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"Le monde va (très) mal"… Cette petite réflexion laconique, exprimée dans un post sur Internet, risque de devenir, fort à propos, une sorte de leitmotiv repris sur les réseaux sociaux. Elle se rapporte, en effet, à une série de graves développements à portée historique qui se multiplient dans une atmosphère fiévreuse et meurtrière aux quatre coins de la planète.

La tentative d’assassinat de Donald Trump, samedi en Pennsylvanie, n’est certes pas le premier attentat du genre aux États-Unis. Les personnes d’un âge certain se souviendront sans doute des grands assassinats et attentats politiques de l’époque contemporaine américaine: le président John Kennedy, tué le 22 novembre 1963, à Dallas; son frère, le sénateur Robert Kennedy, assassiné en 1968 en pleine campagne pour la présidentielle; également en 1968, Martin Luther King, le père de la lutte pour les droits civiques des Noirs américains (auteur du fameux slogan "I have a dream"), tué au cours d’un vaste meeting populaire à Memphis; sans compter l’attentat contre le président Ronald Reagan, en 1981. Ce qui distingue toutefois l’attentat de Pennsylvanie, c’est qu’il est le reflet, et la conséquence, d’une bataille électorale qui se déroule dans des conditions peu prestigieuses, pour ne pas dire surréalistes. Une bataille qui se caractérise par une violence verbale poussée à l’extrême et par des attaques personnelles frontales peu communes, lesquelles constituent souvent le ferment d’agressions physiques meurtrières, comme ce fut le cas samedi. Les Libanais en ont fait l’expérience à plusieurs reprises ces dernières années…

Cette violence verbale démesurée marque aussi malencontreusement, depuis quelque temps, la vie politique en France, plus particulièrement depuis l’annonce des résultats des dernières législatives anticipées. La "guerre psychologique" qui frappe aujourd’hui l’Hexagone, émaillée d’une crise socio-économico-financière aiguë et de turbulences sécuritaires épisodiques, a eu pour retombée directe une dangereuse montée aux extrêmes et l’émergence d’une apparente impasse constitutionnelle (à la "libanaise"…) au niveau du pouvoir exécutif. Ce climat général belliqueux, qui entrave la recherche de compromis en vue d’une sortie de crise, a poussé nombre d’analystes à évoquer l’impensable cas de figure où la France risque d’être, à court terme, "ingouvernable". D’aucuns iront même jusqu’à avancer l’hypothèse (ironie du sort…) d’une "libanisation" du paysage politique français!

Un monde qui va mal, certes, mais, surtout, un monde fou, atteint de déraison démentielle… Il suffit pour s’en convaincre de suivre les développements de la guerre en Ukraine où le président Vladimir Poutine n’a pas trouvé d’autres moyens pour ébranler les défenses ukrainiennes que d’envoyer à l’assaut des lignes "ennemies", en un même jour, plusieurs vagues successives de soldats russes (et de mercenaires) qui servent de chair à canon et qui se font tuer ainsi par centaines, quotidiennement, à chaque tentative d’assaut qui se solde, au mieux, par le gain de quelques dizaines de mètres de terrain. Les lourdes pertes en vies humaines dans ce cadre ne sont perçues que sous l’angle de simples dommages collatéraux! Le président Poutine a de fâcheux précédents en la matière, lui qui n’a pas hésité à diverses reprises, au cours de ces dernières années, à écraser sous des tapis de bombes toutes les frondes et les rébellions qui menaçaient son pouvoir ou sa stratégie expansionniste.

Plus près de nous, certaines populations de la région font les frais d’une ligne de conduite meurtrière et démentielle en tous points similaires, précisément sous le poids du régime des mollahs iraniens. Ces derniers, pour bien s’imposer comme acteurs incontournables sur l’échiquier moyen-oriental, livrent des combats par procuration jusqu’au dernier Palestinien à Gaza, jusqu’au dernier Libanais au Liban-Sud, jusqu’au dernier Houthi au Yémen. Là aussi, sacrifier des populations entières sur l’autel des seules politiques hégémoniques des Gardiens de la révolution islamique de Téhéran ne constitue qu’un dommage collatéral…

Ce n’est évidemment pas la première fois dans l’Histoire que le monde paraît voguer de la sorte à la dérive, balloté par des répressions sauvages à répétition et des guerres tout aussi stériles que trompeuses. Mais dans le contexte international présent, le plus préoccupant est sans doute de voir la déraison politique "à la libanaise" atteindre de plein fouet des pays occidentaux comme les États-Unis et la France, dont la vocation est d’offrir au monde, dans la continuité, un modèle de démocratie véritable, de respect du pluralisme et de sauvegarde des libertés publiques et des droits humains.