Des milliers d’électeurs de gauche ont manifesté samedi en France contre "le coup de force" du président Emmanuel Macron, qui a finalement nommé un Premier ministre de droite, Michel Barnier, près de deux mois après les législatives de juillet.

Un total de 110.000 personnes ont manifesté samedi en France, dont 26.000 à Paris, à l’appel notamment de La France Insoumise pour dénoncer le "coup de force de Macron", a indiqué le ministère de l’Intérieur.

Quelque 150 mobilisations étaient prévues dans toute la France, selon les organisateurs qui ont revendiqué 300.000 manifestants en France et 160.000 à Paris.

La colère est d’abord tournée contre Emmanuel Macron et son "coup de force démocratique", selon les mots des initiateurs de la marche, furieux de ne pas voir nommée à Matignon Lucie Castets, candidate d’une gauche unie forte de 193 députés.

"La démocratie, ce n’est pas seulement l’art d’accepter d’avoir gagné, c’est aussi l’humilité d’accepter de perdre", a ainsi lancé le patriarche Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, à l’adresse d’Emmanuel Macron, juché sur un camion dans le cortège de la capitale.

"Ce que Macron nous offre, ce n’est pas une cohabitation, c’est une provocation", a tancé sur BFMTV la cheffe des écologistes, Marine Tondelier, promettant de ne pas se "résigner", depuis le rassemblement de Lille – l’un des 150 revendiqués dans le pays.

L’initiative, lancée fin août par deux syndicats d’étudiants et de lycéens, puis reprise en main par LFI, s’inscrit dans une stratégie de contestation plus large des Insoumis. Ceux-ci ont déposé à l’Assemblée nationale une procédure de destitution du président de la République.

Mais les troupes mélenchonistes peinent à faire le plein de soutien à gauche: comme les grandes centrales syndicales, le PS n’a pas relayé l’appel à manifester samedi; et seuls six élus écologistes et trois ultramarins ont paraphé, en plus des députés LFI, la proposition de destitution.

Un gouvernement "fragile"?

La pression n’est pas venue que de la gauche, samedi. Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, en déplacement à la foire de Châlons-en-Champagne, a exigé de M. Barnier que "les sujets du Rassemblement national" soient pris en compte par un futur gouvernement étiqueté comme "fragile".

Si le RN a jusque-là fait savoir qu’il jugerait M. Barnier "sur pièces" et n’entendait pas tenter de le renverser à l’Assemblée nationale avant de connaître le contenu de son programme, le ton s’est durci, le parti à la flamme capitalisant sur son contingent de 126 députés (142 avec les alliés d’Eric Ciotti). "Nous aurons sans doute un rôle d’arbitre dans les prochains mois et à compter d’aujourd’hui", a rappelé le chef du RN.

"Je crois qu’à compter de ce jour, M. Barnier est un Premier ministre sous surveillance (…) d’un parti politique qui est désormais incontournable dans le jeu parlementaire", a-t-il ajouté.

"Moi, je suis sous la surveillance de tous les Français", a rétorqué M. Barnier en marge de son premier déplacement en tant que chef du gouvernement à l’hôpital Necker à Paris.

À l’adresse de la gauche, il a récusé les mots de "coup de force, qu’il n’a pas lieu de prononcer". "On n’est pas dans cet état d’esprit là: l’esprit, c’est de rassembler autour d’un projet d’action gouvernementale", a-t-il encore plaidé, faisant valoir que la situation financière du pays était "grave".

Le Premier ministre a également poursuivi samedi ses consultations à Matignon où il a échangé, samedi matin, avant de déjeuner, avec sa prédécesseure Elisabeth Borne, qui a salué en M. Barnier un homme "méthodique, solide, expérimenté". Il a par ailleurs réfuté mener une "entreprise de déstabilisation du président de la République", après avoir officialisé cette semaine sa candidature à l’Elysée.

Zemmour : l’heure du rebond ?

Au creux de la vague après les législatives, Reconquête!, le parti d’Éric Zemmour, a revisité samedi lors de son université d’été à Orange ses thèmes de prédilection, du grand remplacement à la lutte contre le wokisme, tout en revendiquant de " dépolitiser " la France.

Plus de 1.700 personnes ont participé à cet événement de rentrée dans le Vaucluse, ponctué de banquet, conférences, concert et table-ronde, et marqué par des virulentes charges anti-système, à l’heure où le parti cherche à se relever d’une déroute aux législatives et s’interroge sur son avenir.

Acclamé par les "reconquérants", Éric Zemmour a longuement incriminé les partis français et la "politique", assurant qu’elle était devenue "l’ennemie du peuple".

"Nous sommes le parti qu’il faut à ceux qui ne veulent plus des partis", a assuré le président de Reconquête!, qui a affirmé sa volonté de "dépolitiser" le pays, estimant que "tout est devenu politique".

Quant au nouveau Premier ministre Michel Barnier, Éric Zemmour y voit "la nouvelle incarnation du non choix macronien". "Personne n’espère rien de lui, il symbolise la politique française dans tout son ennui", a-t-il poursuivi.

Dans son discours, Eric Zemmour n’a pas épargné le Rassemblement national, qu’il accuse de vouloir "obstinément plaire à la gauche et aux médias, sans jamais y parvenir".

Cécile Azzaro, avec AFP