configurations stratégiques en place et du logiciel des rétorsions ponctuelles. La politique israélienne de défense, bien au-delà des différends idéologiques et politiques qui la définissent, a bénéficié d’un consentement unanimiste à l’endroit des options stratégiques dictées impérativement par la dernière guerre.

Autrement, les vicissitudes des six derniers mois ont érodé la cohésion de la coalition qui a mené la guerre, mais ils sont loin d’entamer le consensus et la volonté de changer la donne stratégique et géopolitique qui ont rendu possible la débâcle sécuritaire. Le désastre de Gaza risque de se reproduire à l’identique avec l’acheminement d’armes par l’Iran à la rive ouest et l’établissement d’une relation triangulaire entre l’Iran, la rive ouest et les interfaces syro-libanaises gérées par le Hezbollah. Le conflit est loin d’être sur la voie du dénouement tant que l’Iran poursuit la stratégie de l’encerclement et de déstabilisation qui vise la sécurité nationale israélienne et la concorde civile interpalestinienne. La guerre gagne en ampleur et la dynamique des enchevêtrements conflictuels semble prévaloir sur les chances de la solution négociée et de la désescalade. La mainmise iranienne sur le dossier israélo-palestinien devient de plus en plus hermétique. Les Israéliens sont acculés à des choix stratégiques de nature révolutionnaire qui induisent des changements géopolitiques et sécuritaires drastiques et entachés d’irréversibilité. Nous ne sommes plus dans le cadre d’une politique de représailles à portée limitée, nous sommes dans une dynamique de restructuration des rapports de force. Cette politique suicidaire adoptée par le Hamas ne fait que compliquer la donne stratégique et pulvériser le reste d’une hypothétique cohésion nationale palestinienne.

L’autre scénario se rapporte à la scène politique et stratégique libanaise qui a perdu sa raison d’être étatique au profit d’une politique de prédation graduée pilotée par l’Iran et ses partenaires domestiques (le Hezbollah et ses acolytes), qui se servent désormais des territoires libanais comme des plateformes opérationnelles aux agencements multiples. Les institutions libanaises ne sont, en réalité, que des faux-semblants instrumentalisés par la politique de domination hezbollahie pilotée par l’Iran. Le caractère endémique et systémique des crises de gouvernance n’est pas un effet du hasard ou celui d’une fatalité induite par leurs effets entropiques. Il s’agit, en fait, d’une volonté délibérée de sabotage à cibles multiples, et de blocages croisés qui visent toute velléité réformiste, de réconciliation nationale et de réélaboration des contrats sociaux. La politique pérenne des assassinats politiques, du terrorisme à grande échelle (explosion du port de Beyrouth, 4 août 2020) qui projette la restructuration des dynamiques urbaines, les mutations brusques de la géographie humaine (réfugiés syriens) et la destruction des équilibres intercommunautaires servent de leviers à la politique de domination en cours.

Certes, nous sommes devant un scénario d’État failli qui impose des retournements majeurs en matière de consensus national, de réformes institutionnelles et de choix stratégiques. Sinon, l’état d’éviscérations systémiques n’a rien épargné, il finira par étendre le spectre des friches sécuritaires et par détruire les configurations d’ensemble d’un pays qui subit depuis 76 ans les effets ravageurs des entreprises de sape qui ont visé sa légitimité nationale, ses choix politiques et constitutionnels, sa texture humaine et le socle anthropologique qui leur servait de base. Le fait d’avoir résisté à ce travail de destruction intentionnelle pendant huit décennies ne nous empêche pas de prendre la mesure des défis mortels qui le menacent. Toute recherche d’accommodements avec les réalités en cours est vouée à l’échec et ne fera que prolonger les effets délétères de la politique de subversion iranienne qui exploite les failles d’un pays éprouvé par les conflits conjugués d’un centenaire aussi exaltant par ses promesses que tragique.

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