Les trois quarts des États membres de l’ONU ont reconnu l’État de Palestine, proclamé par la direction palestinienne en exil il y a plus de 35 ans, comme l’ont fait mardi, à leur tour, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège.

La guerre de presque huit mois entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, déclenchée par l’attaque du mouvement islamiste palestinien le 7 octobre sur le territoire israélien, ravive les appels en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien.

D’après la liste fournie par l’Autorité palestinienne et les dernières annonces de gouvernements dans le monde, 145 pays sur les 193 États membres de l’ONU ont désormais fait part de leur reconnaissance de l’État palestinien. Peu avant l’Espagne, l’Irlande et la Norvège, quatre pays des Caraïbes (la Jamaïque, Trinité-et-Tobago, la Barbade et les Bahamas) avaient rejoint cette liste, dont sont absents la plupart des pays d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord, l’Australie, le Japon ou encore la Corée du Sud.

 

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Mi-avril, les États-Unis ont eu recours à leur droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour bloquer une résolution visant à ce que la Palestine devienne un État membre à part entière de l’organisation internationale.

1988, premières reconnaissances

Le 15 novembre 1988, quelques mois après le début de la première Intifada – soulèvement palestinien contre l’occupation israélienne – le dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, autoproclame "l’établissement de l’État de Palestine", avec Jérusalem pour capitale, à la tribune du Conseil national palestinien (CNP), qui tient lieu de Parlement en exil, à Alger. Quelques minutes plus tard, l’Algérie reconnaît officiellement le nouvel État.

Une semaine après, 40 pays, dont la Chine, l’Inde, la Turquie et la plupart des pays arabes, font la même démarche. Suivront presque tous les pays du continent africain et du bloc soviétique.

Dans les années 2010 et 2011 principalement, la plupart des pays d’Amérique centrale et d’Amérique latine leur emboîtent le pas, marquant leur distance sur la scène internationale avec les États-Unis, grand allié d’Israël.

2012, un pied à l’ONU

Sous la présidence de Mahmoud Abbas, successeur d’Arafat, mort en 2004, l’Autorité palestinienne instituée par les accords d’Oslo (1993) sur l’autonomie palestinienne lance une offensive diplomatique au niveau des institutions internationales.

Par un vote historique en novembre 2012, l’État de Palestine obtient le statut d’État observateur aux Nations unies. À défaut d’un statut de membre à part entière avec droit de vote, cela lui donne accès à des agences de l’ONU et à des traités internationaux.

Forts de ce statut, les Palestiniens rejoignent en 2015 la Cour pénale internationale (CPI), ce qui permet l’ouverture d’enquêtes sur des opérations militaires israéliennes dans les Territoires palestiniens. Les États-Unis et Israël dénoncent cette décision.

L’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) avait ouvert la voie en admettant, en octobre 2011, l’État de Palestine comme un de ses membres à part entière. Israël et les États-Unis quittent l’organisation en 2018, ces derniers pour y revenir en 2023.

2014, la Suède pionnière dans l’UE

La Suède devient, en 2014, le premier pays de l’UE à reconnaître l’État de Palestine, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie, la Roumanie et Chypre l’ayant fait avant de rejoindre l’Union européenne.

Cette décision de Stockholm, prise à un moment où les efforts pour résoudre le conflit israélo-palestinien sont dans une impasse complète, entraîne des années de relations houleuses avec Israël.

2024, nouvel élan européen

Mardi, dans un élan conjoint, l’Espagne et l’Irlande, tous deux membres de l’UE, ainsi que la Norvège, ont formellement emboîté le pas à la Suède, alors qu’une reconnaissance formelle de l’État palestinien a été longtemps vue par les pays occidentaux comme devant être la résultante d’un processus de paix avec Israël.

Les chefs des gouvernements maltais et slovène s’étaient joints le 22 mars au Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, et à leur homologue irlandais pour se dire, dans une déclaration commune, "prêts à reconnaître la Palestine" si "les circonstances sont les bonnes". Le 9 mai, le gouvernement slovène a lancé ce processus de reconnaissance sur lequel le Parlement doit se prononcer d’ici au 13 juin.

Le président français, Emmanuel Macron, a de son côté franchi un cap en février, estimant que "la reconnaissance d’un État palestinien n'[était] pas un tabou pour la France". Mais Paris répète que cette décision unilatérale doit être prise au "bon moment" et être "utile dans une stratégie globale pour la solution politique".

L’Australie a également évoqué en avril la possibilité d’une telle reconnaissance.

Marie Julien, avec AFP